Le législateur instaurera-t-il des ratios soignants/soignés dans les services hospitaliers, comme le demandent instamment les professionnels de santé ? La proposition de loi (PPL) relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, portée par Bernard Jomier (groupe socialiste, écologiste et républicain, SER) et votée au Sénat il y a deux ans, était examinée ce mercredi 4 décembre 2024 en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Avec un objectif pour le rapporteur du texte, Guillaume Garot (député Parti Socialiste) : faire adopter la proposition de loi dans sa version définie par le Sénat. « Ce que l’on veut, c’est donner des perspectives » aux professionnels de santé, a-t-il défendu devant les membres de la commission. « Un espoir très fort est né autour de ce texte, il y a une attente très forte de la part des professionnels. Quand vous discutez avec les collectifs de soignants, avec les usagers, avec les syndicats professionnels, c’est unanime. » À l’arrivée, et malgré les différentes propositions d’amendements, c’est bien le texte tel qu’il a été rédigé par le Sénat qui sera envoyé à l’Assemblée nationale. Et ce malgré plusieurs réserves émises quant à son contenu.
Que dit le texte voté au Sénat ?
La PPL s’appuie sur des expériences étrangères, menées en Californie et en Australie notamment, démontrant les « effets positifs des ratios tant sur la qualité de soins que les conditions de travail des personnels ». En France, d’ailleurs, des ratios sécuritaires existent déjà, qu’ils soient réglementaires (en néonatologie, en soins intensifs et réanimation, dans les services pour grands brûlés) ou qu’ils soient « officieux ». En instaurant réglementairement un « dispositif souple » qui reposerait sur un référentiel qualité établi par la Haute autorité de santé, avec des ratios tenant compte à la fois du nombre de lits ouverts et de la charge en soin des services, la PPL entend ainsi « afficher un horizon de rétablissement d’effectifs suffisants au lit des patients afin de diminuer la charge des soignants aujourd’hui épuisés et restaurer des conditions d’exercice décentes pour les personnels hospitaliers. » Via un amendement, le Sénat a également fait le choix de respecter l’autonomie des établissements en prévoyant « un rôle d’appropriation » de ces ratios par les commissions médicales d’établissements (CME) et les commissions de soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques (CSIRMT).
Des points d'alerte à discuter
Chez les députés centristes, on s’est dit « favorables à l’instauration d’un ratio minimal mais pas dans les conditions telles qu’elles sont rédigées ». Un amendement soumis par le parti présidentiel entendait ainsi confier la définition des ratios aux pôles d’activité des établissements et non pas à la HAS, notamment dans un souci de limiter la « bureaucratisation » de l’hôpital. Autre questionnement : celui des moyens à allouer pour renforcer les effectifs soignants en fonction de la charge de travail. « Il y aura un sujet, un chiffrage proche du milliard d’euros. On ne sait pas la teneur du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2026 (PLFSS) » mais il faudra réfléchir aux critères qui permettront de flécher les ressources budgétaires, « parce que sinon on n’aura pas les moyens de nos ambitions », a averti Serge Muller (Rassemblement national). Enfin, Frédéric Valletoux, précédent ministre de la Santé et actuel président de la commission, a pointé une PPL qui se préoccupe uniquement de l’hôpital public, et évite la question du privé, alertant sur une charge supplémentaire qu’elle ferait peser sur le premier.
Un texte qui permet "d'avancer" sur les questions d'attractivité et de qualité des soins
Les ratios visés ici sont « qualitatifs », a répondu Guillaume Garot, saluant un texte qui s’appuie sur une « démarche pragmatique. » « Elle laisse le temps de le faire : ce ne sera pas en 3 semaines mais sur plusieurs années. » Si, certes, il ne résoudra pas à lui seul la crise qu’affronte actuellement l’hôpital public, il constitue toutefois un pas supplémentaire en avant. « Il y a eu le Ségur de la santé, donc il y a eu une réponse à la question des rémunérations. Mais il faut avancer sur les autres sujets », dont l’attractivité des métiers et la question de la qualité des soins. « Nous fixons un cadre, et ensuite nous donnons mission à ceux qui sont en responsabilité sur le terrain de le faire. […] Refuser ce pas en avant, ce serait désespérant pour les soignants, pour tous ceux qui attendent des réponses concrètes », a-t-il plaidé.
Le texte, adopté tel quel, sera examiné dans les prochaines semaines par l’Assemblée nationale, à condition que le contexte politique, bousculé par une potentielle censure du gouvernement Barnier, actuellement débattue par les députés, le permette.
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