Comment abordez-vous votre mission à la tête de l’association ?
2023 est vraiment une année qui doit marquer un changement pour notre profession et pour notre système de santé. La profession d’IPDE n’est pas la seule en jeu : c’est toute la prise en charge qui a besoin d’innover. Or, pour être plus représentatifs auprès des groupes de travail au ministère, il nous faut plus d’adhérents. C’est parce qu’il se passe quelque chose aujourd’hui qu’il faut que l’on se fédère. Je prends l’exemple de la réingénierie de notre formation : soit on l’enclenche, soit on n’y parvient pas et dans ce cas, on met en péril notre profession.
La rupture avec la précédente présidence de l’ANDPE est là. Notre différence, ce sera sans doute d’oser. Peut-être que notre défaut jusqu’à présent était d’être trop cloisonnés, trop centrés sur l’Association, de ne pas communiquer non plus auprès des adhérents, des politiques. Aujourd’hui, on ne peut plus se le permettre. Il faut que l’on montre les compétences de l’ensemble des infirmiers puériculteurs, en participant notamment à des groupes de travail, à des référentiels. Pour cela, je ne compte pas uniquement me reposer sur mon Bureau ; nous allons mettre à profit les compétences de nos différentes commissions (libérale, mode d’accueil, PMI, protection de l’enfance, hospitalière et formation) et de nos adhérents.
Les profils au sein du nouveau bureau de l’association sont très divers. Quel en est l’enjeu ?
L’intérêt de composer le Bureau de l’Association en fonction de l’ensemble des secteurs d’activité des professionnels, c’est pour montrer que nous sommes représentatifs de chacun d’entre eux. Par exemple, Fabien Marchand, le trésorier adjoint, est spécialisé dans les modes d’accueil, et j’attends de lui qu’il me partage son point de vue, son expérience afin que l’association puisse se positionner sur ce sujet. Nous sommes vraiment dans une optique de partage des compétences, et il ne faut que ça repose sur une seule personne. Nous espérons également nous appuyer de façon plus large sur nos adhérents ; nous sommes 22 000 puériculteurs en France, mais l’ANPDE compte environ 2 000 adhérents, soit à peine 10% de ces professionnels, ce qui est largement insuffisant. L’enjeu est qu’elle soit représentative de l’ensemble des secteurs de la puériculture, que nous fassions corps. Il faut que nous partagions une vision de la profession et de l’Association, afin que chacun puisse s’y sentir intégré.
Nous avons besoin de gagner en compétences cliniques.
Quels grands chantiers prioritaires comptez-vous engager ?
Tous nos chantiers s’entrecroisent. Mais l’urgence reste la réingénierie de notre diplôme, que nous n’avons pas d’autre choix que de faire évoluer si l’on veut répondre aux enjeux du système de santé. Un certain nombre d’actes que les IPDE réalisent – et je pense notamment aux IPDE à l’hôpital – ne figurent pas dans notre décret de compétences. Il y a donc urgence à mettre à jours les compétences que nous déployons sur le terrain. Mais il faut aussi que nous nous formions pour devancer les enjeux du système de santé. C’est un travail que nous menons en collaboration avec le Comité d’entente des écoles préparant aux métiers de l’enfance (Ceepame), afin de proposer un référentiel d’activités et de compétences qui soit cohérent avec les évolutions qui attendent le diplôme infirmier. Nous ne sommes par exemple pas contre l’idée de réinjecter de la pédiatrie dans la formation socle, parce que, dans l’intérêt des enfants, chaque infirmier doit pouvoir répondre de façon adaptée à leurs besoins.
Qu’en est-il de la pratique avancée ? Envisagez-vous, par exemple, la création d’une mention en pédiatrie ?
Il a effectivement été envisagé de créer une mention IPA pédiatrique, ce que nous avons refusé. Car le problème du système IPA, c’est qu’il prévoit deux ans de formation, dont une commune et une de spécialité. Or nous pensons qu’une année n’est pas suffisante pour acquérir l’ensemble des connaissances et des spécificités liées à l’enfant. Nous réclamons plutôt un diplôme de niveau Master en deux ans, qui intègrerait des modules nous permettant de faire de la pratique avancée. Là est toute la subtilité. L’intérêt est de pouvoir faire du premier recours, évaluer la santé, poser des diagnostics et prescrire un certain nombre de choses, ce qui nous manque aujourd’hui. Et nous avons besoin de gagner en compétences cliniques. Je pense par exemple à l’examen cardiaque : pouvoir examiner un cœur et déterminer si le bruit est normal ou pas permet de faire un dépistage précoce et d’orienter l’enfant vers le bon professionnel. Cela ne veut pas dire qu’on fera le diagnostic d’une insuffisance mitrale. Mais la pratique avancée doit nous autoriser à nous placer comme acteurs de premier recours de façon généraliste et à orienter les patients de manière adaptée.
Et qu’en est-il de l’exercice libéral, où il n’existe pas de modèle économique spécifique aux IPDE ?
C’est très lié à la question de la réingénierie. Actuellement, il n’y a pas de codification dédiée aux IPDE en libéral (voir encadré). Le fait d’accéder à un niveau Master permettra de définir les codifications qui vont avec. C’est une demande de longue date : Mme Peyron [députée Renaissance de Seine-et-Marne, ndlr] demandait déjà dans son rapport de 2018 une codification liée aux actes des IPDE en PMI, et Adrien Taquet [Secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance depuis 2019, ndlr] réclamait dans sa loi de mars 2022 une étude sur les activités des IPDE en PMI pour définir le modèle économique. Mais quand on réclame une codification spécifique, on nous répond que ça va coûter trop cher à la CPAM. Nous devons donc prouver que, lorsqu’on rembourse une consultation IPDE, on économise derrière un passage aux urgences, voire une hospitalisation, toutes deux beaucoup plus coûteuses pour notre système de santé. Mais à ce jour, aucune suite n’a été donnée à la demande de M. Taquet.
« Les Assises de la pédiatrie ont pris du retard », constate Peggy Alonso. L’ensemble des concertations ont eu lieu mais les professionnels attendent toujours l’arbitrage et les annonces du gouvernement. « Une grande demande, c’est de pouvoir développer le libéral, dans un contexte de désertification médicale, de pouvoir codifier un certain nombre d’actes de prévention et de prise en charge de l’enfant, pour développer le secteur libéral spécifique » à ce type de population, explique-t-elle. Car, en l’état actuel, en l’absence de codification dédiée, il n'y a pas d’infirmiers puériculteurs exerçant en libéral. Les soins sont donc pratiqués par des infirmiers généraux, qui sont peu, voire pas du tout, formés aux spécificités de l’enfant. Il est donc « urgent » de parvenir à une codification des actes des IPDE, dans « le souci d’une prise en charge efficiente et pertinent de l’enfant en milieu libéral. Il faut bien penser la prise en charge après l’hôpital ».
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