«Ce que l'on appelle un événement potentiellement traumatique, c'est un événement au cours duquel les personnes vont être confrontées de manière très brutale, très violente, à la réalité de la mort ou ressentir une menace pour leur propre vie ou pour celle des autres quelle que soit la place de ces personnes dans l'événement. Et donc qu'elles soient directement victimes, ou témoins, ou bien acteurs dans l'évènement», résume Marie-Aimée, infirmière à la cellule d'urgence médico-psychologique (CUMP) de Paris depuis 2019. Nous sommes dans les locaux de l'Hôpital Universitaire Necker-Enfant malade (AP-HP), dans les bureaux de la CUMP, rattachée au SAMU de Paris. Face à nous, deux professionnelles de la cellule d'urgence, une infirmière et une cadre de santé, rentrent tout juste d'une intervention, un accident grave sur la voie publique.
Découvrez notre podcast consacré au travail spécifique d'une cellule d'urgence médico-psychologique
Créé après l'attentat de la station de RER Saint-Michel, en 1995, le dispositif existe aujourd'hui dans chaque département. A Paris, un peu plus de six personnes composent la CUMP (deux psychiatres, des psychologues, des infirmières et une cadre de santé), mais en cas d'événement de grande ampleur, les équipes peuvent compter sur le renfort de volontaires, une centaine de personnes, toutes professionnelles de la santé mentale, ou encore sur celui de volontaires logistiques ou administratifs. La CUMP peut alors rapidement déployer une sorte de mini-hôpital à l'extérieur pour pouvoir accueillir les victimes.
La cellule peut être déployée pour les incendies, les accidents de la voie publique, les explosions de gaz qui impactent parfois jusqu'à des quartiers entiers, ou encore les passages à l'acte suicidaires par défenestration...
«Les CUMP sont déclenchées sur des événements collectifs. Les plus connus ce sont évidemment les attentats, types d'événements pour lesquels on a été créés», précise Stéphanie, infirmière et cadre de santé à la CUMP de Paris depuis 2018, citant aussi d'autres événements, plus quotidiens, pour lesquels la cellule peut être déployée : «les incendies, les accidents de la voie publique, les explosions de gaz qui impactent parfois jusqu'à des quartiers entiers, ou encore les passages à l'acte suicidaires par défenestration...»
Les interventions marquantes sont celles où la détresse des victimes est palpable. Quand on arrive sur le terrain et que des enfants sont impliqués, ça ne prend pas la même dimension.
Soulager la souffrance et limiter le stress post-traumatique
Sur place, les équipes font en sorte de recevoir les gens à proximité de l'événement, ni trop près ni trop loin, pour que les victimes se sentent en sécurité et qu'elles puissent venir consulter. «Juste après l'événement, la plupart des personnes se trouvent dans un état de stress aigu mais adapté à ce qu'elles ont vécu, avec des comportements qui sont efficaces pour faire face au danger», souligne Stéphanie, «alors que d'autres vont développer un état de stress dépassé avec une sidération importante, de l'agitation, de la fuite panique ou encore des comportements automatisés qui ne sont pas adaptés au contexte».
Intervenir le plus précocement possible
Les CUMP interviennent le plus précocement possible, et même dans les premières heures après un événement traumatique : «Il est important de pouvoir soulager au mieux la souffrance aigüe que ressentent les victimes et de prévenir le développement de la pathologie de trouble de stress post traumatique liée à l'événement traumatique qu'ils ont subi qui pourrait survenir à distance de l'événement», confie Marie-Aimée. L'intervention rapide de la CUMP permet aussi «une décharge émotionnelle : de donner cette possibilité aux victimes de verbaliser leurs émotions et leur vécu autour de l'événement et de ne pas les laisser sans réponse face à leur détresse».
Repérer les personnes à risque de développer un trouble de stress post-traumatique
Enfin, la Cump a un rôle de repérage des personnes à risque de développer un trouble de stress post-traumatique. Il s'agit donc de sensibiliser les victimes aux symptômes et aux manifestations possibles et de leur donner des conseils sur quand consulter et quand être orientées», détaille l'infirmière Marie-Aimée. Car le trouble de stress post-traumatique n'apparaît pas dans les 24 ou les 48h qui suivent l'événement traumatique, ce qui peut induire en erreur, ou être déroutant pour les victimes, explique Stéphanie : «On parle de trouble de stress post traumatique au bout d'un mois après avoir vécu l'événement, avec l'apparition éventuelle de troubles de la concentration, de troubles du sommeil, de troubles alimentaires ou encore de type addictif. Il est ainsi important que les personnes puissent faire le lien entre l'apparition de ces troubles et l'événement qu'ils ont vécu».
Il y a des choses à dire et à ne pas dire, mais le principal est de procurer une présence qui soit contenante et qu'on soit capables d'entendre l'indicible.
Favoriser une verbalisation de l'événement
Lors de la prise en charge immédiate, généralement dans l'heure qui suit l'événement, les équipes utilisent une technique psychothérapeutique, «le Defusing», encore appelé «déchoquage émotionnel», qui permet aux personnes de «verbaliser leur vécu, leurs émotions, les pensées qu'elles ont eues au moment de l'événement et de reprendre un peu le contrôle face à une situation qui leur échappe», énumère Marie-Aimée. Lors de la prise en charge post-immédiate, quelques jours après l'événement, les personnes se trouvent généralement en état de stress aigu. Cette fois, les équipes utilisent une technique psychothérapeutique, «l'intervention psychothérapeutique post-immédiate», qui consiste à «reprendre l'événement, à ne pas le laisser se figer dans le temps et permettre ainsi une verbalisation des émotions, mais aussi d'évaluer les symptômes des personnes et de les orienter si nécessaire».
Il y a «des choses à dire et à ne pas dire», selon Stéphanie, la cadre de santé, «le principal est procurer une présence qui soit contenante et qu'on soit capables d'entendre l'indicible». Peut-être le plus difficile pour les équipes de la CUMP selon elle : «Pouvoir entendre ce qu'ils ont à nous dire sans juger, sans vouloir apporter une réponse, sans déculpabiliser à tout prix».
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