PÉDIATRIE-NÉONATOLOGIE

Puériculture : une spécialité qui doit évoluer au plus près du parcours de soin de l’enfant

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Publié le 12/06/2023

Pour les infirmiers puériculteurs, la spécialité doit évoluer pour s’imposer plus largement dans le parcours de soin de l’enfant, dans un contexte de crise générale de la pédiatrie. Pratique avancée, nomenclature spécifique pour les professionnels exerçant en ville et réforme de la formation :  des perspectives ont été esquissées à l’occasion du Salon Infirmier 2023.

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Manque de personnel, désertification médicale, rupture dans la continuité des soins, perte de chances pour les enfants hospitalisés…, « tout le secteur de la périnatologie est en difficulté ». C’est le constat posé par Peggy Alonso, la nouvelle présidente de l’Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s d’Etat et des étudiants (ANPDE), lors du Salon infirmier*. Dans ce contexte, il y a donc tout intérêt à parier sur le rôle, majeur (voir encadré), que peuvent jouer ces spécialistes du soin aux enfants que sont les infirmiers puériculteurs (IPDE). Car « l’infirmière puéricultrice est présente sur tous les secteurs d’activité. »

Pour aller plus loin sur la plus-value de l'IPDE :
Rapport de la députée Michèle Peyron (mars 2019), relatif à la PMI, et rapport de la Commission des 1 000 premiers jours, missionnée en septembre 2019 par Adrien Taquet, alors Secrétaire d’État à l’enfance et aux familles.

Et ce d’autant plus que, dans « un système pensé autour des médecins, fondé sur le curatif […], l’IPDE se positionne sur le préventif » et que son intervention précoce dans le parcours de santé d’un enfant peut « permettre d’éviter l’hospitalisation. » Ces professionnels, du fait des déserts médicaux croissants, se retrouvent d’ailleurs de facto « en première ligne ». « La plupart des activités en PMI reposent sur les infirmiers puériculteurs parce qu’il n’y a plus de médecins », a observé la présidente de l’ANPDE. « On attend d’eux qu’ils dépistent et qu’ils orientent vers des professionnels adaptés, pour une prise en charge précoce ». Problème : au sein de la spécialité, on constate là aussi des tensions en personnels, que ce soit en ville ou dans les établissements. Le Haut conseil de la santé publique (HCSP) recommande d’augmenter de 50% le nombre d’étudiants IPDE dans les centres de formation pour répondre aux enjeux de santé. « Mais on n’arrive pas à remplir les écoles d’infirmiers », a-t-elle ironisé. Car, comme les autres spécialités infirmières, la profession souffre d’un déficit d’attractivité.

La réingénierie de la formation infirmière en pédiatrie doit être entreprise.

Une formation qui n’a pas évolué depuis 40 ans

Il faut dire, que côté formation, « cela fait 40 ans que notre programme n’a pas été revu », a pointé Anne Métivet, formatrice cadre de santé et par ailleurs trésorière de l’ANPDE. Datant en effet de 1983, celui-ci n’est plus adapté aux nouveaux enjeux de la santé des enfants. « La réingénierie de la formation infirmière en pédiatrie doit être entreprise » ; et elle est d’autant plus urgente que la pédiatrie a presque disparu de la formation socle depuis sa refonte en 2009 et son passage en cursus LMD. « Ce qui nous manque, ce sont des compétences en examen clinique approfondi de l’état de santé de l’enfant », a ajouté Virginie Jeanmet, directrice de l’association Famili’Bulle (Le Havre), qui intervient au domicile en soutien à la parentalité.

La pratique avancée, oui, mais selon certaines conditions

Sur le front de la formation, le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, paru en janvier 2023, évoquait l’intérêt d’inscrire l’exercice des IPDE en pratique avancée. Une évolution que réclame certes la profession, mais pas à n’importe quel prix ni dans n’importe quelle condition. « L’IPDE exerce déjà des activités qui relève de la pratique avancée », a expliqué Anne Métivet, pour qui cet exercice ne correspond pas, en l’état actuel, aux besoins de la spécialité.

Il faut un nouveau diplôme, pour un nouveau métier à repenser avec une montée en compétences. 

« Nous souhaitons bénéficier de 2 ans exclusifs sur la pédiatrie » avec un maintien des écoles qui forment à la spécialité, qui noueraient des liens étroits avec les universités. Ces deux années seraient centrées sur l’enfant et sa famille, et non pas divisées entre une année commune à toute la pratique avancée, suivie d’une année de spécialité. « Nous demandons une formation transversale », qui embrasserait notamment « la recherche et l’encadrement des étudiants » et auxquels viendraient se greffer deux domaines supplémentaires : la conduite de projets et une formation aux compétences cliniques nécessaires à la pose d’un diagnostic.

« Il faut un nouveau diplôme, pour un nouveau métier à repenser avec une montée en compétences. » Une telle évolution faciliterait notamment l’accès au premier recours et redonnerait de l’attractivité au métier, défendaient déjà 5 organisations représentantes de la profession, dont l’ANPDE, en octobre 2022 dans le sillage du lancement du CNR Santé. L’association, qui compte travailler avec le Comité d’entente des écoles préparant aux métiers de l’enfance (Ceepame) pour imaginer de nouveaux référentiels, table actuellement sur une mise en place effective de la réingénierie de la formation pour la rentrée 2024.

En ville aussi, une évolution nécessaire

Demeure enfin la problématique spécifique de l’exercice en ville, essentiellement relative à la rémunération de ces professionnels. Car il n’existe aucune nomenclature dédiée aux actes IPDE en libéral, a rappelé Peggy Alonso. Or une cotation particulière est évidemment indispensable « pour reconnaitre la spécificité de certains de nos actes, dont la pose d’une sonde gastrique » sur un enfant. Quant à l’exercice de l’IPDE en pratique avancée en ville, il est encore freiné par la difficulté pour ces professionnels de travailler en pluriprofessionnalité, a relevé Virginie Jeanmet.

Pour autant, il existe là aussi des perspectives : les IPDE qui exercent en structures ou associations peuvent évoluer afin de devenir "référents santé et accueil inclusif" (RSAI). Depuis le 1er janvier 2023, la loi impose la présence d’un RSAI dans toutes les crèches. Dotés obligatoirement d’une expérience de 3 ans minimum en pédiatrie, ces derniers assistent « les directeurs de crèche, qui connaissent peu le développement de l’enfant » et accompagnent les professionnels, en lien avec les familles, a expliqué Fabien Marchand, directeur de crèche. De quoi permettre de faire « grandir l’exercice en libéral ». « Notre priorité, c’est de faire monter les puériculteurs et puéricultrices en compétences », a donc conclu Anne Métivet, et ce quel que soit leur environnement et mode de travail.

*Qui s’est tenu du 23 au 25 mai 2023, dans le cadre de SantExpo.


Source : infirmiers.com