Dans l'un des bureaux, les infirmières dans le secret du scénario maquillent les mannequins et donnent leurs consignes aux «plastrons» - ou comédiens (des étudiants du service) qui doivent se prêter au jeu... Au moment de l'exercice, les personnels seront mis en situation réelle : ils en sauront peu en rentrant dans l'école, sur le nombre de victimes, sur les blessures, ils n'auront pas forcément le matériel adéquat et seront perturbés par les appels à l'aide des victimes. Malgré tout, ils devront évoluer rapidement et le plus efficacement possible pour effectuer le tri des blessés et l'évacuation progressive de tous les survivants.
«Se frustrer»
«C'est un travail qui va quasiment à l'encontre de nos réflexes», explique Céline Rolle, médecin au Smur pédiatrique de l'hôpital universitaire Robert Debré (AP-HP) à Paris : «Nous avons l'habitude de stabiliser une victime sur place avant de l'évacuer. Là, la priorité est l'évacuation des personnes. Il faut se sortir de ses habitudes de travail et être frustré, parce que véritablement c'est de la frustration : on laisse un patient complètement déstabilisé rentrer dans un camion, on n'a pas l'habitude de ça».
Un exercice particulièrement utile à l'approche, notamment, des Jeux Olympiques, qui se dérouleront bientôt dans la capitale, souligne l'infirmière Marianne Dumoulin-Schoen. Bilan de l'exercice : les équipes sont parvenues à évacuer 15 victimes en 15 minutes. Un score très satisfaisant, malgré quelques ajustements, que les professionnels passeront plusieurs heures à analyser une fois la simulation terminée, à froid.
SAFE MARCHE RYAN : les bons gestes pour sauver une vie
La survie d’un blessé de guerre (par balle, victime d’engin explosif improvisé…) se joue dans les toutes premières minutes de sa prise en charge. Il est donc primordial que chaque soldat connaisse les gestes de premiers secours en conditions extrêmes, autrement dit le sauvetage au combat. Celui-ci a été développé et est enseigné par le service de santé des armées et fait partie de leur formation initiale. Sous l’effet du stress, dans un environnement hostile, la réactivité peut être diminuée.
Les militaires confrontés à ce type de situation disposent d’une aide cognitive et mnémotechnique appelée le SAFE MARCHE RYAN. Ces acronymes détaillent le processus systématique et hiérarchisé de prise en charge d’un blessé dans une logique répondant à l’urgence de la situation.
- PHASE 1 : SAFE
S : STOP THE BURNING PROCESS. Il s’agit d’éliminer les menaces immédiates éventuellement par la riposte, d’évaluer la scène, de repérer le nombre de blessés et les mettre à l’abri. Un premier triage est effectué.
A : ASESS THE SCENE. Étape d’évaluation de la situation et de la menace. Le blessé est déplacé dans un endroit sécurisé par la technique pick and run.
F: FREE OF DANGER FOR YOU. Ne pas s’exposer et être en sécurité (soi-même, les blessés et les autres combattants).
E : EVALUATE. Évaluer le blessé, selon la méthode de l'ABC qui consiste à rapidement vérifier rapidement les fonctions vitales : Airways (voies aériennes supérieures), Bleeding (recherche d'un saignement actif) et Cognition (le blessé est-il conscient ?).
- PHASE 2 : MARCHE
M: MASSIVE BLEEDING CONTROL. Une étape cruciale pour le blessé de guerre. Elle consiste au contrôle des hémorragies massives et éventuellement par la mise en place du garrot tactique et d’un pansement compressif.
A : AIRWAY. VOIES AÉRIENNES. Retrait des équipements de protection individuelle et application de gestes simples de libération des voies aériennes supérieures.
R : RESPIRATION. Recherche de signes d’insuffisance respiratoire aiguë ou d'un éventuel pneumothorax.
C : CHOC. Recherche du pouls radial.
H : HEAD. Rapide examen neurologique pour rechercher d’éventuelles lésions et hypothermie (pose d'une couverture de survie).
E : EVACUATION
- PHASE 3: RYAN
R : REEVALUATION. Le soignant effectue à nouveau le MARCHE.
Y : YEUX et OREILLES. Il s’agit de procéder à une inspection oculaire. Si nécessaire, le soignant peut effectuer un rinçage.
A : ANALGÉSIE. Traitement de la douleur avec un recours éventuel à une syrette de morphine.
N : NETTOYAGE. Prévention de l’infection des plaies ;
Ainsi pris en charge le blessé est prêt à être évacué vers l'antenne chirurgicale.
*Source : ministère des armées.
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