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PODCAST - TEMOIGNAGE

Séisme en Turquie et en Syrie : un infirmier français raconte...

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Publié le 27/02/2023

Yann Hornebeck, 33 ans, infirmier spécialiste de l'urgence, revient de Turquie où il est allé sonder les décombres à la recherche d'éventuels rescapés pour l'association Secouristes Sans Frontières. Le froid, le manque de sommeil, mais toujours cette volonté de porter assistance aux victimes : il revient pour nous sur sa mission. 

Secours sans frontière (photo protégée) mission en Turquie

«Quand il y a une catastrophe, le critère qui va permettre de définir s'il y a départ ou pas, c'est si le pays concerné formule une demande d'aide internationale», explique Yann Hornebeck à son retour de Turquie, où il a passé six jours, avec une équipe de bénévoles, à creuser pour tenter de retrouver des survivants du séisme qui a frappé la Turquie et la Syrie dans la nuit du 6 février 2023. «Tant que ce n'est pas le cas, on n'impose pas notre présence».

La Turquie a fait cette demande très rapidement, seulement quelques heures après la première secousse. La mission a donc été enclenchée par Secouristes Sans Frontières dans la foulée. «On est arrivés sur place le mercredi soir, soit un peu plus de 48h après la catastrophe, on a installé le camp de base, on s'est enregistrés auprès des autorités locales et on a pu entamer les recherches le lendemain matin», raconte Yann Hornebeck.

ECOUTEZ LE TEMOIGNAGE DE YANN HORNEBECK : 

«Lorsqu'on arrive à Antakya (Antioche en Français), en Turquie, le premier sentiment qu'on a, c'est un sentiment d'impuissance au départ, parce qu'on est confronté à une catastrophe d'une très grande ampleur. Si on prend la ville d'Antioche où nous sommes intervenus, c'était quand même un bassin de population de 240 000 personnes, et les autorités ont recensé entre 2 400 et 2 800 immeubles effondrés. On sait bien que les secours locaux sont comme nous, dépassés par l'ampleur du séisme. Ils font comme ils peuvent. Très honnêtement, aucun pays n'est prêt à ça. On peut anticiper, on peut s'organiser, mais face à quelque chose de cette envergure sur un si gros bassin de population, la première question qu'on se pose c'est : où est-ce qu'on va et où est-ce qu'on peut être utile ?» 

Séisme Turquie photo Secouristes Sans Frontières

 

Vision apocalyptique 

 

«C'était assez paradoxal» , se souvient le secouriste, «certains bâtiments étaient intacts. Si on prend le dernier chantier sur lequel on est intervenu, un immeuble de 10 étages effondré, il y avait trois bâtiments collés les uns aux autres, et celui du milieu était complètement anéanti tandis que les deux autres étaient toujours debout. On était face à cette disparité avec des secteurs pulvérisés et d'autres, peut-être avec des bâtiments plus modernes, qui avaient tenu le choc. De manière générale, c'était un très haut niveau de destruction». 

Quand on avait un doute, on engageait  d'abord la recherche avec un chien, qui confirmait ou non la présence d'un vivant.

Là, j'ai entendu du bruit 

Arrivés sur le secteur d'Antioche sur demande de l'Afad (l'agence turque chargée de gérer les conséquences des tremblements de terre), l'équipe a pu entamer sa mission auprès d'un premier chantier. «On nous a dirigé sur ce secteur parce que des gens avaient téléphoné, assurant avoir entendu quelqu'un appeler à l'aide, ou bien du bruit», explique Yann Hornebeck. «L'Afad centralisait les appels et répartissait les équipes de sauveteurs en fonction. Notre mission c'était d'aller vérifier si des gens se trouvaient effectivement sous les décombres aux endroits indiqués, aidés par les survivants qui nous disaient : là j'ai entendu du bruit».

«Quand on avait un doute, on engageait  d'abord la recherche avec un chien, qui confirmait ou non la présence d'un vivant. Si effectivement on avait un marquage par le chien, on se servait ensuite d'appareils de recherche, d'écoute, pour essayer de localiser les éventuels survivants».

La peur est associée à ce type d'interventions, risquées puisque des répliques peuvent survenir. «Bien sûr qu'on a peur. On sait que tout peut basculer en une fraction de seconde. C'est assez étrange d'aller, en tant que secouristes, vers des zones que tout le monde cherche à fuir. Au début ça fait bizarre», confie le sauveteur. 

séisme Turquie Photo Secouristes Sans Frontières

Une équipe rapide, légère et formée aux catastrophes

L'équipe de sauvetage-déblaiement de Secouristes Sans Frontières est une équipe avec un savoir-faire avant tout technique. Sa mission : recherche, localisation et extraction des victimes. «On est tous bénévoles. Donc dans l'équipe avec moi, il y avait toutes sortes de professions : un économiste, deux électriciens, un expert gazier, détaille Yann Hornebeck, qui a, lui, une double casquette puisqu'en plus de sauveteur, son diplôme d'infirmier peut l'amener à pratiquer des soins de premier secours. Le principe de cette équipe c'est qu'elle est dite 'légère', c'est à dire rapide et mobile». Pour ce type d'interventions, les heures sont comptées si l'on veut retrouver des vivants. 

Un an de formation

La formation des équipiers-secouristes s'étale sur un an (en parallèle de la vie professionnelle de chacun). «On se forme aux différentes techniques de recherche, de localisation, de sauvetage-déblaiement, à la transmission radio,... enfin à tout ce qui est essentiel à notre travail sur le terrain».

Au terme de cette année de formation, les équipiers vont passer un stage de validation opérationnel. Ils partent faire une grosse manœuvre d'une semaine pendant laquelle ils sont mis en condition de mission. «On essaye de coller au maximum à la réalité, avec tout ce qui va avec : quand on est en mission, on dort peu, mal, côté nourriture : on se contente de ce qu'on a... C'est assez rude.» Dès lors qu'ils ont validé ce stage, les équipiers-secouristes sont aptes à partir pour intervenir après des catastrophes, séismes, ouragans, inondations, tsunamis... L'une de leur précédente mission a par exemple été d'aller prêter main forte aux habitants dans la Vallée de la Roya (Alpes-Maritimes), en octobre 2020, après le passage de la tempête Alex. 

Avant de partir pour le terrain, les équipiers sont briefés par le chef de mission (généralement à l'aéroport avant l'embarquement) sur les objectifs de la mission, la météo, sur l'environnement dans lequel l'équipe va être amenée à intervenir (urbain, rural), ou encore les points de vigilance. 

Lors de cette intervention, malgré tous ses efforts, l'équipe de Yann Hornebeck n'a pas eu la chance de sortir des personnes vivantes des décombres. Les secouristes ont tout de même pu ramener des corps à leurs familles, ce qui fait aussi partie de la mission. Une maigre consolation mais tout de même une lueur d'espoir dans ce sinistre tableau : l'équipe est parvenue à extraire un chat de la montagne de gravats : l'animal, qui appartenait à une victime ensevelie, a été rendu à son fils. «Il est tout ce qui me reste de mon père», a confié le jeune homme reconnaissant aux secouristes.  

Plus de 42 000 personnes ont péri en Turquie des suites du séisme du 6 février. Celui-ci a fait près de 46 000 victimes en comptant celles de la Syrie voisine. 

 


Source : infirmiers.com