Si l’apprentissage permet d’acquérir de l’expérience terrain grâce à l’alternance de temps théoriques et pratiques, il nécessite aussi une forme de maturité vis-à-vis du monde professionnel et une résistance au rythme de travail.
L’organisation de la formation d’un élève infirmier en apprentissage diffère sur certains points d’autres secteurs tels que la restauration, l’hôtellerie ou encore le BTP, où l’alternant enchaîne des cycles d’une semaine chez l'employeur puis d’une semaine de cours. « Sur le parcours infirmier, l’apprenti doit rendre un certain nombre d’heures à son employeur en tant qu’aide-soignant », explique Sylvie Hivert, directrice du CFA FHP Nouvelle-Aquitaine. Et pour pouvoir « rendre » ces heures, il faut obtenir l’attestation d'aptitude aux fonctions d'aide-soignant, que les étudiants infirmiers acquièrent une fois validées certaines UE de la 1re année.
Deux gardes par mois chez l’employeur
Dès la rentrée de septembre, que l’étudiant démarre sa formation en apprentissage en 2e ou 3e année, il est tenu de rendre en moyenne deux gardes de 12 heures par mois à son employeur. Ces gardes sont organisées sur des week-ends (un samedi ou un dimanche), mais peuvent aussi s’effectuer pendant les périodes de vacances scolaires. L’apprenti est un salarié. Il a donc droit à 5 semaines de congés payés pour 12 mois de contrat d'apprentissage, soit la moitié des vacances scolaires par rapport aux autres étudiants de sa promotion. Ainsi, pendant les périodes de vacances scolaires de l'IFSIIFSI, il prend des congés et peut aussi rendre des heures en tant qu'aide-soignant. « Il n'y a pas de temporalité déterminée pour rendre ces heures. Ces dernières sont planifiées en fonction des besoins de l'employeur et des disponibilités de l'apprenti. L'idée étant de ne pas mettre l’apprenti en difficulté, notamment en période de partiels ».
L’assurance d’un lieu de stage
L’apprenti a, comme le reste des étudiants de sa promotion, une typologie de lieux de stage à valider durant son cursus. Si son employeur est une grosse structure hospitalière et a la possibilité de lui faire valider l’intégralité du parcours, tous les stages peuvent s’y dérouler. « Dans la plupart des cas, il y a au moins un stage sur les deux que comptent une année à l’IFSI, qui a lieu chez l'employeur, commente la directrice du CFA FHP Nouvelle-Aquitaine. En dernière année d’IFSI, le stage du semestre 6 qui est en général le stage professionnalisant, se fait toujours chez l’employeur. »
La limite d'âge pour signer un contrat d’apprentissage est de 29 ans révolus, excepté pour les sportifs de haut niveau et les personnes en situation de handicap qui n’ont pas de date butoir. Pour accéder à l’apprentissage, l’étudiant doit être admis dans un IFSI via la plateforme Parcoursup ou via la formation professionnelle continue.
Le contrat d'apprentissage court jusqu'à la date d’obtention du diplôme. Un employeur qui signe un contrat d’apprentissage avec un 1re année, s’engage pour les trois années de la formation.
Le partenariat CFA-IFSI
La partie pédagogique d’un parcours d’apprentissage revient à l'IFSI partenaire. Ce dernier est également porteur de l’agrément lié au parcours de stage et va présenter l'apprenti aux commissions d'attribution des crédits.
« Le CFA gère tout le volet financier : coûts contrat, rémunération des IFSI, etc.) », explique explique
Le CFA a aussi pour rôle, en amont de la signature du contrat d’apprentissage, d’informer toutes les parties prenantes, aussi bien les candidats que les employeurs. Le CFA prend part à diverses manifestations pour promouvoir l'apprentissage sur ces métiers et sollicite les employeurs sur le territoire qu’il couvre. « Nous renseignons sur les différents parcours possibles et faisons des simulations financières pour les employeurs, détaille Sylvie Hivert. Sur la dernière rentrée, le CFA FHP Nouvelle-Aquitaine a signé 130 contrats d'apprentissage infirmier, répartis entre les trois années de formation. « Nous avons été créé en 2008. Les premiers contrats d’apprentissage ont été signés avec des IFSI en 2009. Mais l'apprentissage infirmier reste méconnu malgré la présence en France de 16 CFA (adhérents à la FNAPSS (1) et/ou membres du réseau REA (2), proposant la formation d’infirmier », regrette Sylvie Hivert.
« Je suis dans le dispositif depuis deux ans et je dois dire que cela m’a sorti d’une situation financière compliquée. Lorsque j’étais en 1re année, je travaillais dans un bar les soirs et les week-ends, et j’ai eu un peu de mal à allier études et job étudiant. Au-delà de cela, l’alternance est une vraie richesse : sur le terrain, on a davantage un statut de collègue que d’étudiant. Je pense que cela m’a aidé à trouver plus rapidement mon identité de professionnel. Bien sûr, on n’a moins de temps pour souffler et pour réviser, on a des heures à rendre. Mais l’encadrement est bon et il est possible de s’arranger avec son employeur pour les partiels. »
Simon Pinte, 23 ans, apprenti infirmier en 3ème année à l’IFSI de Bayonne
Le choix de l’apprentissage dès la 1re année
Le CFA FHP Nouvelle-Aquitaine a expérimenté ce parcours d’apprentissage dès la 1re année en partenariat avec l’IFSI du Centre de Formation Professionnelle Bordeaux Nord Aquitaine (CFPBNA) et avec l'IFSI du centre hospitalier d’Agen-Nérac. Ceci concerne des étudiants reçus via Parcoursup. Autrement dit, des étudiants qui n'ont pas de prérequis ni de diplôme d'aide-soignant. C'est le même principe que pour les 2e et 3e années sauf que l’étudiant n’a pas d'heures à rendre puisqu’il n'a pas encore la qualification d'aide-soignant.
A noter qu’il peut rendre des heures sur juillet-août, à l'issue de la 1re année de contrat. Avant cela, de septembre à juin, il suit un parcours d'intégration chez l’employeur. Il va travailler avec des équipes pluridisciplinaires pour se familiariser avec le secteur et le métier.
Il faut savoir que c'est du gagnant-gagnant parce que l'apprenti qui est jeune diplômé à de grosses responsabilités par rapport à son futur métier
D’élargir à la 1re année, permet d'accompagner l’apprenti sur trois années ce qui est quand même relativement important pour l’employeur, qui espère bien entendu la fidélisation de l'étudiant suite à sa formation. « L'idée est qu'il continue à s'insérer professionnellement chez son employeur à l'issue du contrat d'apprentissage, souligne Sylvie Hivert. Il n’a pas d'engagement à servir mais il y a quand même un engagement moral vis-à-vis de l'employeur. Il faut savoir que c'est du gagnant-gagnant parce que l'apprenti qui est jeune diplômé à de grosses responsabilités par rapport à son futur métier. Et de rester dans une structure dans laquelle il se sent en confiance, aguerri, dont il connaît les équipes, peut être constructif et confortable. De plus, s'il y a des postes ouverts sur des spécialités qui l’intéressent, il sera prioritaire parce qu'il a été formé. »
Isabelle Brulfer, ex-directrice IFSI-IFAS du CFPBNA, aujourd’hui chargée de développement au CFPBNA, école attenante à un groupe de cliniques de Bordeaux Nord (groupe GBNA) abonde dans ce sens : « C’était un pari d’ouvrir le dispositif dès la 1re année. Si l’on dresse un premier bilan, sur la promotion ouverte en septembre 2022 dans laquelle la moitié, soit 20 étudiants, étaient apprentis, les résultats sont satisfaisants avec des stages de qualité pour nos étudiants. Plus globalement, l’apprentissage consolide la confiance en soi pour pouvoir former des soignants qui soient durables, efficaces et bienveillants avec leurs collègues mais surtout avec les malades ou avec les personnes qu’on leur confie. Un apprenti-salarié aura, du fait de son statut, un rapport plus adulte avec son entourage, qu’un élève étudiant qui reste souvent dans une posture d’attente vis-à-vis d’un maître. »
A l’issue de leur formation en alternance, les apprentis se sentent plus confiants lorsqu’ils prennent leur poste
Quid de l’encadrement ?
L’encadrement est fondamental et cela peut être un frein si l'employeur est contraint lui-même par des problèmes de stabilité de son propre personnel. En difficulté, il risque alors de ne pas mettre à disposition de l'apprenti, les personnes ressources dont il aurait besoin. « Nous sommes très vigilants sur ce point. Cela fait partie de nos normes de qualité, rassure Sylvie Hivert. Dans la foulée de la signature du contrat d'apprentissage, nous organisons au plus tard dans les 2 mois qui suivent, une visite de démarrage. » Cette réunion qui rassemble sur le terrain employeur, l'apprenti, son maître d'apprentissage et le partenaire pédagogique de l'IFSI, vise à poser les attendus de chacun ainsi que tous les points qui permettront la stabilité du parcours. Si le maître d'apprentissage est garant de la bonne exécution du parcours de l'apprenti au sein de son établissement, il ne sera pas forcément le tuteur de proximité. L’apprenti sera certainement encadré par plusieurs personnes tout au long de son parcours.
Le rythme de l’alternance
« On peut penser que c'est exigeant de demander à un apprenti de rendre des gardes dans le prolongement de sa semaine de cours. Cependant, il faut aussi avoir en tête que certains jeunes sont en difficulté pour payer leurs études et à qui cela convient. Le dispositif de l’apprentissage existe mais personne n'est obligé de le choisir s’il ne s'en sent pas la capacité. Je trouve qu’à l’issue de leur formation en alternance, les apprentis se sentent plus confiants lorsqu’ils prennent leur poste », conclut Sylvie Hivert.
• La rémunération mensuelle des apprentis est d’environ 1000 euros net par mois. Elle est fonction de l'année de formation, de l'âge et du montant du SMIC. Sachant qu'il n'y a pas de charges salariales sur la rémunération de l'apprenti, le salaire brut équivaut donc au net.
• L'apprenti bénéficie des éventuels avantages liés à la convention collective de son employeur (13e mois, comité d'entreprise, primes, majoration de la rémunération en cas de travail les jours fériés ou les dimanches, etc.). Il a droit aux mêmes avantages qu'un salarié en CDD.
• Selon l’employeur, il aura des aides en lien avec les frais annexes (repas, hébergement, tenues professionnelles, etc.). « Notre CFA met à disposition des ordinateurs portables pendant toute la durée de la formation. Les apprentis bénéficient, en outre, d’aides de l'État, du Conseil régional de la Nouvelle Aquitaine pour le permis de conduire », met en avant Sylvie Hivert.
Pour en savoir plus :
https://cfafhpnouvelleaquitaine.fr/infirmier/
www.fnapss.org
(1)Fédération nationale pour l’apprentissage aux professions sanitaires et sociales
(2)Réseau expert alternance sanitaire et social
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