La mesure, prise dans nombre de pays européens, avait suscité, outre l’indignation chez certains, des questions d’ordre à la fois éthique et juridique : l’obligation de vaccination contre le Covid-19 lors de la pandémie violait-elle les droits de l’Homme ? Non, a depuis répondu la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) dans un arrêt rendu le 29 août 2024. À l’origine de sa décision, une procédure de saisie de la Cour en juillet 2021 par plusieurs soignants de l’Institut de Sécurité Sociale (ISS) de Saint-Marin, micro-État enclavé dans le centre-nord de l’Italie, estimant que l’obligation de vaccination relevait d’un abus de leur droit à travailler et de leur libre choix à se faire vacciner. Plusieurs mesures avaient en effet été mises en place pour inciter certaines catégories de professionnels, en contact direct avec le grand public, à recevoir le vaccin anti-Covid. Avec en cas de refus, une potentielle suspension temporaire de rémunération, si aucune des solutions d’adaptation du poste ou de l’organisation de travail n’était acceptée.
Les salariés de l’ISS qui ont saisi la CEDH avaient ainsi subi plusieurs de ces mesures, dont la suspension sans salaire. Jugeant qu’aucune raison légale ni scientifique ne justifiait la différence de traitement entre vaccinés et non-vaccinés, ils faisaient valoir l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), l’article 14 (interdiction de la discrimination) et l’article 1 du Protocole no 12 (interdiction générale de la discrimination) « pour dénoncer une violation du principe d’égalité et une « ingérence abusive de la puissance publique dans la sphère privée », explique la CEDH.
Ni discrimination, ni sanction disciplinaire
À l’issue de la procédure, la CEDH a donné raison au législateur de Saint-Marin, jugeant légitime les mesures qu’il avait prises dans le contexte de la pandémie. Dans la balance, elle a mis face-à-face « les graves conséquences » que faisait courir la crise sanitaire sur les personnes. « Les États ont (et avaient pendant la pandémie) une obligation de protéger la vie des personnes relevant de leur juridiction », souligne-t-elle. Les personnes non vaccinées étant plus sujettes à l’infection l’étaient aussi à la propager. La différence de traitement entre les personnes vaccinées et celles non-vaccinées « ne saurait passer pour discriminatoire », tranche-t-elle.
En outre, le défaut de vaccination ne donnait pas lieu à une sanction, des aménagements de postes permettant de limiter les contacts des salariés de l’ISS avec le grand public ; une affectation dans un autre service était également possible, la suspension de rémunération n’intervenant qu’en dernier recours. « Chacune de ces mesures était décidée en fonction de la situation individuelle et des besoins des services de l’État, et on ne peut donc pas considérer qu’il s’agissait de sanctions déguisées », fait-elle valoir, mettant en avant le fait que les requérants ont fait le libre choix de refuser les solutions qui leur étaient proposées. Par ailleurs, si, dans un tel contexte, les pertes financières constituaient de manière générale une « conséquence inévitable de la pandémie mondiale », celles subies par la plupart des requérants « n’ont pas été très importantes », souligne-t-elle.
Les mesures dénoncées par les salariés de l’ISS étaient donc « fondées », conclut la CEDH. Par cette décision, celle-ci reconnait ainsi la validité du caractère exceptionnel du contexte pandémique et indique que la suspension de rémunération représentait un levier dans la gestion de la pandémie, et non pas une mesure disciplinaire.
LÉGISLATIF
VEILLE JURIDIQUE DU 16 AU 30 NOVEMBRE 2024
QUESTION DE DROIT
Secret médical : peut-on impunément dénoncer un collègue non vacciné ?
QUESTION DE DROIT
Faux pass sanitaires : une infirmière devant la chambre disciplinaire
DROIT
L'accès au dossier médical partagé est autorisé aux non-professionnels de santé