Julia Fontes a 25 ans et a obtenu son bac en 2017. Après une année de droit puis de psychologie, elle se décide à intégrer l’IFSI du CHU de Bordeaux et en sort diplômée en juillet 2022. Elle travaille ensuite à l’hôpital de Lorient, notamment dans le service des urgences. Après une pause dédiée aux voyages, elle travaille à la clinique de Vannes. En s’orientant vers l’IFSI, elle a vraiment l’envie de devenir infirmière. L’envie de devenir médecin lui vient plus progressivement : « Ce n’était pas une idée que j’avais en tête depuis longtemps, confie-t-elle. En fait, je savais que l'hôpital et la santé me plaisaient. Sauf qu’à 17 ans, au moment du bac, je n'avais pas confiance en moi. C’est vraiment durant mon exercice professionnel et, en particulier à l’occasion d’un stage en réanimation pendant l’IFSI que les choses se sont confirmées. »
Si je deviens médecin, je garderai en tête ce regard que j'avais en tant qu'infirmière.
Durant ce stage, elle découvre un intérêt fort pour la recherche clinique, la pose de diagnostic, pour l’anamnèse. Puis, quand elle commence à travailler aux urgences à Lorient durant l'hiver 2022, elle côtoie des médecins urgentistes très accessibles : « J’ai vraiment pu toucher du doigt le métier de médecin et cela m’a réellement donné envie. Je me suis informée sur les modalités du dispositif « Passerelle », j’en ai un peu parlé autour de moi et me suis lancée. »
Julia Fontes a été admise en 2e année de médecine et fait sa rentrée en septembre. « Si je deviens médecin, je garderai en tête ce regard que j'avais en tant qu'infirmière. Je me souviendrai de certains décalages ou alors des jugements de la part de certains médecins que j’ai parfois pu ressentir. Je me souviendrai aussi de ce que l'on nous apprend en tant qu'infirmière : on demande beaucoup de choses à l'infirmière sauf que les connaissances ne sont pas toutes fournies en formation. Cette dernière n'est pas toujours adaptée, ce qui fait que cela peut être compliqué de mettre en place certaines prises en charge demandées par les médecins. En particulier pour une jeune infirmière. J’essaierai donc le plus possible d'en tenir compte. »
Réorientation précoce vers… l’IFSI
Après un bac obtenu en 2021, Théo Lancien-Charlès (ancien administrateur et formateur à la FNESI) s’est lancé dans une première année de médecine qui ne lui a pas convenu. « L’ambiance de la 1re année est particulière et demande une forme de maturité. Je sortais à peine du lycée. J'étais encore dans une dynamique professeur-élève que l’on ne retrouve pas du tout en faculté de médecine. J'ai eu besoin d'une formation plus encadrante. » Sur ce constat, il a saisi l'opportunité, au cours de cette 1re année, de se réorienter et d’intégrer l’IFSI de la Cavale Blanche au CHU de Brest. Il s’agit d’un dispositif de réorientation précoce, pour les étudiants en 1re année de médecine qui ne souhaitent pas continuer. En optant pour cette réorientation, l’étudiant a découvert le métier d'infirmier qui s’est révélé, pour lui, extraordinaire.
Mais son envie de devenir médecin ne l’a pas lâché et, en 2024, en 3e année d'IFSI, il a candidaté via le dispositif "Passerelle" à la faculté de médecine Brest. A la rentrée de septembre, il intègrera donc directement la 2e année de médecine.
Des bienfaits de l’IFSI
« J’étais assez confiant. L’oral à passer dans le cadre du dispositif "Passerelle" s'était très bien déroulé. J’ai mis en avant le fait que j'avais énormément travaillé ces dernières années en plus de ma formation infirmier. J’ai notamment fait des remplacements en tant qu’aide-soignant afin de découvrir le plus de services possibles. Et puis, à l’IFSI, j'ai eu le temps de développer ma méthode de travail. Je pense également que le jury attend un regard un peu critique de la part du candidat : j'ai dit sincèrement que, si j'avais réussi médecine il y a 3 ans de cela, je n’aurais pas été un bon médecin. J'aurais fait médecin pour de mauvaises raisons, avoue Théo Lancien-Charlès. Et mon projet est réfléchi, en particulier d’un point de vue financier. Je suis conscient que ce sont des études longues, coûteuses, qui demandent de la rigueur, de l’autonomie dont je ne faisais pas preuve avant l’IFSI. »
Sur les 13 places ouvertes à l’université de Brest dans le cadre du dispositif "Passerelle", 3 ou 4 infirmiers ont été sélectionnés. Parmi les autres, figuraient un manipulateur radio, une sage-femme, des ingénieurs, des pharmaciens et des architectes.
L’expérience de la pratique infirmière
Avec un petit peu de recul, Théo Lancien-Charlès voit son passage à l’IFSI comme une véritable plus-value. Il a pris connaissance du travail d’infirmier et a pris conscience de la difficulté et de la charge mentale inhérentes à ces métiers. « Je pense que de nombreux médecins ne se rendent pas compte de cela. Ce n'est pas de leur faute, c'est leur cursus qui veut cela, souligne-t-il. Ce qui est certain c’est que l’aperçu que j’ai des deux métiers pourrait apporter une meilleure cohésion entre équipes et un travail interprofessionnel plus efficace pour la prise en charge et le soin des patients. Avec la nouvelle génération d'internes qui intègre les hôpitaux, la situation s’améliore progressivement et les relations sont bien meilleures. Les séminaires avec des étudiants en médecine pendant la 3e année d’IFSI y sont peut-être aussi pour quelque chose. »
La relation au patient
Emma Milbeau a toujours voulu faire médecine et aimerait bien exercer en libéral. Son bac scientifique en poche, elle s’est orientée vers la faculté de médecine de Brest. Après avoir tenté deux fois sans succès de passer la 1re année, elle s’est tournée vers l'IFSI de la Cavale Blanche à Brest. Tout en gardant en tête l’idée de passer par la Passerelle existante entre l’IFSI et les études médicales. « Je me disais que si je n’avais pas la "Passerelle", je resterais quand même dans le milieu de la santé, en sachant qu’à l’issue de l’IFSI, de nombreuses possibilités s’offraient à moi. Je pense notamment à des masters pour exercer en tant qu’infirmière de bloc opératoire, infirmière anesthésiste ou infirmière de pratique avancée. »
Qu’il s’agisse de la qualité des soins, du relationnel et de l’empathie, ce sont des aspects largement travaillés à l’IFSI. En médecine, c’est quand même très minime.
C'est durant sa 3e année d'IFSI qu’elle s’est réellement intéressée au dispositif "Passerelle" et aux démarches à suivre. Et puis, pour prouver sa motivation, elle a, parallèlement à cette 3e année fait des stages chez deux médecins généralistes ainsi que dans la médecine du sport, le soir en plus de ses stages d’IFSI. « J'ai demandé à l'IFSI de me fournir une attestation indiquant que j’étais diplômable en juillet 2022 sous réserve d'acquisition de tous mes CTS. J’ai envoyé mon CV et ma lettre de motivation mi-mars. Une fois admissible (les résultats tombent mi-avril), je me suis préparée pour l'oral qui a lieu début juin. L'oral consiste à se présenter pendant 5 minutes et à répondre à des questions du jury pendant 5 autres minutes », se remémore l’étudiante. Ce jury était composé de la doyenne de médecine, du doyen de dentaire, de professeurs en médecine et de professionnels sage-femmes. Elle confie avoir beaucoup abordé la relation infirmier/médecin. Le fait d'avoir fait l'IFSI l’aide aujourd’hui dans ses relations aux patients : « Qu’il s’agisse de la qualité des soins, du relationnel et de l’empathie, ce sont des aspects largement travaillés à l’IFSI. En médecine, c’est quand même très minime. » Pour se préparer à cet oral, elle a également contacté des personnes ayant fait la Passerelle et regroupé toutes les questions qu’ils avaient eues : «J’ai eu la chance de tomber sur ces questions le jour J». Après cela, elle a intégré directement la 2e année de médecine en septembre 2022. Ses collègues de promotion lui ont appris qu’elle était la première infirmière à être prise sans avoir été salariée. En septembre, elle entamera sa 4e année de médecine à Brest
Une sélection université-dépendante ?
Kaëlig Delaunay, 21 ans tout juste diplômé de l’IFSI Guillaume Régnier de Rennes a été moins chanceux pour intégrer médecine via le dispositif « passerelle. Il entend dès lors tout faire pour saisir sa deuxième et dernière chance l'année prochaine. « Je ne sais pas encore si j’essaierai à nouveau à l'université de Rennes ou si je changerai de ville, confie-t-il Je pense qu’à Rennes, ils sont assez réticents à prendre des infirmiers, ce qui est moins le cas à Marseille ou à Brest par exemple. » Selon lui, la sélection est très université-dépendante et les étudiants infirmiers sont plus ou moins valorisés. « Je n'ai pas été pris avec un dossier relativement convenable. J'ai des amis IBODE qui n'ont pas été sélectionnés non plus. »
La pratique infirmière me plaît mais j'aimerais approfondir l’aspect diagnostic et réflexion clinique
Pour autant, l’étudiant reste motivé à poursuivre les études médicales. La pratique sur le terrain l’a conforté dans son choix. En côtoyant des externes, des internes et des médecins, il a pu observer de l'intérieur les enjeux de la filière médecine et les moyens d’y accéder. C'est un univers dans lequel il se reconnaît. « La pratique infirmière me plaît mais j'aimerais approfondir l’aspect diagnostic et réflexion clinique. Ce sont malheureusement des aspects qui manquent un peu aujourd'hui dans la pratique infirmière parce que l'on ne laisse tout simplement pas la place au corps infirmier. Tout est très « médecin-centré. »
En tout cas, si Kaëlig Delaunay devient médecin, il gardera de son passage en IFSI un certain regard : « En tant qu’infirmier, on ne s’attarde pas sur les mêmes choses. Parfois les médecins ont une mauvaise compréhension du travail de l'équipe paramédicale. Je pense que mon expérience d’infirmier peut être un avantage. Mais il me faut tout de même contraster mon témoignage. En effet, lors de mon récent stage en réanimation, j’ai communiqué sur mon souhait de poursuivre en médecine. Mon tuteur m’a dit que j’aurais dû éviter d’en parler car l’équipe l’a pris comme une forme de trahison. Il est vrai qu’à l’heure où l’on manque d’infirmiers, les équipes paramédicales peuvent être relativement réticentes à former quelqu'un qui n'exercera pas comme infirmier. C’est compréhensible. Mais cette vision est fonction de chaque équipe et de chaque service. A la suite de cela, j’ai été dans un service de néphrologie et les réactions étaient très positives. »
- pas de limite d’âge ;
- possibilité de le tenter deux fois ;
- inscription dans une seule université à la fois ;
- chaque université a son propre site "Passerelle" :
Pour Brest : www.univ-brest.fr/faculte-medecine/fr/page/dispositif-passerelles
Pour Rennes : https://medecine.univ-rennes.fr/les-passerelles
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