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COURS IFSI

La relation soignant-soigné : la confiance

Publié le 02/01/2024

La confiance revêt pudiquement son habit d’espoir. Faire confiance à quoi ? À qui allons-nous donner notre confiance pour garantir notre avenir social ? Sans confiance, nous pouvons basculer vers un sentiment d’insécurité.

Infirmière et patiente, mains jointes

Infirmière et patiente, mains jointes

La confiance est un élément essentiel de la relation soignant-soigné.

Empruntée tout d’abord au latin "confidentia" puis adaptée d’après le vocalisme de l’ancien  fiance, se fier1, la confiance est attestée au XVIIe siècle comme avoir foi en quelque chose, en quelqu'un.

La confiance implique à la fois une conviction personnelle et une  relation à l’autre ou à quelque chose. Elle est produite le plus souvent par une expérience relationnelle ou acquise naturellement en lien avec des valeurs partagées, spontanées ou réfléchies. Cette estime de l’autre ou d’un groupe favorise la parole, l’abandon de soi, de façon ponctuelle, durable, fraternelle ou regrettée. L’individu qui donne volontairement sa confiance ne peut supposer la moindre trahison. Comme le recense Simon Senghor Abdou2,  la confiance relationnelle est une « croyance sur la fiabilité d’une autre personne à l’égard d’une question particulière en jeu qui émerge dans des conditions de résultats inconnus ».

Dans un contexte relationnel soignant, la confiance induit l’assurance de la qualité des échanges protégés dans un espace dédié (espace virtuel, psychologique, physique, aspect technique…). Cette compétence relationnelle tient compte de l’histoire du patient pour établir, avec lui, une communication fiable, constructive. La relation de confiance est ici un système faillible et interpersonnel. Cette approche interactionnelle n’est pas anodine. Sans être systématiquement thérapeutique, la relation de confiance est une dynamique créatrice de lien, de sens, pour anticiper, gérer, éviter une situation de crise,  de confusion émotionnelle.

Le climat de confiance intervient dans le champ infirmier dès l’accueil, en éducation thérapeutique, en santé mentale et d’autres secteurs où ces relations dépendent du jugement du soignant, pouvant mettre le patient en situation de vulnérabilité. “La confiance pouvant co-exister avec l’existence de doutes sur autrui, on se rend compte qu’elle peut être plus ou moins élevée ; en outre, la confiance accordée possède généralement des limites. Ainsi, l’un peut avoir confiance en l’autre pour telle tâche et non pour telle autre, dans telles circonstances et non dans telles autres”3.

Le sociologue  Hammer4 distingue cinq types de confiance : « la confiance cléricale où le patient est passif et se soumet au médecin qui dispose des connaissances pour le soigner ; la confiance pragmatique que le patient ne donne que s’il a la preuve des compétences du médecin ; la confiance professionnelle qui naît des représentations que le patient se fait du rôle du médecin, de ce qu’il attend de lui ; la confiance affinitaire qui se matérialise par les liens de proximité entre le médecin et le patient ; et enfin la confiance rationnelle qui se focalise plus sur l’objectivité de la médecine en tant que science que le médecin met en œuvre. Ici, le jugement du patient est moins porté sur les compétences techniques du praticien. Toutefois, entre le médecin et le patient, une relation de méfiance peut être observée ». La confiance dans les soins relève de compétences, de moyens humains mais aussi financiers qui peut se traduire par la confiance et de la maîtrise du matériel technologique en santé.  Pour reprendre l’article d’Achille Weinberg5, quand la confiance est établie, trois fonctions permettent de fonder une qualité des soins relationnels :
•    « La sérénité  : sur le plan émotionnel, avoir confiance permet de « s'abandonner » à un tiers et de faire baisser son niveau d'inquiétude. Il faut être en confiance pour « confier » un bien précieux  : son argent à la banque, son enfant à une nourrice, sa santé à un médecin, sa vie à une compagnie aérienne...
•    La sécurité  : sur le plan cognitif, la confiance autorise la baisse du contrôle attentionnel. à chaque fois que vous vous asseyez, il est inutile de vérifier la solidité des pieds de la chaise. La confiance que l'on accorde à la fiabilité d'une chose, à une personne ou à un système permet d'entrer en « pilotage automatique » et donc d'économiser toute une série de vérifications.
•    La simplicité  : pour N. Luhmann (6), la confiance est un « réducteur de complexité sociale ». Autrement dit, pouvoir compter au travail sur un collaborateur de confiance évite au manager le lourd prix organisationnel des consignes et contrôles pointilleux… »
 La confiance peut être une vertu dans laquelle chacun peut s’engager. Cela renvoie aux concepts analogiques tels que la négociation, la gestion de crise, sécurité, la coopération, le secret professionnel, la personne de confiance, l’éthique, le consentement…. Dans le cadre d’une prise en soins, cela induit savoir remettre sa vie entre les mains des soignant, prendre un risque lors d’un soin technique malgré la compétence avérée d’une professionnel de santé. Pour les soignant.es, cela implique le devoir de prendre les bonnes décisions pour assurer la sécurité des personnes soignées et vulnérables. La confiance se construit avec conscience et professionnalisme avec un objectif lié à la réalisation de soins.

Christine Paillard, documentaliste et lexicographe en sciences infirmières, propose d'analyser un concept et son application dans le champ infirmier, à partir de son Dictionnaire des concepts en soins infirmiers, utile pour les Analyses de pratiques professionnelles et pour le Mémoire de fin d’études et l’exercice de la profession soignante.
Docteure en sciences du langage, diplômée en ingénierie pédagogique et licenciée en sciences de l’information et de la communication, elle accompagne les étudiant.es infirmier.ières (Ifsi, IPA) à l'acquisition de compétences informationnelles, linguistiques pour remobiliser une démarche documentaire scientifique.

Notes

1.    Rey Alain. Dictionnaire historique de la langue française. Paris: Robert. 2010
2.    SIMON SENGHOR Abdou.  La place de la confiance dans le choix d’une méthode de dialyse chez les patients insuffisants rénaux chroniques », dans : Claudia Senik éd., Crises de confiance ? Paris, La Découverte, « Recherches/Fondation pour les sciences sociales », 2020, p. 106-120.
3.    Karsenty Laurent. Comment maintenir des relations de confiance et construire du sens face à une crise ?.  Le travail humain.  Vol. 782/2015.  p. 141-164
4.    SIMON SENGHOR Abdou. opus. cit.
5.    WEINBERG Achille, « Qu'est-ce que la confiance ? », Sciences Humaines, 2015/6 (N° 271), p. 22-22.
6.    Niklas Luhmann. La Confiance. Un mécanisme de réduction de complexité sociale, Economica, 2006

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Christine Paillard, documentaliste et lexicographe en sciences infirmières

Source : infirmiers.com