Délais pour obtenir une consultation chez un pédiatre qui s’allongent, santé mentale des jeunes qui se dégradent, mortalité périnatale qui demeure élevée comme le pointait récemment la Cour des comptes… Face à une situation particulièrement tendue en pédiatrie, le gouvernement annonçait en 2022 la tenue d’Assises, après un hiver particulièrement difficile, marqué par une triple épidémie (grippe, Covid-19, bronchiolite) qui avait mis les services hospitaliers à genoux. Organisées le 24 mai dernier, ces Assises, s’appuyant sur 23 tables rondes, 121 auditions et 2000 contributions écrites, ont donné lieu à une feuille de route 2024-2030. Celle-ci se veut « ambitieuse » et doit impulser la transformation, jugée nécessaire, du secteur, y plaide notamment Catherine Vautrin, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités. Se déclinant en quatre axes (prévention, prise en charge sanitaire, santé mentale, recherche), elle privilégie une approche « transversale et interministérielle », qui mobilise aussi bien les ministères de la Santé que ceux de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur ou encore de l’’Enfance, de la Jeunesse et des Familles.
Prévention et accès aux soins pour les plus fragiles
La prévention, « puissant outil de lutte contre toutes les formes d’inégalités des chances en santé », doit devenir « la grande ambition du système de santé pour les prochaines années. » Aussi la feuille de route entend-elle en faire un axe prioritaire dans la démarche de transformation du secteur et d’amélioration de la prise en charge des enfants. Parmi les actions listées, certaines ciblent les parents (sensibilisation aux risques auxquels sont exposés les nourrissons, renforcement de la diffusion des messages de prévention via Mon Espace Santé) mais aussi les enfants eux-mêmes. « L’éducation aux comportements favorables à la santé, doit être assurée dès le plus jeune âge pour permettre l’adoption des bonnes habitudes et ainsi prévenir des problèmes de santé futurs », explique la feuille de route. L’objectif étant de faire de l’enfant un « acteur de sa santé » avec, entre autres, la sensibilisation à une bonne alimentation ou encore développement de ses compétences psychosociales à travers des « cours d’empathie », prévus pour la rentrée de septembre 2024. Enfin, plusieurs actions doivent renforcer le dépistage des maladies ou des troubles du neuro-développement (TND) : augmentation du nombre de maladies dépistées, systématisation de la réalisation des 20 examens obligatoires, qui devront également intégrer la grille de repérage des TND, ou encore amplifier la stratégie des 1 000 premiers jours, censée « favoriser les conditions d’un environnement propice pour un développement physique, psychique, social et affectif » pendant cette période.
-Les urgences pédiatriques représentent 27% des passages aux urgences, soit plus de 5,5 millions de passages annuels en 2020.
- Les délais d’attente pour avoir accès à une offre pédiatrique et en pédopsychiatrique vont de 6 à 18 mois.
- Selon la DREES, 6,6% des enfants nés vivants naissent prématurés en France métropolitaine, 10% en Outre-mer.
- Le registre des maladies rares recense 350 000 enfants.
- Le suicide est la deuxième cause de mortalité après les accidents de la route chez les 10-25 ans.
L’autre priorité consiste à favoriser l’accès aux soins pour les populations les plus vulnérables et celles qui cumulent les facteurs d’inégalité : enfants atteints de handicap qui renoncent encore trop souvent aux soins primaires, ou enfants vivant en Outre-mer, encore défavorisés par rapport à ceux de la métropole. Dans cette optique, la feuille de route propose de développer « l’aller-vers », grâce au développement de nouvelles actions en PMI, notamment. Un volet pour mieux prendre en charge et accompagner les enfants victimes de violences a aussi été défini. Il intègre la poursuite du déploiement des Unités d’Accueil Pédiatrique Enfants en Danger (UAPED) et le renforcement de l’appui à la pédopsychiatrie dans les structures accueillant des enfants dépendants de l’Aide sociale à l’enfance (ASE).
Pour les IPDE, l'intégration de la pratique avancée dans leur exercice
C’est toutefois l’intégration de la pratique avancée au sein de l’exercice des infirmiers puériculteurs qui constitue la mesure phare de cette feuille de route. Annoncée en amont des Assises par le ministère de la Santé, cette évolution était particulièrement attendue par ces professionnels. Celle-ci est prévue pour la rentrée de septembre 2027, le document précisant qu’un groupe de travail « associant les représentants de la profession permettra de définir les compétences associées, en partant du socle des infirmières puéricultrices et en l’enrichissant. » Les textes cadrant l’exercice des IPDE devront être adaptés afin de garantir deux années de formation dédiées à la santé de l’enfant. Le groupe de travail sera aussi chargé de réfléchir aux conditions d’exercice de ces futurs puériculteurs dans les structures de premier recours, y compris en libéral, où la spécialité, du fait de l’absence de nomenclature dédiée, est encore presque absente. Le Collège des infirmiers puériculteurs et les différentes associations représentatives de la spécialité ont immédiatement salué cette évolution. Se déclarant prêt à entamer les travaux, il rappelle dans un communiqué la nécessité « de promouvoir et d’élargir le champ d’exercice des infirmières puéricultrices en identifiant, en collaboration avec les pédiatres et les médecins généralistes, les activités pouvant être partagées. »
Recentrer la santé scolaire sur la prévention
Dans le cadre de son approche interministérielle, la feuille de route entend par ailleurs mobiliser un autre acteur majeur dans la santé des enfants : la santé scolaire. Un des objectifs lui est ainsi entièrement dédié et recentre son action sur son rôle préventif. Il s’agit de « renforcer la formation des médecins et infirmiers de l’éducation nationale, sur les troubles du neuro-développement, en lien avec les 5 centres d’excellence répartis sur le territoire national » et de favoriser l’exercice mixte, d’abord des médecins de l’Éducation nationale, puis des infirmiers et des psychologues, en faisant mieux connaître les dispositifs de cumul d’activité existant. Le document propose aussi d’ouvrir aux étudiants en médecine qui auront passé leur thèse de passer le concours de médecin de l’Éducation nationale avant la fin de leur internat. En revanche, rien n’est dit sur l’allocation de moyens, humains ou financiers, supplémentaires. Le SNICS-FSU, par la voix de sa secrétaire générale Saphia Guereschi, dénonce d’ores et déjà une orientation qui, en renforçant la prévention au détriment du reste, pousserait les infirmiers scolaires à multiplier les dépistages en négligeant leur mission de prise en charge adaptée à chaque élève.
Renforcer les moyens aux urgences pédiatriques, en PMI, en santé mentale
Plus largement, la feuille de route doit permettre de mieux répondre aux besoins de l’enfant et d'assurer des soins de meilleure qualité, en hospitalier comme à domicile. Côté prise en charge sanitaire, elle appelle notamment à déployer des filières pédiatriques au sein des services d’accès aux soins (SAS) qui, selon les annonces de Gabriel Attal lors de son discours de politique générale, devront être mis en place dans chaque département d’ici l’été. « La présence d’infirmiers formés à la pédiatrie et d’infirmières puéricultrices au sein des SAS et le renfort de la formation des médecins régulateurs à la pédiatrie permettront en effet d’améliorer la qualité de la réponse et de l’orientation », fait ainsi valoir le document. Des filières pédiatriques devront également être développées dans le champ des soins médicaux et de réadaptation, dans une logique de parcours intégrant l’hôpital, l’établissement scolaire et les professionnels de ville, et en hospitalisation à domicile, avec comme objectif de prendre en charge 10 000 enfants de moins de 3 ans et 4 000 enfants de 4 à 17 ans à horizon 2027. Pour sécuriser la prise en charge néonatale, il faudra garantir « un taux d’équipement en réanimation néonatale cible de 1 lit pour 1000 naissances dans chaque région (+ 4 % par rapport à aujourd’hui) à l’horizon 2027 », est-il précisé. Une mesure qui fait écho aux circonstances à l’origine de ces Assises, à savoir le contexte de très forte épidémie hivernale de 2022 ayant entraîné une saturation des services de réanimation néonatale et pédiatrique.
Côté moyens humains et financiers, la feuille de route appelle à reconnaître « une filière de soins pédiatriques hautement spécialisés » et à revaloriser les tarifs de la pédiatrie, dans le cadre de la réforme du financement de l’hôpital. Et afin de la renforcer, les missions de santé publique de la PMI seront valorisées, via « une contractualisation assurance maladie-ARS-PMI renforcée en 2025 avec des crédits assurance maladie supplémentaires, une souplesse accrue au regard des réalités des territoires notamment pour mieux valoriser l’activité de puériculture. » Quant à l’amélioration de la prise en charge de la santé mentale des plus jeunes, elle s’appuiera sur le renforcement du socle des missions exercées par les Maisons des adolescents, notamment en matière de prévention, ainsi que celui de leurs crédits dédiés afin de permettre le déploiement d’équipes mobiles, en particulier dans les zones rurales et quartiers prioritaires. Il est aussi évoqué la nécessité de formaliser des filières de soins non programmés en pédopsychiatrie, en associant ville et hôpital pour construire des parcours gradués et lisibles et éviter les passages systématiques aux urgences. Seront enfin revalorisées les professions autres que les pédopsychiatres qui participent à la prise en charge psychiatrique des plus jeunes, à commencer par les infirmiers et les psychologues ; elles bénéficieront également d’un élargissement de leurs compétences et de leurs tâches.
Aucune précision n'a par ailleurs été apportée sur le financement de ces mesures.
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