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ENQUÊTE

77% des étudiants en soins infirmiers ont envisagé d’abandonner leurs études

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Publié le 15/11/2024

La plateforme d'apprentissage Réussis ton IFSI et l’association SPS publient une enquête nationale sur la santé des étudiants en soins infirmiers et des propositions « d’application immédiates » pour améliorer leur situation.

Etudiants en IFSI

Crédit photo : Pixabay

Inexorablement, depuis plus de 10 ans, l'état de santé des étudiants infirmiers se dégrade, rappelle Clément Thuillier, infirmier et fondateur de «Réussis ton IFSI», qui égrène les symptômes chez les ESI : manque de sommeil et stress à un niveau élevé depuis 2009 devenu stress permanent  pour 78% des ESI selon une nouvelle étude de la Fédération Nationale des Étudiant·e·s en Sciences Infirmières (FNESI) et, plus inquiétant encore : 7,4% des étudiants en soins infirmiers évoquaient même des pensées suicidaires la même année. Malgré les efforts engagés et les initiatives adoptées pour contrer cette tendance (recommandations de la HAS pour prévenir le burn-out, développement d'espaces et de soutien psychologique), le taux d’abandon en première année a triplé entre 2011 et 2021 et les données de 2022 de l'enquête de la FNESI dresse le tableau d'une santé mentale encore plus fragile chez les étudiants : 61% d'entre eux estiment qu'elle s'est dégradée et 16% envisagent le suicide.

Voici pour le contexte de cette nouvelle étude chiffrée réalisée conjointement par « Réussis ton IFSI », plateforme d’apprentissage en ligne et dédiée aux étudiants en soins infirmiers, et l’association SPS qui offre un accompagnement psychologique à tous les soignants, étudiants et professionnels ainsi que des actions de prévention.

Seuls 9% des ESI déclarent ne rencontrer aucune difficulté 

D’après les résultats de l’enquête, «une part importante d’ESI fait face à des défis considérables durant le cursus (épuisement professionnel, insatisfaction, mal-être…)», ce malgré des motivations affichées (aider les autres, intérêt pour les sciences…). Le questionnaire révèle surtout des conditions de formation difficiles (rythme intense, stages exigeants…), sources de tensions.

Interrogés, d'abord, sur leurs motivations à faire ce métier, 81% des répondants sont dans le « désir d’aider les autres », un peu plus de 58% expriment un intérêt pour les sciences de la santé et près de 38% avancent une expérience personnelle du système de santé. Malgré les défis, 75% des répondants se déclarent satisfaits ou très satisfaits de leur choix de formation, contre 10% d'ESI qui expriment au contraire leur insatisfaction. 

3 étudiants sur 4 ont pensé abandonner la formation en 2024

Un chiffre frappant :  77% des étudiants ont envisagé d’abandonner la formation en 2024 contre 59% en 2022. Première année trop dense, anxiété liée aux stages, épuisement, manque de soutien… Les raisons avancées sont nombreuses. «Il faut également noter que les étudiants de 3e année sont davantage tentés par l'abandon de leurs étude avec une hausse de +14% par rapport aux étudiants de première année. Un chiffre qui souligne que les tensions et les désillusions ne diminuent pas avec le temps, au contraire», note encore Clément Thuillier qui cite quelques témoignages d'étudiants : «la première année est trop dense, c'est presque insupportable», dit l'un, un autre relève «le manque de cohésion, des cours de plus en plus distanciels pour une formation qui se veut humaine» ; un autre encore «l'impossibilité de gérer les cours et les stages à la fois».   

63% des étudiants signalent des difficultés liées aux stages ou aux relations avec le personnel encadrant

Les difficultés rencontrées durant la formation constituent malgré tout un enjeu majeur alors que 63% des répondants ont signalé des difficultés professionnelles, principalement liées aux stages ou aux relations avec le personnel encadrant. Seuls 9% des répondants déclarent ne rencontrer aucune difficulté. Dans le détail, les ESI rencontrent des difficultés institutionnelles (57%) telles que la gestion des cours ou des examens et 33% ont mentionné des difficultés personnelles, problèmes de santé, familiaux ou financiers. «On se rend compte que les étudiants sont donc avant tout motivés par des motivations intrinsèques», souligne Clément Thuillier, avec «un fort attachement à la profession». 

tableau chiffré

On nous dit qu’il faut prendre soin de notre santé mais on a toujours peur, en tant qu’étudiant, d’être déclaré inapte si l’on évoque une fragilité. 

Santé physique et habitudes de vie 

Sur le plan de la santé elle même, pour 21% des répondants interrogés sur leur état de santé, celle-ci est mauvaise ou très mauvaise. Un chiffre sans doute en-deçà de la réalité. «On nous dit qu’il faut prendre soin de notre santé mais on a toujours peur, en tant qu’étudiant, d’être déclaré inapte si l’on évoque une fragilité», relève en l'occurrence une étudiante en soins infirmiers. Un quart des répondants déclare souffrir d'une pathologie dite chronique. Un quart des étudiants consomme des médicaments au quotidien. 12% des étudiants se déclarent en situation de handicap et parmi eux, 82% envisagent d'abandonner leurs études. La majorité (62%) des étudiants concernés par le handicap ou une maladie chronique estime aussi que les aménagements mis en place ne sont pas suffisants. Quant au sommeil : 48% des étudiants dorment entre 5h et 6h par nuit et 10% des étudiants disent dormir moins de 5h par nuit, bien en dessous des recommandations. La qualité de leur alimentation est aussi jugée moyenne par 44% des étudiants et 22% des étudiants déclarent ne pas être rassasiés (en raison de contraintes financières ou des horaires de formation et de stage). Plus généralement, 49% des répondants estiment ne pas avoir eu accès à des ressources financières suffisantes pour leurs besoins essentiels, exprimant par là une forme de précarité, maintes fois soulignée par la FNESI.

Parmi les autres chiffres saillants de l'enquête : 47% des étudiants ne pratiquent aucune activité physique régulière, notamment par manque de temps. La consommation de tabac est, elle, en diminution : elle est passée de 29% de fumeurs quotidiens en 2008-2009 à 17% aujourd'hui.   

27% des ESI évoquent des idées suicidaires 

Environ 70% des répondants considèrent avoir une piètre santé mentale, nous apprend l'enquête. Un premier chiffre alarmant : 27% des répondants évoquent des pensées suicidaires au cours de l’année, avec la même proportion d’hommes que de femmes, un chiffre en forte hausse si on le compare à un sondage de la FNESI réalisé en 2017 puisqu'il était de 7,4% cette année-là. Parmi les étudiants qui ont eu des pensées suicidaires, 76% rapportent des difficultés professionnelles, 60% mentionnent des difficultés institutionnelles et 49% des difficultés personnelles. L'enquête met également en évidence que 81% des étudiants qui ont eu des pensées suicidaires rapportent avoir subi des violences (verbale, psychique, physique, sexiste ou sexuelle) durant leurs études ou leurs stages.

Les violences, un problème crucial

Les violences sont d'ailleurs un sujet crucial alors que plus de la moitié des répondants disent en avoir subi durant leurs études, et que parmi les étudiants ayant déclaré avoir subi des violences, 85% ont envisagé de quitter la formation. «Il est possible que les violences soient ainsi devenues un phénomène systémique au sein de la formation et qu'elles touchent sans distinction les hommes et les femmes», note l'enquête qui souligne aussi «la tendance à banaliser certains actes de violence, ce qui rend la reconnaissance explicite de ces agressions plus difficile». Les stages sont souvent cités comme lieu de ces violences : «Mon stage a été un enfer, mon tuteur m'humiliait devant les patients», confie ainsi un étudiant. «Les violences psychologiques sont fréquentes, et il n'y a pas de soutien pour y faire face», se désole un autre. 

chiffres tableau

Stress et anxiété liés aux stages

Sur la question du stress, l'enquête montre encore que la majorité des étudiants en soins infirmiers ressentent une pression excessive ou de l'anxiété liée aux stages, avec une fréquence variable allant de «parfois» à «tout le temps». 

tableau

61% des étudiants ne savent pas où trouver une aide psychologique

53% des ESI se sentent isolés et chiffre particulièrement étonnant : 61% des étudiants disent ne pas savoir où trouver une aide psychologique. Les étudiant(e)s s'appuient principalement sur leur famille (85 %) et leurs amis(e) (76%) pour obtenir du soutien. Seuls 0,7 % des étudiant(e)s ont recours aux services de soutien de l'établissement. 

Enfin, sur le total, 65 % des étudiant(e)s qui ont répondu rapportent avoir des difficultés financières. On note aussi que 49 % des étudiant(e)s jugent leurs ressources insuffisantes et on apprend qu'environ 72 % des ESI exercent une activité professionnelle parallèlement à leurs études, pourtant très denses, contre 58 % dans l'enquête de la FNESI en 2022 et 40 % pour l'ensemble des étudiant(e)s en 2020.

Aides financières et soutien psychologique

Face à ces constats, que faire ? L'enquête ouvre sur un volet « actions » : mentorat et soutien par les pairs, ateliers anti-épuisement, gestion du stress… elle propose également des conseils sur la santé physique et les habitudes de vie. 

«La santé des étudiants n’est pas meilleure, elle est même pire que celle des professionnels de santé», souligne Catherine Cornibert, présidente de SPS. «Notre combat c’est d’avoir ouvert une plateforme téléphonique, le 0 805 23 23 36, avec un cahier des charges extrêmement rigoureux : gratuité, anonymat, confidentialité, réponse 24h/24 par des psychologues, des gens formés, qui proposent une approche médicalisée», rappelle-t-elle, notant «l'urgence à agir sur l’isolement, sur les violences, sur la santé, la précarité».

Pour aider les professionnels, l'association SPS organise régulièrement des webinaires sur ces thématiques : « Choisir et adapter son activité physique », « Comment trouver un meilleur équilibre de vie ? », « Gestion du stress »Des ateliers d’une heure qui permettent aux étudiants d’avoir un accès gratuit à ces contenus.

Libérer la parole et rompre l'isolement

L'association propose enfin un groupe de parole pour les étudiants en santé, afin de rompre l'isolement physique et/ou psychique. «Questionnés sur le type de soutien psychologique qu’ils/elles préfèrent, la majorité des ESI privilégient les modes d’accompagnement personnalisés et directs (consultations avec un psychologue ou un conseiller, ateliers sur la santé mentale et l’équilibre émotionnel, entraide entre pairs) qui aussi contribuent à briser l’isolement», conclut l'enquête.

Par ailleurs, «l’instauration rapide d’interventions adéquates s’impose afin d’améliorer l’accès aux aides financières et offrir un soutien psychologique accru», souligne l'enquête qui énumère plusieurs mesures : «La mise en place de forums de discussion et de groupes de soutien en ligne, d’événements et d’ateliers de cohésion pour renforcer le soutien social et lutter contre l'isolement, la mise à disposition d’informations sur les aides financières, de conseils pour la gestion du budget, de partenariats avec des acteurs locaux, de forum de partage de bons plans pour atténuer les difficultés financières, le développement d’un système de mentorat en ligne, d’ateliers de développement personnel pour favoriser le soutien social et la solidarité entre étudiant(e)s».

Lien utiles : 

Pour en savoir plus, retrouvez tout le détail de l'étude en ligne

Retrouvez une page dédiée à la santé des étudiant(e)s pour obtenir ressources, outils et conseils
 

L'enquête :

  • L’enquête s’est déroulée du 18 mai au 16 juin 2024. 
  • Elle a recueilli les réponses de 6 202 étudiants, dont 87% de femmes et une majorité de répondants âgés de 18 à 24 ans, 
  • Elle comportait un questionnaire de 51 questions sur la santé physique, psychique, la motivation, la satisfaction...

Source : infirmiers.com