Sept ans après la loi créant leur statut, le nombre d'infirmières en pratique avancée était estimé en 2021, à seulement 581 IPA diplômés et 1 366 en formation, alors que l'Etat prévoyait initialement 3 000 IPA formées ou en formation en 2022 d’ici à 2022 et, à terme, de 6 000 à 18 000 IPA en exercice. La Cour des comptes, dans un rapport, s'est donc intéressée à ce qui coince dans leur déploiement. A l'heure actuelle, seules 1650 IPA ont été diplômées depuis 2018, selon l'UNIPA.
Plusieurs freins s’opposent au déploiement de la pratique avancée : les réticences des médecins constituent le plus fondamental d’entre eux.
Médecins, modèle économique... le rapport identifie plusieurs freins
Le rapport identifie quatre types de freins au déploiement des IPA (cf encadré ci-dessous).
Le premier frein «et aussi le plus fondamental d'entre eux» selon le rapport, émanerait des médecins, qui voient en l'IPA un potentiel concurrent. «Le parcours de soins de référence demeure celui de la relation première entre le patient et un médecin généraliste, garant de sa bonne orientation dans le système de santé et rémunéré à l’acte. Or, lorsque des IPA sont installées en ville, les médecins refusent trop souvent, par méconnaissance ou par crainte de concurrence, d’orienter vers eux des patients atteints de pathologies chroniques, dont l’état de santé relèverait d’un suivi par ces professionnels paramédicaux», détaille la Cour des Comptes.
Le rapport souligne par ailleurs que «les médecins collaborent de manière plus naturelle avec des assistants médicaux, ou avec des infirmiers salariés par des associations, dont le champ de compétences et le modèle économique ne constituent pas un facteur de concurrence directe pour les professions médicales».
Un modèle économique pas assez rémunérateur
Enfin, les IPA ne bénéficient pas encore d'un modèle économique suffisamment rémunérateur pour «vivre de leur activité» en libéral. Selon l'avenant 7 : « Le montant de chacun des forfaits a été déterminé en recherchant un revenu-cible de 3 000 à 3 300 € nets par mois, pour une patientèle d’un peu moins de 400 patients, soit un revenu proche de celui d’une infirmière libérale, pour 35 heures de travail sans garde de nuit ni week-end. » Mais cette évolution ne prend pas en compte le cadre restreint de l'exercice IPA qui dépend du médecin. Les IPA ont donc rarement une file active suffisante de patients et donc une rémunération plus aléatoire que prévue. Alors que les IPA devaient contribuer à améliorer l'accès aux soins, une enquête de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) publiée au mois d'avril 2023 pointait ainsi en premier lieu «le faible nombre de patients qu'elles suivent, souvent limité à quelques dizaines».
«Quant aux IPA exerçant en tant que salariés, leur statut n'est guère plus attrayant, avec des perspectives financières et des offres de carrières inférieures à ce qui avait été annoncé initialement, explique la Cour, alors même qu’elles ont consenti un effort de formation important - les études, qui s’inscrivent dans un cadre de formation continue, étant onéreuses» (Soit 48 000 euros selon l'évaluation de la FHF incluant hébergement et restauration).
Le système de santé doit évoluer
La Cour rappelle cependant qu'au printemps 2023, la loi Rist a permis de progresser en octroyant un accès libre des patients à certains IPA, hors prescription d'un médecin, et en leur ouvrant un droit de prescription dans certains cas. «Toutes les difficultés ne sont pas encore résolues», note la Cour des Comptes. «Il revient au ministère de définir des guides ou des référentiels précisant les missions des IPA, ou bien, sur le modèle de certains pays étrangers, de prévoir des formations complémentaires préparant les IPA au droit de prescrire en première intention».
D'une manière générale, «les difficultés rencontrées par les IPA reflètent les limites de la conception du système de santé français, encore marqué par l'exercice isolé de la médecine de ville et la rémunération à l'acte», estime la Cour des Comptes. «Cette conception doit évoluer pour que la coopération entre professionnels de santé devienne la pratique générale, alors que l’offre de soins de ville continue à se rétracter et que de nombreux patients n’ont pas de médecin traitant».
Les principaux enseignements de l’enquête
Le ministère de la santé attendait beaucoup de la création de la profession d’IPA et s’était fixé une cible de 3 000 IPA formés ou en formation à la fin de l’année 2022 et, par la suite, de 6 000 à 18 000 IPA en exercice. Or, en 2021, seuls 581 IPA étaient diplômés, pour 1 366 en formation et 131 exerçaient en ville.
- Le nombre d’IPA salariés en établissement de santé et dans les structures médico-sociales n’est pas connu.
Les freins au déploiement de la pratique avancée sont multiples
- Le premier et le plus fondamental est la réticence des médecins à confier des actes et des patients à des IPA.
- Le second, dans le prolongement du premier, découle du modèle économique, en ville, qui ne permet pas aux IPA de vivre de leur activité.
- Le troisième résulte des conditions de formation.
- Le quatrième et dernier frein consiste en l’existence d’autres professionnels avec lesquels les médecins collaborent de manière plus naturelle.
Face à ces obstacles, le législateur a réagi, sans attendre le résultat d’expérimentations qui tardaient à se mettre en œuvre, en accordant aux patients un accès direct aux IPA et, aux IPA, un droit de première prescription.
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