Malgré le tollé qu’il provoque chez les infirmiers – plusieurs organisations représentantes de la profession ont annoncé avoir déposé un recours auprès du Conseil d’État pour demander son retrait – le parcours spécifique de formation destiné aux aides-soignants (AS) se précise. Une instruction transmise aux Agences régionales de santé (ARS) qui en définit le cadre a en effet été publiée dans le Bulletin officiel "Santé-protection sociale-solidarité" du mardi 15 août. Annoncé le 3 juillet 2023 par arrêté, ce parcours a pour objectif, dans un contexte de pénurie de personnel infirmier, de « mettre en place une formation accélérée destinée à des aides-soignants expérimentés et de leur permettre de bénéficier d’une dispense totale et automatique de la 1ère année de formation en soins infirmiers », rappelle le texte.
Tous les aides-soignants ne pourront pas s’engager dans ce dispositif. Ils devront ainsi avoir exercé les fonctions d’AS à temps plein depuis au moins 3 ans et sur les 5 dernières années, et être en possession d’une attestation de formation aux gestes et soins d’urgence de niveau 2. « L’employeur et l’IFSI doivent identifier les aides-soignants qui ont le potentiel pour effectuer cette formation accélérée et densifiée parmi ceux qui remplissent les conditions d’ancienneté », poursuit l’instruction, qui insiste également sur l’importance pour les professionnels d’être informés « des exigences de ce parcours », en particulier en termes de travail personnel.
Conditions d’apprentissage et de validation
La formation via ce parcours spécifique se déroule sur 3 mois, soit 12 semaines ou 420 heures, qui peuvent s’effectuer en présentiel et à distance, la proportion de l’enseignement en distanciel ne pouvant toutefois pas « dépasser 10% de la durée totale de la formation ». Elle se répartit en 5 séquences, dont un stage de 5 semaines, ou 175 heures, et doit mobiliser un maximum de situations de soins possible, dont certaines impliquant une collaboration entre AS et infirmiers. Il s’agit également de privilégier « les mises en situation y compris en utilisant les méthodes d’apprentissage en simulation » et de permettre aux professionnels de s’auto-évaluer. Il est également question d’acquérir des compétences transversales, indispensables au grade licence : « aptitude à l'analyse et à la synthèse, à l'expression écrite et orale, au travail individuel et collectif, au repérage et à l'exploitation des ressources documentaires, ainsi que des compétences numériques et de traitement de l'information et des données et de linguistiques (anglais). » Enfin, chaque AS engagé dans ce dispositif doit pouvoir s’appuyer sur un « accompagnement personnalisé par un formateur de l’IFSI et par un tuteur IDE exerçant dans l’établissement employeur partenaire ».
Côté validation, les AS auront à justifier l’acquisition des compétences 3 et 6 du diplôme infirmier (accompagner une personne dans la réalisation de ses soins, et communiquer et conduire une relation dans un contexte de soins). Il n’est pas question d’examen : « aide-soignant, formateur référent de l’IFSI assurant le parcours et infirmier tuteur » renseigneront un « livret de positionnement » attestant de l’acquisition des compétences. Les AS qui n’auront pas validé la formation recevront « une attestation de participation », qui ne donnera toutefois lieu à « aucune dispense d’enseignement dans la formation en soins infirmiers par la suite et aucune possibilité de réaliser des actes de soins relevant du rôle sur prescription de l’infirmier », prévient l’instruction. Ils pourront alors s’inscrire en première année de formation en IFSI.
Quelles modalités de financement ?
Celle-ci définit également les modalités de financement de la formation : « Les aides-soignants qui s’engagent dans le parcours spécifique sont des stagiaires de la formation professionnelle continue. Ils sont pris en charge financièrement, à ce titre, par les établissements employeurs et/ou les opérateurs de compétence (OPCO) des branches professionnelles sanitaires et sociales ou l’Agence nationale de la performance sanitaire et médico-sociale (ANFH). » Les tarifs sont établis par les Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI), qui sont invités à garder à l’esprit que l’objectif de ce parcours spécifique est de favoriser la formation d’un plus grand nombre de professionnels. Quant aux IFSI eux-mêmes, ils bénéficieront en 2024 d’un financement dédié afin de renforcer leurs équipes pédagogiques et assurer l’accompagnement des aides-soignants sélectionnés. À noter, indique le texte, que les modalités de ce financement seront « déterminées ultérieurement ». Un flou qui ne tranquillisera probablement pas les organisations représentantes des infirmiers. Elles pointent l’existence d’un manque criant de moyens qui empêchent déjà les IFSI d’assurer un suivi personnalisé des étudiants infirmiers.
Un déploiement restreint pour commencer
Ce parcours spécifique se déclinera pour commencer dans 4 régions : Centre Val-de-Loire, Ile-de-France, Normandie et Pays de la Loire, pour une rentrée organisée en février 2024, poursuit l’instruction. Les autres IFSI, aussi bien privés que publics, pourront s’engager dans le dispositif dans le courant de cette même année, pour la rentrée suivante, en septembre. Le texte souligne toutefois un point de vigilance. Les instituts déjà engagés dans d’autres expérimentations, telles que la double diplomation universitaire, devront veiller « à la soutenabilité pédagogique de l’intégralité du cursus ». Enfin, est prévu un suivi annuel de cohorte « pour chaque parcours complet de 27 mois par les IFSI et transmis aux ARS », ajoute-t-elle. Ces dernières auront, quant à elles, à remonter les informations à la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) en février et en décembre de chaque année. « Il est essentiel de communiquer largement sur l’organisation retenue dans les territoires (IFSI concernés, regroupements, nombre de places offertes) afin que chaque acteur puisse se mobiliser pour la réussite de ce dispositif, véritable opportunité de valoriser l’expérience professionnelle des aides-soignants et leur offrir des possibilités d’évolution professionnelle plus rapides », conclut le texte.
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