HISTOIRE DU MÉTIER

Être infirmier au XIXe siècle (chap. 4)

Publié le 17/12/2024

Les sources sont rares pour ce qui est des femmes soignantes, elles le sont nettement plus encore pour ce qui est des hommes. En effet, on parle le plus souvent de la femme dans les soins et rarement de l’homme. Or, son rôle n’a pas été aussi effacé qu’on le croit dans l’histoire des soins et tout particulièrement au XIXe siècle. Cet article, dans la continuité des précédents sur le sujet, s'intéressent de près aux relations alors entre l'infirmier et le corps médical.

Infirmier au XIXème siècle

Garçon d’amphithéâtre en 1840 - A Hamilton, F Regnault : Les Gardes-malades congréganistes, mercenaires, amateurs, professionnelles. Vigot frères, 1901.

Garçon d’amphithéâtre en 1840

Garçon d’amphithéâtre en 1840 - A Hamilton, F Regnault : Les Gardes-malades congréganistes, mercenaires, amateurs, professionnelles. Vigot frères, 1901.

L’infirmier, c’est aussi celui qui va aider le jeune médecin en formation et lui donner  des tuyaux moyennant finance.

Les relations avec le corps médical

Ici, le corps médical est sans appel. L’infirmier est un servant du médecin : un auxiliaire médical qui doit exécuter ses ordres. Et lorsque les médecins sont élogieux avec les infirmiers et vont jusqu’à les trouver intelligents, c’est uniquement quand ils appliquent correctement leurs prescriptions (rappelons qu’en ce siècle, l’infirmier n’est qu’un servant de 2ème classe) : Je me souviens surtout d’un malheureux couché au numéro 25 de la même salle, atteint d’une petite vérole confluente et dont les jambes et les cuisses se couvrirent d’ulcérations répandant une odeur infecte. Il dut la vie aux applications du diachylum lycopodé faites pendant plusieurs jours avec un soin extrême par Henri Devoix, infirmier intelligent, qui, tenant peu de compte du péril qu’il courait ne songea qu’à conserver le malade. 1

L’infirmier, c’est aussi celui qui va aider le jeune médecin en formation et lui donner des tuyaux moyennant finance. Sans doute le candidat [étudiant médecin] a à examiner un malade. Mais, averti de l’hôpital où il passera son examen, il n’a qu’à suivre la consultation, et il connaîtra ainsi le diagnostic posé à l’entrée du malade à l’hôpital. Le plus souvent, l’infirmier, pour une modique somme, lui indiquera la nature de la maladie du malade qu’il aura à examiner. Ce sont là les bénéfices des infirmiers attachés aux services des cliniques de la Faculté. Que les candidats me désavouent, si cette méthode n’est pas pratiquée sur une large échelle. 2

Un médecin, si haut placé qu'il soit, quand il vient faire sa clinique au lit d'un mourant n'écoute-t-il pas l’infirmier, ne l'interroge-t-il pas ne le consulte-t-il pas même dans de certaines limites ?

Dans un compte rendu du procès de Mme Hahnemann de 18473 pour exercice illégal de la médecine, l’avocat général avance un argument surprenant à l’époque où apparaissent les relations médecin-infirmier. On met en avant le fait que l’infirmier aurait une expérience professionnelle utile au médecin. Mais pouvez-vous empêcher ce qui se passe tous les jours ? Un médecin appelle des consultations, des avis ; il interroge les gens à diplôme comme lui. Mais, et ces détails sont pour chacun de vous des souvenirs, ne cherche-t-il pas encore à s'éclairer en recueillant les observations des plus humbles serviteurs de l'art ? Ainsi, un médecin, si haut placé qu'il soit, quand il vient faire sa clinique au lit d'un mourant n'écoute-t-il pas l’infirmier, ne l'interroge-t-il pas ne le consulte-t-il pas même dans de certaines limites ? Et si, par hasard, l’infirmier sortant de son rôle passif, ne se bornant pas à dire « Le malade a eu la fièvre, il a dormi, son sommeil a été agité... » venait à ajouter que, d'après ce qu'il a vu, il lui semblerait qu'une saignée pourrait être salutaire, est-ce qu'il manquerait à son devoir ? Le médecin est là qui pèse son avis reçoit son conseil, le suit ou le rejette et dans tous les cas, prend sur lui seul la responsabilité du parti qu'il adopte. 4 Il est cependant vite rappelé que la responsabilité de soigner le malade relève du médecin et d’aucun autre. On remarquera que l’on considère le rôle de l’infirmier comme étant « passif ».

Notes

  1. PIORRY P-A, « Pour une médecine du bon sens. De l’emploi de petits moyens en médecine et en thérapeutique » Ed Delahaye, 1867, opus cite p 25.
  2. MICHAUT P, « Pour devenir médecin » Paris, Editions Schleicher frères, 1899, opus cite p 70
  3. Madame Hahnemann, veuve du célèbre inventeur de l'homéopathie, dénoncée par M.Orfila, doyen de la faculté, a comparu, le 20 février 1847 devant la 5ème chambre du tribunal de police correctionnelle de la Seine, sous la double prévention d'exercice illégal de la médecine et de la pharmacie.
  4. BAILLERE J-B, « Compte rendu du procès de Mme Hahnemann, docteur en homéopathie : question d’exercice illégal de la médecine. Recueil de documents judiciaires », Paris, Editions Hyppolite Prévost, 1857, opus cite p 40.

 L’auteur remercie la Revue de la Société Française d’Histoire des Hôpitaux d’avoir accepté la publication de cet article sur Infirmiers.com.

    Marc CATANAS, directeur des soins

    Source : infirmiers.com