Que représente pour vous la remise de ce prix « Jeune chercheur » ?
C’est la reconnaissance pour moi d’un long travail et d’un parcours de jeune chercheur, mais aussi à l’échelle des institutions auxquelles j’appartiens et pour la profession et les sciences infirmières.
Votre projet de recherche porte sur l’utilisation de l’aromathérapie pour atténuer les vomissements et nausées chez les patients cancéreux traités par chimiothérapie. Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à ce sujet ?
Nausées et vomissements font partie des effets secondaires des chimiothérapies les plus craints par les patients. Au sein du service d’hématologie du CHU de Limoges, nous réfléchissions à ce que l’on pouvait développer comme soins de support pour les patients. À l’époque, je suivais un Master 1 de santé publique et, avec une collègue qui avait fait un DU en aromathérapie, nous nous sommes dit que c’était le moment de faire de la pratique fondée sur des preuves. De voir ce qu’il existait comme données sur les soins de support, sachant que les patients remontaient souvent ces problématiques de nausées et de vomissements malgré la prise d’antiémétiques conventionnels. Nous avons donc choisi d’axer la recherche sur l’aromathérapie. Avec pour objectifs secondaires l’étude de l’impact des huiles essentielles sur leur appétit, leur qualité de vie.
L’idée, c’est de voir si c’est vraiment efficace, afin d’apporter aux patients une option de soins de support supplémentaire dont le bénéfice soit prouvé scientifiquement.
Nous cherchons de plus s’il y a des déterminants qui permettent de prédire leurs effets chez certains patients, tels que des facteurs de risques aux nausées et vomissements induits par la chimiothérapie. Le fait d’identifier s’ils sont présents chez ces patients va notamment déterminer s’ils favorisent le fait d’être réceptif ou non aux huiles essentielles.
L’idée, c’est de voir si c’est vraiment efficace, afin d’apporter aux patients une option de soins de support supplémentaire dont le bénéfice soit prouvé scientifiquement. C’est là qu’est la plus-value de la recherche. La démonstration scientifique permet de proposer des soins en toute sécurité, en sachant que ça fonctionne et qu’il y a une manière bien identifiée d’administrer ces huiles essentielles. C’est vraiment important pour la qualité et la sécurité des soins.
Comment avez-vous construit votre projet de recherche ?
Nous avons commencé par rédiger le protocole, en 2020. La recherche, c’est extrêmement long, parce qu’une fois que vous avez rédigé le protocole, que le projet a été validé par les instances, il faut trouver les financements. Nous avons ainsi obtenu un peu plus de 100 000 euros de la part de la Fondation de France.
Le travail de recherche a débuté par une revue systématique de la littérature. Nous avons constaté qu’aucune étude n’avait été réalisée sur une population atteinte d’hémopathie. Et celles qui avaient été réalisées autour des cancers solides présentaient des biais importants : les patients ne respiraient pas de manière standardisée, ou les outils qui évaluaient les vomissements induits par la chimiothérapie n’étaient pas validés. Aucune étude d’ampleur avec une méthodologie solide n’avait été menée, même s’il y avait des résultats en faveur de l’efficacité de certaines huiles essentielles. C’est de là qu’est venue l’idée de faire un essai comparatif randomisé de cette aromathérapie inhalée, en ciblant les huiles de citron et de gingembre. Cette revue de la littérature nous a permis de définir une méthodologie. Le projet, qui est multicentrique (Ile de la Réunion, Poissy, Limoges et Brive), suppose d’inclure 290 patients, uniquement en hématologie (leucémies lymphomes). Les inclusions ont débuté au printemps à Limoges et à Brive-la-Gaillarde.
Comment s’est organisé le travail de recherche ?
C’est un travail d’équipe. Et un travail pluridisciplinaire : il y a les infirmières de recherche clinique, mais aussi les médecins qui parlent de l’étude aux patients lors des consultations d’annonce et leur proposent de participer, et mes attachés de recherche clinique qui saisissent les données.
Quant à la méthodologie de recherche, j’ai reçu l’aide des méthodologistes du CHU de Limoges pour la rédaction du projet, pour préparer le plan d’analyse statistique. Un chef de projet m’a accompagné sur les formalités également. Et il y a un conseil scientifique et méthodologique au sein du CHU, constitué d’enseignants chercheurs, qui évalue le projet avant qu’on le soumette aux appels à projets. Il identifie ce qui peut être amélioré pour qu’on se donne le plus de chance d’être retenu.
Ce ne sont pas vos premiers travaux. Qu’est-ce qui vous a amené à vous consacrer à la recherche ?
J’ai obtenu mon diplôme d’infirmier en 2017 et, déjà à l’IFSI, j’étais très intéressé par la recherche en sciences infirmières et par l’idée de voir comment on pouvait prouver que les infirmiers avaient une plus-value dans les soins, ce qu’ils pouvaient apporter spécifiquement aux patients. Un an après avoir rejoint le CHU de Limoges, j’ai intégré le Comité de promotion de la recherche paramédicale et de l’innovation, une instance réunissant des professionnels qui accompagnent des projets de recherche. Cela m’a permis de mieux faire le lien entre ma pratique auprès des patients et la recherche clinique. J’ai ensuite suivi un Master en santé publique « Recherche pour les professionnels de la santé et de l’activité ». J’ai rencontré une chercheuse suisse en sciences infirmières, et c’est de là qu’est venue ma première étude clinique sur les besoins spirituels des patients. J’ai enchainé sur un doctorat en santé publique, et j’ai soutenu ma thèse sur le développement de la pratique infirmière le 13 juin dernier. Plus spécifiquement, elle portait sur l’évaluation de l’implantation de la pratique avancée en France et au Gabon. En France, je dresse un état des lieux de la pratique ; et au Gabon, cela a plutôt consisté à identifier les besoins du terrain et à construire la formation complète d’infirmier en pratique avancée. La première promotion rentre d’ailleurs en formation ce mois de septembre.
L’idée maintenant est d’être au contact des professionnels, qui nous font part des problématiques qu’ils peuvent rencontrer chez les patients.
Votre engagement dans la recherche se combine-t-il toujours à vos pratiques cliniques ?
Mes missions cliniques au pied du patient autres que celles relatives à la recherche ont pris fin en janvier 2024. Mais je reste tout de même en contact avec eux par le biais de mon rôle au sein du CHU, la coordination générale des soins n’est pas complètement déconnectée. L’idée maintenant est d’être au contact des professionnels, qui nous font part des problématiques qu’ils peuvent rencontrer chez les patients. Et mes questionnements proviennent aussi de thématiques qui m’intéressent : par exemple, l’hématologie, c’est ancré en moi !
Le travail de Jean Toniolo au sein de la coordination générale des soins sur la recherche paramédicale du CHU de Limoges consiste à « aider son développement en accompagnant les professionnels qui ont des projets de recherche, dans la rédaction de leur protocole par exemple », détaille-t-il. Il remplit aussi des missions de maillage territorial dans le cadre du Groupement interrégional de recherche clinique et d’innovation du Grand Sud-Ouest Outre-mer (GIRCI-SOHO)*. « J’anime des webinaires sur la recherche paramédicale, et je participe aux groupes de travail formés par l’ensemble des coordinateurs de la recherche paramédicale de tous les CHU de la zone pour permettre l’accès à la recherche et favoriser l’acculturation des paramédicaux ».
Jean Toniolo occupe également un poste de formateur à l’IFSI rattaché à la faculté de médecine de Limoges. « C’est un IFSI un peu particulier parce que sa pédagogie est basée sur l’enseignement de la recherche. » Enfin, côté recherche, en parallèle de son projet sur l’aromathérapie, il réalise une étude sur les médecines alternatives et complémentaires dans ce champ, et une autre sur la création d’une échelle d’escarres chez les enfants. Il a également été co-auteur de la meilleure publication scientifique du précédent PRSI, en 2022, à savoir le « Trouillomètre », avec Stéphanie Thurillet, avec laquelle il travaille à l’élaboration d’une version adulte. « C’est beaucoup de projets en même temps, cela requiert une certaine rigueur et beaucoup d’organisation pour s’y retrouver ! »
*Au nombre de 7 sur le territoire français, les GIRCI orientent les porteurs de projets et appuient les actions de recherche appliquée en santé portées par les établissements de santé ou les structures de médecine de ville, précise le ministère de la Santé.
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