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Réingénierie de la formation d’aide-soignant, que dit la réforme?

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Publié le 14/06/2021

Le texte législatif redéfinissant la formation et le métier d’aide-soignant a été publié au Journal Officiel le 12 juin. Durée et modalités des enseignements, actes de soins supplémentaires, rémunération…, il introduit un certain nombre de changements, qui pourraient renforcer l’attractivité de la profession.

 

Il aura fallu un peu plus de cinq années pour que la réingénierie du métier d’aide-soignant soit actée. Point final d’une concertation entamée en 2015, interrompue puis relancée en 2019, prévu à l’origine pour la rentrée 2020 mais repoussé en raison de la crise sanitaire, le Haut Conseil des Professions Paramédicales (HCPP) a validé le mardi 20 avril le décret introduisant de nouveaux référentiels dans le parcours de formation et l’exercice de ces professionnels de santé. Le texte, paru au Journal Officiel du 12 juin, s’ajoute à la suppression en décembre 2020 du concours, qui avait précédemment été annoncée au mois de février par Agnès Buzyn, l’ancienne ministre de la Santé. Cette réforme répond à un objectif précis : renforcer l’attractivité de la profession et augmenter les effectifs de professionnels formés tout au long de l’année pour répondre en continu aux besoins des établissements en demande.

Quels changements au sein des IFAS ?

Le texte précise ainsi que la durée de la formation passe de 10 à 12 mois, pour un total de 44 semaines, également réparties entre théorie et pratique de terrain via des stages. Il instaure également une rentrée multiple , dont une session au mois de septembre, et acte l’augmentation du nombre de places dans les Instituts de Formation d’Aides-Soignants (IFAS), qu’il s’agira de pourvoir au cours de l’année 2022. Les IFAS attendaient ce décret pour préparer la rentrée du mois de septembre, réagit Arlette Schuhler, Secrétaire de la Fédération Nationale des Associations d’Aides-Soignants (FNAAS). Il faut savoir que, au cours des années passées, chaque section enregistrait un certain nombre de places vacantes dans les formations. Depuis, l’accès à la formation a été allégé, notamment avec la suppression du concours d’entrée en décembre 2020. On espère que cela motivera davantage de personnes à suivre la formation d’aide-soignant. À noter toutefois que les IFAS seront confrontés à une difficulté : recruter suffisamment de formateurs permanents pour assurer les enseignements et les évaluations. Mais le point positif, c’est que les aides-soignants qui seront titulaires du diplôme pourront prétendre à former leurs pairs au sein des établissements, précise Arlette Schuhler

Pour un élargissement des compétences

 

La réingénierie répond surtout à un enjeu de taille : faire évoluer les compétences des aides-soignants afin qu’elles soient plus en adéquation avec les changements des besoins de santé portés par la société (population vieillissante, maintien des patients à domicile pour soulager les services hospitaliers…). À cet égard, elle introduit un certain nombre d’actes de soins supplémentaires, jusque-là absents des référentiels. Ainsi les aides-soignants pourront-ils, entre autres, désormais procéder au recueil de la saturation en oxygène, aux prélèvements non stériles (selles, urine, expectorations) et à la lecture des données biologiques urinaires, et observer et participer à l’évaluation de la douleur et du comportement des patients ainsi qu’au risque d’atteinte à l’intégrité de la peau. Côté soins liés aux dispositifs médicaux ou d’appareillage, le texte les autorise notamment à poser et changer les masques destinés à l’aide respiratoire pour les malades en situation chronique stable, à renouveler les poches et les supports sur colostomie cicatrisée, ou encore à réaliser lavages oculaires et instillations de collyre. Enfin, ils auront la possibilité de participer à l’animation de groupes à visée thérapeutique, évaluer la qualité des soins et réajuster ces derniers si nécessaire.

Liste des autres actes supplémentaires

  • Mesure du périmètre crânien, calcul de l’IMC à l’aide d’un outil paramétré
  • Lecture instantanée des données biologiques urinaires
  • Règles d’hygiène et de sécurité, traçabilité et transcription
  • Surveillance d’une personne sous moniteur à prise de constantes directes et automatiques
  • Changement de lunette à oxygène courbe avec tubulure sans intervention sur le débitmètre
  • Recueil aseptique d’urines hors sonde urinaire
  • Pose de suppositoire (d’aide à l’élimination)
  • Application de crème et de pommade.

Ce qui nous préoccupe, ce sont les vannes que cette réforme pourrait ouvrir

Les IDEL, vent debout contre la réforme

Parmi ces soins supplémentaires, certains font bondir les infirmiers libéraux. À l’image du recueil de la glycémie par captation capillaire ou par lecture instantanée transdermique, un acte qui était jusque-là interdit aux aides-soignants . En cause : la question de la délégation de l’acte aux aides-soignants, normalement impossible. Les infirmiers rendent deux styles de soins : les soins qui relèvent de leur rôle propre, qu’ils peuvent déléguer à l’aide-soignant, et les soins techniques, qui leur sont délégués par le médecin et qu’ils ne peuvent pas déléguer aux aides-soignants, rappelle Marianne Pache, membre du SNIIL qui a également assisté aux débats du HCPP. Or la glycémie capillaire est un acte délégué par le médecin. Le texte autorise les infirmiers à déléguer cet acte aux aides-soignants alors que cela ne devrait pas être possible. Autre pierre d’achoppement, l’impossibilité pour les aides-soignants d’interpréter les résultats du contrôle glycémique dans le cadre d’une prise en charge globale du patient. Que vont faire les aides-soignants des chiffres obtenus ? Ils vont appeler leur infirmière coordinatrice, et après ?, s’interroge ainsi l’infirmière. Même si la démarche n’est pas encore généralisée, de nouvelles techniques permettront aux aides-soignants de réaliser le contrôle glycémique sans effraction cutanée, balaie toutefois Arlette Schuhler.

De manière générale, l’ajout de ces actes techniques ne satisfait guère les infirmiers libéraux, qui craignent une prise en charge dégradée des patients à domicile. Nous ne sommes pas forcément contre l’évolution du métier d’aide-soignant. Ce qui nous préoccupe, ce sont les vannes que cette réforme pourrait ouvrir, à savoir un exercice libéral des aides-soignants qui ne serait pas encadré, relève Catherine Kirnidis, présidente du SNIIL. Lorsque les aides-soignants sont dans un centre hospitalier et encadrés par des infirmiers, je peux comprendre qu’ils puissent se charger de ces actes. Le problème, c’est qu’en libéral, ils interviennent sous la responsabilité d’une infirmière coordinatrice, qui n’est pas présente et ne peut donc pas faire une analyse complète du patient, confirme Marianne Pache. Mais dans les faits, les aides-soignants sont déjà souvent amenés à réaliser ces soins techniques et sont formés à réagir en cas d’urgence, comme le rappelle Arlette Schuhler, qui convient néanmoins qu’il aurait fallu identifier clairement les relais à mettre en place entre infirmiers libéraux et aides-soignants.

Les aides-soignants sont tout à fait capables de prendre certaines décisions en toute autonomie

 

Parallèlement est paru un arrêté relatif à la formation conduisant au diplôme d'Etat d'auxiliaire de puériculture, qui précise les modalités suivantes :

  • La formation se déroule sur 44 semaines, également réparties entre théorie et pratique, pour une durée totale de 1 540 heures
  • La formation pratique se compose de 4 stages, dont 3 d’une durée de cinq semaines et un de 7 semaines, réalisée en fin de cursus
  • L’obtention du diplôme repose sur la validation de 5 blocs de compétences : accompagnement et soins de l’enfant dans les activités de la vie quotidienne et sociale, évaluation de l’état clinique et mise en œuvre de soins adaptés, information et accompagnement des personnes et de leur entourage, entretien de l’environnement immédiat de la personne, travail en équipe pluriprofessionnelle
  • La formation peut être suivie de manière continue ou discontinue sur une période maximale de deux ans

Une satisfaction en demi-teinte

La réingénierie s’accompagne enfin d’une revalorisation du métier d’aide-soignant. Les professionnels en début de carrière toucheront ainsi environ 1 500 euros, précise Arlette Schuhler, dont le salaire atteignait 1 500 euros après 30 ans de carrière et qui juge cette augmentation conséquente. Reste que le texte, s’il propose de réelles avancées pour le métier d’aide-soignant, déçoit tout de même la profession sur certains points. Impossible pour ces professionnels de santé d’exercer en libéral. Ce n’est effectivement pas pour demain, confirme-t-elle. Autre déception, le maintien d’un rôle de subordination aux infirmiers : Nous sommes quand même un peu déçus. Ces nouveaux référentiels constituent un pas en avant, mais on aurait souhaité qu’on nous accorde davantage d’autonomie. Là, nous demeurons sous la responsabilité de l’infirmier. Alors que les aides-soignants sont tout à fait capables de prendre certaines décisions en toute autonomie. Par exemple, s’il est prévu de donner la douche à un patient et que celui-ci est fiévreux, ils sont aptes à décider eux-mêmes du report de ce soin sans avoir besoin d’en référer à l’infirmier. Et d’insister sur le fait que les aides-soignants se plient d’ores et déjà à un certain nombre de règles strictes, dans le cadre du suivi des patients en collaboration avec les infirmiers : Nous sommes formés à réagir en cas d’urgence, et tout est retranscrit dans le dossier du patient. Les résultats sont systématiquement transmis aux infirmiers. Tous ces protocoles sont déjà acquis par les aides-soignants. Notre profession doit évoluer, au même titre que la profession d’infirmier libéral, conclut-elle.


Source : infirmiers.com