La simulation en santé in situ est une technique de formation novatrice qui consiste à reproduire un environnement de soins au plus proche de celui du quotidien pour permettre aux professionnels de santé de s'entraîner à résoudre des problèmes médicaux complexes dans des conditions similaires à celles qu'ils pourraient rencontrer sur le terrain. Méthode innovante, elle permet d’entrainer les soignants, en équipe, dans leurs conditions de travail habituelles, afin de mettre en jeu les facteurs humains et de faire évoluer les apprenants dans un contexte proche du réel. Elle permet aux professionnels de la santé de commettre des erreurs dans un environnement à faible risque et d’en tirer les apprentissages afin d’être plus sûr d’eux et performants sur le terrain.
Sang-froid, polyvalence : le SMUR pédiatrique exige des qualités spécifiques
Le Service Mobile d’Urgence et de Réanimation (SMUR) pédiatrique est un service extrahospitalier spécialisé dans l'urgence et la réanimation des enfants hors de l'hôpital. Il intervient aussi dans les transferts interhospitaliers d’enfants instables ou à risque sur le plan respiratoire, circulatoire et/ou neurologique L’équipe du SMUR se déplace en ambulance et est composée d’un médecin, d’un infirmier, d’un ambulancier et souvent d’internes ou stagiaires.
L’adaptabilité est une qualité essentielle des membres de l’équipe. Un sens aigu de l’observation et de la clinique ainsi qu’une bonne gestion du stress sont indispensables.
Des difficultés diverses sont rencontrées au quotidien :
- Un environnement toujours différent et des conditions climatiques variées
- Des ressources limitées en personnel / du Matériel en quantité limitée
- Entourage : stress et anxiété des parents et de l’enfant
- Psychologie : situations graves, délicates, dangereuses, choquantes auxquelles nous pouvons être confrontées
Garder son sang-froid et son regard professionnel est essentiel pour agir rapidement et efficacement.
La diversité de ses prises en charge fait toute la spécificité du SMUR Pédiatrique de l’hôpital Robert Debré : Il soigne des enfants depuis les grands prématurés (avec assistance anténatale) jusqu’au adolescents de 16 ans. Il effectue aussi des transferts d’enfants en circulation extracorporelle (une opération extrêmement technique). Cette polyvalence nécessite du matériel adapté à chaque tranche d’âge et une expertise pointue.
Un besoin important de formation
La HAS a formulé en 2012 des propositions pour le développement de la simulation dans le cadre du développement professionnel continu. Pourtant, son déploiement n'est pas aussi rapide qu'il le faudrait. Au SMUR pédiatrique de Robert Debré (cf encadré ci-dessous), le besoin était là. Ces dernières années nos effectifs, comme dans de nombreux établissements de soins, ont été bouleversés par un renouvellement conséquent de professionnels. Ces derniers se sont retrouvés confrontés à une nouvelle pratique professionnelle dans un milieu et avec du matériel qui leur étaient peu familiers, ainsi qu'à une organisation de travail différente de ce qu’ils avaient pu connaître dans leurs milieux hospitaliers. De là a émergé une forte demande en formation des équipes.
Pour y répondre, un groupe de travail s'est constitué avec des médecins et des infirmiers formateurs en simulation expérimentés dans les prises en charge SMUR. L'idée : co-écrire des scénarii avec des membres de l'équipe (médecins, infirmier, ambulanciers) au regard de situations vécues : stressantes, difficiles, à risque d’évènements indésirables, en mettant l’accent sur des prises de décisions difficiles, pour ensuite les proposer aux «apprenants», plongés dans des situations les plus réalistes possibles. La simulation en santé in situ peut prendre plusieurs formes : de l'application de procédures/ protocoles, à l'évaluation des compétences en matière de communication entre les membres de l’équipe, avec les patients et avec les parents. Chaque session de formation comporte plusieurs étapes : la session de simulation en elle-même pendant laquelle le scénario est joué par une équipe de SMUR complète avec un mannequin dans un milieu qui reproduit l’environnement de travail, puis, dans un deuxième temps, un débriefing sous forme de déroulé pédagogique détaillé afin de mettre en évidence les points forts et les points à améliorer. Dernière étape : à l’issu de celui-ci un apport théorique et/ou pratique est mis en place pour renforcer les connaissances de chacun.
Co-écrire des scénarii avec des membres de l'équipe au regard de situations vécues : stressantes, difficiles, à risque d’évènements indésirables, en mettant l’accent sur des prises de décisions difficiles, pour ensuite les proposer aux «apprenants», plongés dans des situations les plus réalistes possibles.
Concrètement, deux sessions sont organisées chaque mois et sont comptabilisées dans le temps de travail des agents. Les simulations se déroulent dans les locaux du service : dans l’ambulance, sur le bitume, dans les chambres, dans la salle commune ou dans une «salle de naissance» recréée. Le service s’est doté, via des appels à projet, de matériel de simulation : mannequins, table radiante, tablette connectée faisant office de scope, caméra. Nos sacs d’interventions ont aussi été recréés à l’identique avec du matériel périmé.
Exercice de simulation : attaque dans une école
Sur place, tôt dans la matinée, c'était l'effervescence dans les couloirs du SMUR pédiatrique de l'hôpital Robert Debré. Ce 9 mai, les équipes organisent une session de simulation in situ en damage control (maîtrise des dégâts)1. Le scénario a été réfléchi en amont : les apprenants seront confrontés à une attaque terroriste dans une école primaire, à l'heure où les parents viennent chercher leurs enfants. Dans l'un des bureaux, les infirmières dans le secret du scénario maquillent les mannequins et donnent leurs consignes aux comédiens (des infirmiers, des internes, des médecins ou aides-soignants du service), qui doivent se prêter au jeu. Au moment de l'exercice, les personnels seront mis en situation réelle : ils en sauront peu au moment de rentrer dans l'école, sur le nombre de victimes, sur les blessures, ils n'auront pas forcément le matériel adéquat et seront éventuellement perturbés par les appels à l'aide des victimes. Malgré tout, ils devront évoluer rapidement et le plus efficacement possible pour effectuer le tri des blessés et l'évacuation progressive de toutes les victimes.
«C'est un travail qui va quasiment à l'encontre de nos réflexes», expliquait un médecin : «nous avons l'habitude de stabiliser une victime sur place avant de l'évacuer, là, la priorité est l'évacuation des personnes». Un exercice particulièrement utile à l'approche, notamment, des Jeux Olympiques, qui se dérouleront bientôt dans la capitale, soulignait également une infirmière. Bilan de l'exercice : les équipes sont parvenues à évacuer 15 victimes en 15 minutes. Un score très satisfaisant, malgré quelques ajustements, que les professionnels passeront plusieurs heures à analyser une fois la simulation terminée, à froid.
1- Cf les photos de l'article, prise lors de cet exercice.
Amélioration des échanges et meilleure cohésion
Après un an de mise en place, le bilan est positif. Nous observons une adhésion plus grande de l'ensemble du personnel, de plus en plus nombreux à participer au fur et à mesure des sessions. Ces moments de formation nous permettent d’échanger sur nos pratiques et améliorent la cohésion au sein de l’équipe. Dans un futur proche nous allons débuter des séances en collaboration avec d’autres acteurs de la santé (pompiers, SAMU, autres SMUR pédiatrique et adultes…).
La recherche en simulation in-situ doit désormais s’atteler à prouver ses bénéfices en termes d’amélioration de la sécurité et des soins aux patients. Nous observons déjà plusieurs avantages : l’autonomie face aux laboratoires de simulation, la possibilité de tester des techniques de soin avec son propre équipement et dans les conditions du travail au quotidien. La qualité et la sécurité des soins n'est pour le moment pas mesurable. Nous créons actuellement un support d’évaluation de la satisfaction des agents et l'impact de la simulation in situ sur leurs pratiques professionnelles. Serons-nous, grâce à ces entrainements répétés, plus armés, plus confiants, plus performants, avec une meilleure cohésion ? C’est ce que nous essaierons de prouver.
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