Quels sont les effets de l’expérimentation du Paiement en équipe de professionnels de santé (Peps, qui fonctionne sur la répartition d’un forfait annuel par patient entre différents professionnels de santé) au sein des structures d’exercice coordonné ? Dans une enquête sociologique, des chercheurs de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) se sont penchés sur ce nouveau mode de rémunération. Imaginé dans le cadre de l’article 51*, il vise à renforcer « les dynamiques de coordination entre les professionnels de santé, notamment entre médecins et infirmières d’une même équipe. »
Plus précisément, les objectifs affichés sont d’améliorer la qualité et la pertinence des soins en plaçant le patient au cœur de la prise en charge et en limitant les actes évitables, ainsi que la qualité du parcours par un suivi coordonné et une incitation financière, et de libérer du temps médical grâce au travail de coopération. Pour prétendre à participer à l’expérimentation, l’équipe pluriprofessionnelle doit comporter au moins 5 professionnels de santé dont « au minimum trois médecins généralistes et un infirmier » et suivre 250 patients.
Un mode de rémunération qui répond bien aux spécificités des CDS
Originellement destinée aux maisons pluriprofessionnelles de santé (MSP), l’expérimentation a en réalité surtout séduit les centres de santé (CDS), révèle l’étude. Et de mettre au jour un paradoxe : « initialement pensé comme une incitation au changement pour les professionnels de santé libéraux en exercice coordonné, le forfait apparaît comme un instrument de solvabilisation et de légitimation des pratiques de coordination et du travail de soin » par ces structures qui emploient des professionnels salariés. Celles-ci développent en effet de longue date un exercice coordonné et une prise en charge globale, pour lesquels le paiement à l’acte s’avère très peu pertinent, expliquent les chercheurs. S’il rejoint d’autres sources de financement et ne permet pas d’augmenter de manière significative les budgets des CDS, le Peps peut toutefois répondre à un besoin de stabiliser leur modèle économique.
Une meilleure reconnaissance des activités hors nomenclature
Côté activités, « dans les déserts médicaux, les équipes des CDS se saisissent de Peps pour améliorer la coordination des soins, outre l’accueil, via la délégation médicale vers les infirmières qui « montent en compétences », notamment les Infirmières de pratique avancée (IPA) », ajoutent les chercheurs. Un mouvement qui s’accompagne d’une plus grande continuité des soins (permanence de nuit qui décharge les urgences, par exemple) et d’une meilleure reconnaissance des activités hors nomenclature, comme les ateliers de prévention ou l'orientation vers des médecins spécialistes. « L’expérimentation est ainsi un moyen pour les CDS de faire valoir une conception du soin qui ne se réduit pas au travail des médecins », juge l’étude. Pour autant, pointent les chercheurs, « le passage au forfait apparaît comme une condition nécessaire mais non suffisante pour solvabiliser et pérenniser le modèle des centres de santé, en particulier à but non lucratif ».
Un dispositif qui n'a pas fait ses preuves, juge Convergence
Cette étude intervient alors que l’Assurance maladie entend généraliser ce nouveau mode de rémunération. Et si les professionnels des CDS sollicités dans le cadre de l’étude émettent des retours globalement positifs (plus de temps médical, reconnaissance d’actes existants, meilleure coordination de parcours…), le syndicat d’infirmiers libéraux Convergence infirmière pointe dans un communiqué un dispositif qui « n’a fait ses preuves ni en France, ni à l’étranger ». Il reproche notamment au Peps d’être destiné à des organisations plutôt qu’à des soignants, affirmant par ailleurs que le modèle des CDS « ne fonctionne pas ». « Il est urgent de remettre l’humain au cœur du système de santé, de penser aux patients et aux soignants », assène-t-il.
Consulter l'étude « Des expérimentateurs et promoteurs inattendus : mise en œuvre, effets et usages de l'expérimentation Peps dans 16 centres de santé » de l'Irdes.
*Mis en place dans la loi de financement de la Sécurité sociale de 2018.
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