ENQUÊTE

Alerte sur la santé dégradée des étudiants en puériculture

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Publié le 02/10/2024

Santé financière et charge de travail pèsent sur le bien-être des étudiants puériculteurs, révèle une récente enquête. Alors que le référentiel n’a pas évolué depuis 40 ans, des transformations s’imposent pour adapter la formation aux besoins et attentes actuelles des professionnels.

infirmière, bébé, couveuse, chambre d'hôpital

Crédit photo : BURGER/PHANIE

La situation des étudiants en puériculture est « préoccupante », s’inquiète l’Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiant(e)s (ANPDE), en conclusion d’une enquête sur leur bien-être menée au printemps 2024 (voir encadré). Le contexte dans lequel elle a été organisée n’est pas anodin. Il est non seulement marqué par les travaux sur la refonte du métier auxquels les derniers bouleversements politiques ont mis un coup d’arrêt, mais aussi par les attentes fortes de infirmières puéricultrices (IPDE) relatives à l’évolution de leur spécialité et du passage de leur formation en grade Master. C’est donc « à l’aube de [sa] réingénierie » que l’ANPDE a souhaité prendre le pouls des futurs puéricultrices, afin de mieux cibler leurs besoins. Et force est de constater qu’à l’instar de l’ensemble des étudiants infirmiers, elles attestent d’une forte dégradation de leur bien-être et de leur santé.

Des coûts de formation qui créent des inégalités et de la précarité

Il y a d’abord la santé financière, véritable nerf de la guerre en raison de son impact sur leur état mental et physique. Et les difficultés commencent tôt, directement au moment du concours, souligne l’ANPDE. Ceux-ci sont payants, et il faut y ajouter les frais de déplacements. Or, « plus on a les moyens de financer les concours, plus on peut en passer, plus on a de chances d’être sélectionné.e dans une école. C’est ainsi que commence la première inégalité des chances », observe-t-elle logiquement.

L’auto-financement des études avec l’aide d’un tiers demeure le mode le plus usité.

Vient ensuite le financement des études : si la région peut être sollicitée pour les payer, elle n’intervient que dans 32,45% des cas (contre 50% en 2017). L’auto-financement avec l’aide d’un tiers demeure en réalité le mode le plus usité, à 32,78%, et à 28,23% pour l’auto-financement effectué grâce aux ressources personnelles des étudiantes. De quoi alors favoriser « la précarité financière »dans laquelle elles se trouvent, et ce d’autant plus qu’une sur deux enchaîne la formation de puériculture directement à la suite de la formation initiale. « Le reste à charge du coût de la formation est très disparate, en lien avec la variabilité du coût initial mais aussi des financements reçus par les étudiants(es)», note-t-elle également. La Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (FNESI) relevait par ailleurs dans son baromètre du coût de la rentrée que celui des futurs IPDE avait augmenté, à l’instar de l’ensemble des formations infirmières.

60% des étudiants en puériculture rencontrent des difficultés pour accéder aux services médicaux.

Et une fois en formation, les difficultés financières se poursuivent. Si « 57% des étudiant(e)s ont accès à un restaurant universitaire, dont 15% avec le repas à 1 euro », soit des chiffres que l’ANPDE juge « encourageants », la majorité d’entre elles ont toutefois besoin du soutien financier de leur entourage pour subvenir à leurs besoins : c’est le cas de plus de 56% des répondantes. Près de 42% bénéficient des aides sociales soumises aux conditions de ressources proposées par l’État, et seules 18% d’entre elles peuvent compter sur le maintien de leur salaire, dans le cadre de la formation continue. Et 20% des étudiantes sont contraintes d’exercer une activité professionnelle (job étudiant, intérim…) en parallèle de leurs études. « Ce temps consacré à une activité professionnelle empiète sur le temps que peut s’accorder une étudiante pour sa santé, physique (sommeil, alimentation, activité physique) et mentale » et vient s’ajouter à la charge de travail induite par les études de puériculture. Car, rappelle l’ANPDE, celles-ci se composent de 35 heures hebdomadaires, cumulées avec « au moins 10 heures de travail personnel ».

Une santé physique et mentale dégradée

En résulte une santé physique et mentale dégradée. 72% des futures puéricultrices rapportent souffrir d’une quantité de sommeil insuffisante, voire très insuffisante, et « 70% ont vu leur qualité de sommeil se dégrader depuis l’entrée en formation », déplore l’ANPDE. Stress, charge de travail, horaires de stage et « journées à rallonge » pour ceux et celles qui ont des enfants ou une activité annexe, sont identifiés comme étant à l’origine de ces difficultés. Conséquence, 88% des répondantes indiquent se sentir souvent fatigués. Parallèlement, 20% d’entre elles indiquent ressentir des douleurs musculo-squelettiques alors que la majorité a dû réduire ses activités sportives (à hauteur de 65%). « La moyenne de l’état physique des étudiantes puéricultrices est de 5/10. Si cette note reste passable, 36% des étudiants(es) se situent dans la partie inférieure de l’échelle », estime-t-elle. Dans le même temps, les étudiantes puéricultrices sont confrontées à la même problématique que les ESI en termes de soins : leurs horaires ne leur permettent pas d’y avoir facilement accès. Une situation par ailleurs rendue plus complexe par la pénurie de professionnels de santé. « 60% des étudiants(es) rencontrent des difficultés pour accéder aux services médicaux », alerte l’Association.

Un étudiant sur 4 a développé un trouble de la santé mentale depuis l’entrée en formation.

Côté santé mentale, le constat n’est guère plus brillant. « Les étudiantes estiment leur équilibre vie professionnelle - vie personnelle à une moyenne de 6,4/10 », poursuit l’ANPDE. Une étudiante sur 4 a développé un trouble de la santé mentale depuis l’entrée en formation, et une sur 10 consomme des anxiolytiques. Plus grave, 6% ont déjà eu des idées suicidaires. Plus d’une étudiante sur 10 a déjà consulté un psychologue depuis la rentrée scolaire et, parmi les autres, 30% disent ressentir le besoin de le faire. Mais beaucoup hésitent en raison du coût que représentent ces consultations, et de la difficulté d’y avoir accès, entre créneaux qui ne correspondent pas à leurs horaires et délais d’attente particulièrement long. Point positif, toutefois : la formation n’a que peu d’influence sur la consommation d’alcool (signalée dans seulement chez 5% des répondants) ou de tabac (10%). « Près de 99% ne consomment pas de drogues », ajoute-t-elle.

Un manque d’encadrement identifié lors des stages

Pour autant, et ce alors qu’elle n’a pas évolué depuis 1983, la formation des futures IPDE « répond majoritairement aux attentes ». Du moins pour sa partie théorique. « La grande majorité des étudiants(es) trouve que les cours théoriques répondent à leurs attentes et leurs besoins professionnels, avec une note globale de 7,29/10 et 96% des réponses au-dessus de 5/10 », observe ainsi l’ANPDE, qui note également que 90% des étudiantes indiquent avoir bénéficié d’un suivi individuel tout au long de leur année de formation au sein de leur institut ; mais seules 31% d’entre elles jugent qu’il a été un atout dans leur quotidien.

C’est plutôt sur les terrains de stage que des améliorations sont attendues, en particulier en maternité, où le manque d’accompagnement se fait sentir. C’est ainsi le type de stage où « l’accompagnement par une puéricultrice est le plus rare, probablement en raison de leur présence de plus en plus rare en maternité ». Même constat en pédiatrie, où près d’un tiers des étudiantes déclarent ne pas avoir été encadrées par une puéricultrice. De manière générale, regrette l’ANPDE, les soignants spécifiquement formés à la prise en charge de l’enfant et de sa famille sont de moins en moins nombreux au sein des services, ce qui, outre la dégradation de la qualité et de la sécurité des soins, limite la transmission des connaissances par les pairs.

Des étudiantes face à une surcharge de travail

L’autre difficulté, c’est la densité de la formation : elle est jugée trop importante par 94% des étudiantes, rapporte l’enquête. « Très peu d’entre elles accordent moins de 5 heures par semaine à leur travail personnel, 66% y consacrant plus de 10 heures », constate l’ANPDE, qui souligne également que ce temps de travail personnel n’est pas compris dans le temps de formation et s’ajoute donc aux 35 heures de stage. « Les obstacles rencontrés sont majoritairement associés à la charge de travail personnel, ayant des répercussions sur la santé physique et mentale, et elle-même liée à l’organisation de la formation », en conclut-elle, avec un contenu devenu obsolète. Alors que la refonte du métier socle est en cours, les conclusions des Assises de la pédiatrie qui se sont déroulées à la fin du mois de mai semblaient avoir pris en compte les attentes de ces professionnels : masterisation et passage d’une durée d’un à deux ans de la formation, ce qui permettrait de mieux en répartir le contenu et lisser la charge de travail, et intégration de la pratique avancée dans le cursus, notamment. Une évolution qui est désormais attendue du nouveau gouvernement.

L’enquête
Menée par la commission étudiante de l’ANDPE entre le 12 avril et le 12 juin 2024, l’enquête reposait sur un questionnaire de 79 questions, diffusé dans toutes les écoles formant les infirmiers(ères)  puériculteurs(trices) de France (métropole et Outre-mer).
- 379 personnes y ont répondu, soit un taux de participation estimé à 36,5%.
- La majorité des répondants (99%) sont des femmes.
- 66% des étudiants ont entre 20 et 25 ans, 16% entre 26 et 30 ans, 14% entre 31 et 40 ans, et 3% plus de 41 ans.
- 18% sont déjà parents.

Source : infirmiers.com