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Infirmière à bord de l’Ocean Viking, au secours des migrants en Méditerranée

Publié le 28/04/2022
Caroline, infirmière, en mission à bord de l’Ocean Viking

Caroline, infirmière, en mission à bord de l’Ocean Viking

L’équipe de l’Ocean Viking

L’équipe de l’Ocean Viking

Ocean Viking

Ocean Viking

Sauvetage en cours au large des côtes libyennes

Sauvetage en cours au large des côtes libyennes

1/2 - Cette fois, 131 migrants ont été sauvés. L'Ocean Viking, le navire de secours en mer affrété par l’association humanitaire européenne SOS Méditerranée*, vient d’effectuer deux nouveaux sauvetages au large de la Libye, l'un dans la nuit de mardi à mercredi, l'autre au petit matin. Deux opérations délicates qui portent à 295 le nombre de migrants secourus à son bord depuis dimanche. Alors que l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) estime à plus de 23 500 le nombre de morts et disparus depuis 2014 en Méditerranée, dont 2 048 l'an dernier, l’Ocean Viking poursuit sans relâche ses efforts pour sauver des vies. Caroline, infirmière engagée, raconte les dernières missions auxquelles elle a participé à son bord.

Août 2021. L’équipe de l’Ocean Viking réalise le sauvetage de 106 personnes qui voyageaient à bord d’un bateau en bois. Le plus jeune rescapé est âgé d’à peine 3 mois. Crédit photo : Flavio Gasperini / SOS MEDITERRANEE.

Depuis l’IFSI, j’avais en tête de me lancer dans l’humanitaire ou de travailler dans d’autres contextes de soins confie Caroline, 30 ans, pour expliquer le sens de son parcours. Son diplôme d’infirmière en poche, décroché en 2013, elle a donc commencé par faire de la réanimation pour se former aux soins d’urgence. Parce que c’est l’un des prérequis pour travailler avec les grosses Organisations Non Gouvernementales (ONG). Puis elle complète son cursus par un Master 2 de santé publique humanitaire pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette action spécifique avant de commencer à travailler.  Elle apprend les problématiques de santé des pays dits à ressources limitées. Engagée tour à tour par Médecins du Monde** et Médecins sans frontières** (pour un projet de réponse à une épidémie de rougeole touchant les enfants de moins de 5 ans en République Démocratique du Congo), elle ne cesse toutefois de questionner « les limites » des grosses organisations : malgré les efforts indéniables, les choses ne sont pas forcément en adéquation avec les besoins des populations de santé, il n’y a pas de pérennité, pas suffisamment de transmission des savoirs, déplore-t-elle.

La première fois qu'elle a en charge un patient en migration dans le contexte européen, elle est installée à la Réunion et travaille dans un service de permanence d’accès aux soins de santé pour les personnes sans protection sociale. Il s’agit d’un service qui dépend de l’hôpital public, rattaché aux urgences et les patients cibles sont ceux qui arrivent en France, par exemple les personnes migrantes, qui n’ont pas encore accès à l’Aide Médicale de l’Etat (AME) parce qu’elles sont là depuis moins de trois mois, ou les personnes en grande précarité, explique Caroline. C’est là que j’ai commencé à m’interroger sur le lien entre accès au séjour et accès aux soins. L’expérience la marque. Je n’en suis pas encore à m’embarquer sur un bateau humanitaire mais je me sens secouée.  Elle rentre en métropole, à Marseille où quelques temps plus tard, le Covid bouleverse l’organisation des soins : en novembre 2020, MSF lance une équipe d’urgence mobile dans les quartiers Nord et dans les squats de la ville pour faire du dépistage Covid, de l’éducation à la santé et de la veille sanitaire. Avec des pairs infirmiers, Caroline prend part à des maraudes pendant un peu plus de trois mois. A nouveau, elle est confrontée à une population souvent déboutée du droit d’asile, souvent en recours et donc hors circuit.

Le système de santé français est celui avec lequel j’ai grandi, que j’ai étudié et auquel je crois : un système de santé solidaire. Tout le monde devrait avoir accès aux soins en France et ce n’est pas le cas. Je voulais travailler là-dessus, me battre pour cela.

Caroline, infirmière, en mission à bord de l’Ocean Viking, le bateau affrété par l’association SOS Méditerranée, destiné à des opérations de sauvetage en mer Méditerranée.  Crédit photo : Flavio Gasperini / SOS MEDITERRANEE.

A bord de l’Ocean Viking

Recrutée par SOS Méditerranée (cf notre encadré plus bas), Caroline part pour la première fois en mission à bord de l’Ocean Viking, le bateau affrété par l’association humanitaire, en février 2021. Elle est la seule infirmière dans une équipe médicale de quatre soignants : elle travaille auprès de deux médecins et d’une sage-femme. Une mission dure de 5 à 6 semaines, moi j’en ai enchainé deux, se souvient Caroline qui évoque une expérience extrêmement intense.

A l’époque, la mission comporte plusieurs phases. En l’absence, encore, de vaccination complète contre le Covid, une quarantaine est respectée avant de monter à bord, coordonnée et chapeautée par les soignants. Une fois sur le bateau, l’équipe de professionnels de santé doit former tout l’équipage (23 personnes au total), soit les marins-sauveteurs professionnels (13 personnes), les personnes chargées des activités post-sauvetage (8) et même les journalistes (2 personnes) qui sont à bord. Notre objectif, c’est que tout le monde soit capable de faire des massages cardiaques et de premiers soins, résume l’infirmière. On met l’accent sur le massage cardiaque et sur le brancardage des personnes, parfois nécessaire. Quatre soignants, c’est très peu en cas d’arrivée massive de rescapés. Chacun doit donc pouvoir prêter main forte. D’autant que pendant un sauvetage, les marins-sauveteurs sont sur l’eau (ils font les allers-retours pour récupérer les gens et les ramener à bord) donc sur le pont-même, on n’est vraiment pas beaucoup.

Source : dossier de presse de SOS Méditerranée.

130 à 500 personnes d’un coup

Le bateau patrouille au large de la Lybie, dans les eaux internationales. Dès qu’on a des alertes pour un sauvetage, on y va, mais les sauvetages s’enchainent parfois très rapidement : on en a fait 4 en 24h durant la dernière mission par exemple, raconte Caroline. La vie n’est jamais calme bien longtemps sur le pont. Repérées par le radar de l’Ocean Viking ou aux jumelles depuis le navire ou encore via des relais d’appels de détresse, les embarcations de fortune sont de deux ordres : des bateaux pneumatiques, avec parfois jusqu’à 130 personnes à bord, et des bateaux en bois, avec jusqu’à 500 personnes***. On trouve aussi des bateaux en fibre de verre. Tous ces gens arrivent donc pratiquement d’un coup sur l'Ocean Viking.

Sur les petites embarcations s’entassent des femmes, des enfants, des personnes âgées, des femmes enceintes, et même des bébés. Le plus jeune que j’ai eu à bord avait 20 jours, se souvient Caroline.

A SUIVRE…

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16 janvier 2018. Sauvetage en cours au large des côtes libyennes. Crédit photo : Laurin Schmid / SOS MEDITERRANEE.

SOS MEDITERRANEE : de quoi s’agit-il ?

La Méditerranée centrale est la route migratoire la plus dangereuse du monde, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). SOS MEDITERRANEE est une association civile européenne de sauvetage en mer, créée en 2015 et constituée de citoyens mobilisés face à l’urgence humanitaire en Méditerranée. Depuis 2014, plus de 23 000 personnes ont péri en mer Méditerranée, d’après les données de l’Organisation Internationale des migrations, sans compter toutes celles qui ont sombré sans témoin. Nous ne pouvons accepter que des milliers de personnes meurent en mer sous nos yeux, aux portes de l’Europe, sans rien faire. Notre action de sauvetage en mer répond à un impératif moral et légal, alors qu’il est possible de sauver des vies. Il faut réunir des moyens et agir pour mettre fin à cette tragédie, ont déclaré les co-fondateurs de l’association, Klaus Vogel, capitaine de marine marchande et Sophie Beau responsable de programmes humanitaires et sociaux au moment de sa création. L’action de SOS MEDITERRANEE s’inscrit dans le strict respect et l’application du droit maritime international et du droit humanitaire. Comme le stipule la Convention SOLAS, Convention internationale sur la sauvegarde de la vie humaine en mer : Tout navire a l’obligation de porter assistance sans délai à une personne en détresse en mer. Concrètement, l’association affrète un bateau de sauvetage : après l’Aquarius, c’est l’Ocean Viking qui patrouille aujourd’hui au large des côtes libyennes, dans les eaux internationales, pour porter secours aux migrants en péril.

*en partenariat avec la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR)

**Associations humanitaires internationales.

***Le nombre de personnes migrantes à bord des embarcations est très aléatoire. 

Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin


Source : infirmiers.com