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ÉTUDE

3 patients sur 10, après un passage aux urgences, développent une douleur chronique

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Publié le 09/08/2024

Les émotions négatives ressenties lors d’un passage aux urgences sont-elles des facteurs de risque pour l’apparition de douleurs chroniques ? Une étude réalisée dans plusieurs services d’urgences s’est penchée sur la question.

tête bandée, douleur, femme

Les émotions négatives à la sortie des urgences constituent-elles des facteurs de risque favorisant la chronicisation de la douleur ?

60% des arrivants aux urgences déclarent une douleur modérée à sévère

Près de 12 millions d’adultes en France présentent une douleur chronique ou en voie de chronicisation, selon la Haute autorité de santé. L’agence sanitaire définit le phénomène comme une douleur « qui persiste ou se reproduit pendant plus de 3 mois et est associée à une détresse émotionnelle importante ou un handicap fonctionnel (des activités de la vie quotidienne ou des activités sociales) non liés à une autre maladie chronique ».D’après la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD), 70% de ces 12 millions de Français ne reçoivent pas de traitement approprié à leur douleur chronique. Et sur les 20 millions de personnes par an qui arrivent aux urgences, 60% d’entre elles déclarent une douleur d’intensité modérée à sévère. Or celle-ci serait un facteur de chronicisation.

Les émotions négatives tendent à exacerber le mal-être

Parallèlement, un mécanisme de modulation émotionnelle intervient lors de la perception de la douleur : les émotions négatives tendent ainsi à exacerber le ressenti du mal-être, tandis que les émotions positives, elles, semblent l’atténuer. « Les personnes douloureuses chroniques présentent plus fréquemment certains profils émotionnels comme l’absence d’émotion ou des émotions négatives fortes », indique en effet la société savante, précisant qu' en l’état actuel, le manque de données scientifiques ne permet pas de déterminer si les caractéristiques émotionnelles sont la conséquence des douleurs chroniques ou si elles les favorisent.

L’étude a été menée au sein des services de 7 établissements : les CHU Bordeaux, CHU Edouard-Herriot Lyon HCL, CHU Toulouse, AP-HP Hôpital Louis Mourier, AP-HP Hôpital de Beaujon, AP-HP Hôpital Lariboisière, Centre Hospitalier de Libourne. Elle s’appuie sur les retours de 2 965 patients et sur un recueil des ressentis en plusieurs étapes. « Admis aux urgences pour un motif médical ou traumatique, ils ont été questionnés, au moment de leur admission et de leur sortie des urgences, sur leur état de santé, de stress, sur leur état émotionnel et leur niveau de douleur », détaille la Fondation moitié se sont présentés aux urgences en raison d’un problème médical (à hauteur de 57%), et 39% à la suite d’un traumatisme. Ces patients ont ensuite été recontactés par téléphone 4 mois puis 12 mois après leur passage aux urgences. Pour recueillir les émotions, les chercheurs ont utilisé la roue des émotions de Scherer et ont également laissé la possibilité aux patients de déclarer librement d’autres émotions.

Objectif : diagnostiquer précocement les patients à risque de douleur chronique

Face à ces différents constats, la Fondation APICIL (voir encadré) a accompagné l’étude POSTER, réalisée en partenariat par l’Université Claude Bernard (Lyon) et l’Université Gustave Eiffel (Champs-sur-Marne). Le but : déterminer si les émotions ressenties lors d’un passage aux urgences peuvent avoir un rôle à jouer dans la chronicisation de la douleur. Le savoir permettrait ainsi de diagnostiquer précocement les patients à risque et de diminuer ensuite les conséquences négatives de ces douleurs sur leur quotidien et leur qualité de vie. Un enjeu qui est loin d’être anodin : à l’instar de tous les champs de la santé, les structures spécialisées dans les douleurs chroniques (SDC) sont elles-mêmes saturées.

La roue des émotions de Scherer
Spécialiste de la psychologie de l’émotion, Klaus Rainer Scherer a produit une approche mixte de mode de représentation des émotions. Quatre dimensions émotionnelles sont ainsi identifiées (émotions négatives, positives, haut niveau de contrôle et bas niveau de contrôle des émotions) qui permettent d’identifier la nature d’une émotion et son intensité. Plus l’émotion exprimée s’éloigne du cercle de la roue, plus celle-ci est considérée comme forte.

Une baisse des ressentis négatifs entre l’entrée et la sortie des urgences

Les premiers résultats de l’étude démontrent « une baisse globale des ressentis négatifs entre l’entrée et la sortie » mais aussi un « lien plus fort » entre les douleurs perçues à la sortie des urgences et les émotions négatives. Celles-ci sont néanmoins logiquement moins présentes à la sortie, note l’étude, qui observe entre autres une diminution de 13 points pour la peur par rapport à son niveau en entrée. « Les émotions positives, inversement, sont plus souvent ressenties à la sortie », avec une hausse de 15 points pour le contentement. Avec des différences selon les émotions. La colère ne diminue ainsi que de 2 points en sortie et, parallèlement, l’intérêt, considéré comme une émotion positive, ne progresse que de 3 points. À noter que, parallèlement, 14% des patients indiquent ne ressentir aucune émotion, que ce soit à l’entrée ou à la sortie des urgences. De manière générale, toutefois, « l’apaisement est l’émotion la plus présente aux deux temps », relève l’étude.

Quant à l’impact sur la douleur, elle indique que « certains types de ressentis émotionnels présentent des niveaux de douleur plus élevés que la moyenne ». C’est le cas notamment lorsqu’un patient ressent des émotions négatives fortes, qu’elles soient accompagnées ou non d’émotions plus positives, aussi bien à l’entrée qu’à la sortie des urgences. Pour autant, les chercheurs constatent une baisse de la douleur aiguë entre l’entrée et la sortie ainsi qu’une diminution de 17 points du taux de douleurs fortes. Celui relatif à l’absence de douleur et aux douleurs d’intensité faible augmente, quant à lui, dans les mêmes proportions (16 points).

...mais 30% des patients vont développer une douleur chronique

Et sur le long terme, qu’en est-il ? D’après les données recueillies, quatre mois après le passage dans ces services, 30% des patients « vont développer une douleur chronique ». « Certes la douleur à la sortie des urgences reste un facteur de risque majeur de développement de la douleur chronique, mais d’autres facteurs tels que les émotions négatives fortes ressenties aux urgences, et notamment la colère et la tristesse, représentent également des facteurs de risque de douleur chronique », en conclut Claire Pilet, doctorante de l’Unité mixte de recherche épidémiologique et de surveillance transport travail environnement (UMRESTTE) associant l’université Gustave Eiffel et l’université Claude Bernard Lyon 1, citée dans l’étude. D’autres résultats provenant d’études en cours d’analyse sont encore attendus pour mieux identifier l’impact des émotions négatives sur les douleurs chroniques.

La Fondation APICIL
Fondée par le groupe de protection sociale APICIL, la Fondation du même nom accompagne les projets destinés à l’amélioration de la prise en charge de la douleur. Reconnue d’utilité publique en 2004, elle s’appuie sur une gouvernance assurée par un conseil d’administration, qui sélectionne les projets, et un conseil scientifique indépendant, composé de médecins, d’un infirmier, d’un psychologue et d’un philosophe. À ce jour, elle a déjà soutenu 883 projets (dont un programme de formation aux techniques psycho-corporelles, un projet de lutte contre l’endométriose ou une formation à l’hypnose contre la douleur).

Consulter les premiers résultats de l'étude


Source : infirmiers.com