Cette loi, déposée par Frédéric Valletoux et Nicole Dubré-Chirat le 19 novembre dernier, a été pensée pour « redéfinir la profession d’infirmier diplômé d’État » dans un contexte où difficultés d’accès aux soins et pénurie de professionnels médicaux se conjuguent à une augmentation des demandes en soins liée au vieillissement de la population et à la multiplication des maladies chroniques. « Parce qu’il s’agit de la première profession paramédicale en France, il est indispensable de reconnaître les missions des infirmiers et infirmières et l’évolution de leurs compétences », une double nécessité soutenue par « une large majorité des Français », souligne le texte en introduction de ses deux articles.
Reconnaître les notions de consultation et de diagnostic infirmiers
Le premier cible ainsi quatre missions socles : la réalisation des soins, leur évaluation, le suivi du parcours de santé, dont la coordination, la prévention (dont actions de dépistage, promotion de la santé et de l’éducation thérapeutique), et la participation à la formation des étudiants, pairs et professionnels de santé placés sous la responsabilité des infirmiers. Une évolution qui passe notamment par la reconnaissance de la consultation et du diagnostic infirmier, mais aussi des soins relationnels que pratiquent nécessairement les infirmiers dans le suivi de leurs patients.
Recadrer les situations d'exercice illégal de la médecine
Plus concrètement, la proposition de loi entend modifier plusieurs textes existant du Code de la santé publique, à commencer par l’article L. 4161-1, qui expose les situations d’exercice illégal de la médecine. Il s’agit ainsi de rajouter une mention relative aux infirmiers « qui effectuent des consultations infirmières dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, ou qui prescrivent les produits de santé et examens ou effectuent les actes professionnels et soins » prévus par la loi à la liste des exceptions.
Légaliser l'élargissement des missions infirmières
Le texte prévoit également de remplacer l’article L. 4311-1, qui cadre l’exercice infirmier, par de nouvelles dispositions élargissant ses missions : « Dans son exercice professionnel, l’infirmier initie, réalise, organise et évalue les soins infirmiers. Il effectue des consultations infirmières et pose un diagnostic infirmier. Il prescrit les produits de santé et examens complémentaires nécessaires à l'exercice de sa profession », définit la proposition de loi. Celle-ci vient également entériner la participation des infirmiers à la permanence des soins.
Ouvrir plus largement la pratique avancée
L’article 2, lui, veut modifier le texte relatif à l’exercice en pratique avancée avec l’objectif de la faire évoluer « en proposant trois lieux d’exercice supplémentaires » : en protection maternelle et infantile (PMI), en santé scolaire, et au sein des services de l’aide sociale à l’enfance. Il n’oublie pas non plus les spécialités. Infirmiers anesthésistes, de bloc opératoire et puériculteurs pourraient voir leur exercice inscrit en pratique avancée, sans que soient pour autant modifiées « leurs conditions de diplomation ». De quoi répondre, du moins sur le papier, aux préoccupations formulées par le Syndicat national des infirmiers anesthésistes, qui pointaient une refonte ciblée uniquement sur le métier socle, au détriment des spécialités. Ces professionnels réclament en effet une évolution statutaire depuis 2019, en vain jusqu’à présent.
Valoriser des pratiques existantes
Ce texte de loi ne fait qu’esquisser les grandes lignes de l’évolution de la profession, réagit Sylvaine Mazière-Tauran, la présidente de l’Ordre des infirmiers (ONI). La liste des prescriptions possibles – produits de santé tels que vaccins ou pour les pansements, et examens complémentaires – doit ainsi encore être déterminée. « Ce qui est important, c’était de reconnaitre les notions de consultation et de diagnostic infirmiers, qui existent en réalité depuis des années et qui sont validées scientifiquement », juge-t-elle. Et qui sont loin de vouloir faire concurrence à l’activité des médecins, puisqu’elles sont spécifiques au métier d’infirmier. En réalité, la loi viendrait valoriser des pratiques que les infirmiers mettent déjà en œuvre sur le terrain. « La consultation infirmière, c’est quelque chose que nous faisons déjà », poursuit-elle. « quand on rencontre un patient, qu’on l’écoute, qu’on analyse sa situation ou qu’on prend en compte sa situation globale. » Et de se féliciter également de l’ajout des « soins relationnels » dans le descriptif des missions. Là encore, il s’agit de valoriser un champ de l’exercice infirmier qui n’est actuellement pas reconnu, les infirmiers étant rémunérés à l’acte technique. « Or quand un infirmier libéral rend visite à un patient âgé isolé, quand il est parfois la seule personne qu’il voit de la journée, il contribue à maintenir son équilibre », défend-t-elle.
Mettre en place le nouveau référentiel de formation
Reste que la proposition de loi doit être complétée par un décret de compétences – et non plus d’actes comme c’est le cas aujourd’hui – qui sera présenté au Conseil d’État et par un arrêté qui listera l’ensemble des actes infirmiers. Le premier est le fruit du travail des différents Conseils nationaux professionnels (CNP) de la profession et doit encore être rédigé par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS). Le second pourra quant à lui être actualisé, notamment en fonction de l’avancement des connaissances en médecine. « Il servira aussi de base aux négociations conventionnelles pour les infirmiers libéraux », ajoute Sylvaine Mazière-Tauran. Le calendrier s’annonce serré : la mise en application du nouveau référentiel de formation, qui doit répondre aux nouvelles missions des infirmiers, est prévue pour la rentrée de septembre 2025. « Il faudrait que les textes paraissent d’ici deux ou trois mois. Car derrière, les instituts de formation (IFSI) doivent pouvoir s’y préparer », conclut la présidente de l’Ordre.
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