Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

Accédez aux modules de formation MEDIFormation
IDEL

Antiseptiques et résistances bactériennes : y a-t-il péril en la demeure ?

Publié le 10/07/2017
Familles d

Familles d

flacon antiseptique

flacon antiseptique

Nous sommes tous aujourd'hui sensibilisés au problème posé par les résistances bactériennes aux antibiotiques. Mais qu'en est-il pour les antiseptiques ? Leur efficacité est-elle également menacée ?

Les mécanismes de résistances connus

On connait trois grands types de résistances aux biocides (dont les antiseptiques)1.

Les résistances naturelles (innées)

Aucun gène de résistance (chromosomique, plasmidique) n'a été décrit pour les antiseptiques iodés.

Liées au mécanisme d'action de l'antiseptique et à la nature de la bactérie, et en particulier de la structure de la membrane cytoplasmique2, la résistance innée est fonction du degré de protection de cette membrane face au produit biocide. Globalement, les bactéries grams + sont moins résistantes que les gram -, et les mycobactéries sont les plus résistantes1, exception faite des spores bactériennes. En effet, certaines bactéries, par exemple le Clostridium, sont capables de sporuler : une spore est une forme « végétative » très résistante à l'environnement et aux biocides1.

Ce type de résistance est une caractéristique constante de chaque espèce bactérienne : elle est donc stable dans le temps, et prévisible. C'est sur cette base qu'il est possible de déterminer le spectre théorique d'activité des antiseptiques : seuls les dérivés halogénés (chlorés ou iodés) ont un spectre d’activité couvrant tous les micro-organismes2.

Les résistances acquises1

Non prévisibles, elles sont dues à des modifications génétiques. Elles entraînent surtout des modifications au niveau de la membrane cytoplasmique, permettant aux bactéries de diminuer la concentration intra-cytoplasmique de l'antiseptique. Exemple, les pompes à efflux : la membrane de la bactérie élimine l'antiseptique au fur et à mesure, l'empêchant de détruire les organites intracellulaires. Ces modifications, stratégies d'adaptation à l’environnement, sont le plus souvent induites par des expositions répétées à de faibles concentrations (sub-létales) d'antiseptiques. Elles sont transmissibles à la descendance (résistances acquises chromosomiques) pour former des colonies de germes résistants. Certaines résistances acquises, dites extra-chromosomiques, correspondent à l'acquisition d’un matériel étranger porté par des éléments génétiques mobiles (ex plasmides), qui peuvent se transmettre entre différentes populations bactériennes.

Les biofilms1

Les bactéries ont la capacité de s'organiser entre elles pour se protéger. Elles sécrètent une matrice adhésive et protectrice qui les maintient collées entre elles : le biofilm. Les biocides peuvent alors difficilement les atteindre.

Dans la pratique, ces résistances sont-elles fréquentes ?

En laboratoire, ont été identifiés des gènes de résistance à certains antiseptiques : biguanides, ammonium quaternaire, triclosan3... Ces gènes apportent des modifications des membranes externes des bactéries, leur permettant d'empêcher le passage membranaire de l'antiseptique ou de l'éliminer (pompes à efflux)1.

Dans la pratique, des souches de Proteus mirabilis résistantes à des biguanides ont été identifiées dans un contexte clinique dès 19744 ; depuis les signalements de résistances en environnement hospitalier se multiplient, par exemple :

  • après utilisation répétée de biguanides pour la toilette en réanimation : une baisse de sensibilité était associée à l'utilisation de lingettes antiseptiques pour la toilette5  
  • dans la décolonisation nasale de Staphylocoques aureus : des gènes de résistance associés à des échecs de décolonisation ont été retrouvés6.

Des résistances croisées entre antiseptiques et antibiotiques sont mises en évidence en laboratoire : par exemple, une récente étude a montré que l'adaptation d'isolats cliniques de Klebsiella pneumoniae à l'exposition à un biguanide peut conduire à une résistance stable à cet antiseptique, mais aussi à une résistance croisée à un antibiotique (colistine)7.

Cas particulier des halogénés (iodés et chlorés)

Aucun gène de résistance (chromosomique, plasmidique) n'a été décrit pour les antiseptiques iodés3. L'explication est que l'iode (comme le chlore) est un élément naturel : contrairement à d'autres antiseptiques (exemple : biguanides, ammoniums quaternaires), ce n'est pas une molécule de taille conséquente mais un simple atome. Or, les membranes cellulaires ne sont pas imperméables : elles possèdent des porines (petits canaux) qui lui permettent les échanges d'ions. L'iode suit le flux ionique et pénètre donc rapidement via les porines de la membrane cellulaire bactérienne1,3.

Comment réagir ?

Les antiseptiques sont des acteurs majeurs de la lutte contre les infections, et leur efficacité mérite d'être préservée. C'est pourquoi il convient de respecter quelques règles simples d'utilisation :

  • Eliminer les composés organiques (sang, pus, sérosités...) en réalisant un nettoyage/détersion avant l'utilisation d'un biocide ou d'un antiseptique3 ;
  • Utiliser des produits aux concentrations préconisées (pas de dilution en l’absence d’indication) et en respectant le temps de contact3 ;
  • Et utiliser des antiseptiques à large spectre3.

Références

  1. Mcdonnell G. , Russell D. Antiseptics and Disinfectants: Activity, Action, and Resistance. Clinical Microbiology  Reviews, Jan. 1999, p. 147–179.
  2. Le bon usage des antiseptiques pour la prevention du risque infectieux chez l’adulte. Edition 2013 CCLIN Sud-Ouest http://cclin-sudouest.com
  3. Lachapelle J.-M., Castel O., Casado A.F., Leroy B., Micali G., Tennstedt D., Lambert J. Antiseptics in the era of bacterial resistance: a focus on povidone iodine. Clinical Practice (2013) Vol. 10, no. 5, p. 579-592.
  4. Stickler D.J. Chlorhexidine resistance in Proteus Mirabilis. J. clin. Path., 1974, 27, 284-287.
  5. Suwantarat N., & al. High prevalence of reduced chlorhexidine susceptibility in organisms causing central line-associated bloodstream infections. Infect Control Hosp Epidemiol 2014;35(9):1183-6.
  6. Lee A.S., & al. Impact of combined low-level mupirocin and genotypic chlorhexidine resistance on persistent methicillin-resistant Staphylococcus aureus carriage after decolonization therapy: a case–control study. Clin Infect Dis 2011;52:1422-30.
  7. Wand M. E., Bock L. J., Bonney L. C., Sutton J. M. Mechanisms of increased resistance to chlorhexidine and cross-resistance to colistin following exposure of Klebsiella pneumoniae clinical isolates to chlorhexidine. Antimicrob Agents Chemother (in press). AAC.01162-16; Accepted manuscript posted online 31 October 2016. http://aac.asm.org

Source : infirmiers.com