Profils des étudiants en soins infirmiers franciliens, insertion professionnelle, densité des paramédicaux en Île-de-France, l’observatoire régional de santé a publié en décembre 2018 une étude sur le parcours des infirmiers afin notamment de mieux connaître les flux de mobilité avec les autres régions. Si beaucoup de jeunes viennent étudier dans la capitale, la densité d’infirmiers en Île-de-France reste en dessous de la moyenne nationale, en particulier en ce qui concerne le secteur libéral.
Avec environ 5700 étudiants en soins infirmiers en première année en 2015, l’Île-de-France se distingue par un fort afflux de nouveaux inscrits provenant d’autre régions, voire de l’étranger. De même, si les jeunes diplômés formés en Île-de-France ont une insertion professionnelle rapide, la densité d’infirmiers sur ce territoire, et surtout dans le secteur libéral, reste l’une des plus faibles du pays. C’est ce que révèle une étude réalisée par l’observatoire régional de santé. Celle-ci retrace le parcours des infirmiers de la région parisienne depuis leur arrivée en IFSI jusqu’au déroulement de leur carrière professionnelle. Les données établies s’appuient principalement sur les chiffres de la DREES, de l’Insee, d’enquêtes du CEREQ (Centre d'études et de recherches sur les qualifications) ou de la FNESI.
60% des étudiants bénéficient d’une aide financière
Les chômeurs de plus en plus représentés parmi les nouveaux ESI
En 2016, plus de 20% des nouveaux inscrits ne vivaient pas en Île-de-France un an avant leur entrée en formation. Pour comparaison, l’Île-de-France se caractérise par un afflux important d’étudiants venant de province
alors que peu de futurs infirmiers originaires de Paris et alentours partent étudier dans d’autres régions (4%). Autre caractéristique : près de la moitié des ESI ont un père ouvrier ou employé contre 28% au niveau national. Un profil relativement stable sur la période 2011-2015.
Sans surprise, la principale voie d’accès reste la formation initiale. La proportion de salariés et agents de la fonction publique est en nette baisse. Le nombre d’étudiants qui était auparavant en emploi dans le secteur sanitaire, social ou médico-social a diminué de 12% en 5 ans et celui de ceux en emploi dans d’autres secteurs a baissé de 25%. En revanche, les chômeurs sont de plus en plus représentés à l’entrée en IFSI. Plusieurs choses peuvent expliquer cette évolution, d’abord une chute des besoins et des financements des employeurs ainsi qu’une plus grande difficulté des aides-soignants à obtenir le diplôme d’infirmier sans qu’on en connaisse les causes
. De même, le statut de demandeurs d’emploi serait recherché par les salariés pour accéder au financement régional pour la formation.
En effet, en région parisienne comme ailleurs en France, 60% des étudiants bénéficient d’une prise en charge financière. Les aides les plus fréquentes étant les aides régionales (27% en 2015) suivies par les indemnités versées aux demandeurs d’emploi (15%). Les autres types de prises en charge sont en forte baisse. Par exemple, les bourses émanant des conseils départementaux ou d’autres organismes ont diminué de 41% entre 2011 et 2015 dans un contexte de restriction des dépenses publiques.
Seulement 22% des nouveaux ESI avaient suivi une formation préparatoire pour la rentrée en IFSI, une proportion en hausse mais qui demeure très inférieure à la moyenne nationale (32%).
En 2016, il y aurait eu 4 candidats pour une place disponible en IFSI en Île-de-France
On dénombre 5947 places autorisées à l’entrée en formation en 2017, ce qui représente 91% des quotas (et un différentiel d’environ 600 places). Effectivement, en région parisienne le nombre de places est davantage contraint par les capacités réelles d’accueil des instituts de formation. On remarque que l’attractivité des IFSI en Île-de-France est dans la moyenne nationale. Selon l’ARS, le nombre de candidats aurait augmenté pour passer de 3,4 candidats par place en 2015 à environ 4 candidats par place en 2016 avec toutefois de grandes disparités en fonction des établissements et de leur localisation géographique. Mais, malgré cet intérêt, les taux de remplissage n’atteignent pas toujours 100% même s’ils demeurent élevés (88% pour les IFSI de l’AP-HP) en cause les épreuves du concours qui restaient un passage obligatoire jusqu’à cette année 2019.
Seulement 69% des IFSI sont engagés dans une évaluation de la qualité des stages
Les stages : l’épreuve du feu ?
Les stages demeurent des éléments décisifs pour la poursuite des études. Une enquête menée par les IFSI de la région entre 2008 et 2009 sur les étudiants arrêtant la formation avaient mis en lumière les difficultés rencontrées sur le terrain par les futurs infirmiers : décalage entre théorie et pratique, conditions insatisfaisantes d’encadrement, difficultés à réaliser un travail de qualité, suivi des ESI insuffisant... Une autre enquête de l’ARS plus récente dénote encore des failles. Si la majorité des instituts mettent en place des partenariats avec les lieux de stages, la formation au tutorat n’est évoquée que par à peine plus de la moitié des IFSI et l’existence d’un comité de stage que par un tiers uniquement. La proportion moyenne des lieux de stage possédant un livret d’accueil plafonne à 41% et seulement 69% des IFSI sont engagés dans une évaluation de la qualité des stages.
En parallèle, les abandons sont malheureusement assez nombreux en Île-de-France. Au cours des années 2000, le nombre d’ESI ayant renoncé a varié entre 21% et 28% dans la région parisienne contre 18% à 23% au niveau national. Les cas d’exclusion sont rares (moins d’un ESI sur 300), et une faible proportion redouble 4%. En revanche, beaucoup ne se présentent pas au diplôme à l’issue de la formation. Plus précisément, 18% des étudiants ne remplissent pas toutes les conditions réglementaires pour se présenter au jury régional du diplôme faute d’avoir validé, par exemple, l’ensemble des modules. Néanmoins, ce chiffre est à analyser avec précaution. Avec les réformes, les ESI peuvent rattraper les unités d’enseignement ratées de sorte qu’une partie d’entre eux ne se présentent devant le jury qu’au bout des 3 ans et demi d’études.
Les EHPAD de la capitale se démarquent par des problématiques notables de recrutement du personnel infirmier
Le premier emploi souvent en Île-de-France
Ensuite, les nouveaux diplômés occupent souvent un premier poste à Paris (24% en 2016), selon l’ARS. En moyenne seulement 14% des nouveaux infirmiers quittent la région pour trouver leur premier emploi. Ce qui signifie que les IFSI de la région forment principalement des paramédicaux qui restent en Île-de-France, du moins au début de leur carrière. Cependant, ces résultats sont fragiles vu le faible taux de réponse durant l’enquête.
En outre, certains départements forment davantage d’infirmiers qu’ils n’accueillent de jeunes diplômés : c’est le cas du Val-de-Marne et de la Seine-Saint-Denis. Alors que les Yvelines, le Val d’Oise et Paris recrutent davantage de nouveaux professionnels qu’ils n’en forment.
D’autre part, les jeunes infirmiers débutent très souvent leur carrière dans un établissement de santé (87% d’entre eux) contre 10% qui sont engagés dans un centre médico-social. Comme déjà remarqué dans d’autres travaux
, les premiers emplois sont souvent des CDD (43%) et de l’intérim (12%). Beaucoup d’infirmiers recrutés par les hôpitaux publics débutent par un contrat à durée déterminée puis obtiennent le statut de stagiaire de la fonction publique
. L’intérim
est aussi relativement répandu car il permet aux jeunes professionnels de maximiser les expériences et de toucher une prime
, selon l’étude.
Toutefois, des entretiens auprès des directeurs d’IFSI franciliens réalisés en 2016 par Défi métiers indiquent une plus grande tension au moment de l’entrée sur le marché du travail (notamment un retard dans l’obtention d’un emploi stable) mais une grande majorité des diplômés finissent par trouver un emploi. D’ailleurs cette situation semble plus favorable en région parisienne que sur le reste du territoire avec tout de même un problème spécifique de rapport entre le salaire et le coût de la vie particulièrement élevé. En effet, les employeurs franciliens, également interrogés, ne sont que 36% à juger les conditions de recrutement difficiles en 2015. Par contre, ils admettent qu’il est devenu ardu de recruter des aides-soignants.
D’autre part, certains secteurs semblent susciter moins d’intérêt que d’autres. Cependant, la diminution des demandes dans l’hospitalier permet théoriquement aux EHPAD et au SSIAD de rencontrer moins de difficultés à embaucher qu’auparavant. Pourtant, d’après la DREES, la répartition particulière de l’offre en EHPAD de la capitale
(largement constituées de structures privées) augmente les difficultés à recruter des infirmiers (9,7% des postes non pourvus contre 3,8% en moyenne dans toute le France). Les auteurs de l’étude suggèrent que cette problématique pourrait être liée à des conditions de travail plus pénibles
.
La région parisienne en manque crucial de professionnel libéraux !
Une zone sous-dense en soins infirmiers !
En Île-de-France, si les infirmiers travaillent le plus souvent dans leur département de résidence (qu’ils soient salariés ou libéraux), cette proportion est moindre par rapport à celle observée sur le reste du territoire. Les conditions de logement sont plus difficiles qu’ailleurs : à Paris et petite couronne entre 20% et 25% des professionnels habitent dans des logements locatifs sociaux tandis qu’en grande couronne, être propriétaire est plus répandue. De manière générale, à structure familiale identique, les logements des soignants sont plus petits que ceux de leurs homologues vivant en province.
Par ailleurs, si en région parisienne comme dans toute la France, les effectifs infirmiers ne cessent de croître, le rythme de croissance est inférieur par rapport au reste du territoire. Le problème est particulièrement préoccupant dans le secteur de ville, 9% des soignants de la région exercent en libéral contre 17% en France. De fait, les départements franciliens se situent en queue de distribution si l’on compare leurs densités d’IDEL pour 100 000 habitants à celles constatées dans les autres départements français. La Seine-Saint-Denis, les Hauts-de-Seine, les Yvelines, le Val-de-Marne et l’Essonne occupent les dernières places du classement national. En ce qui concerne les soignants salariés, des écarts subsistent également avec la moyenne nationale mais à des niveaux moindres. Toujours pour l’exercice hospitalier, Paris se démarque des autres départements avec des densités nettement supérieures à la moyenne française.
Point négatif, selon les projections de la DREES , en 2040, les effectifs infirmiers devraient demeurer entre 10% et 20% inférieurs au reste du territoire. Ainsi, cette situation devrait perdurer à moins que des actions soit mises en œuvre pour attirer les infirmiers dans la région notamment dans le secteur de ville surtout au vu du développement de la prise en charge en ambulatoire. Dernièrement, un projet de financer 11 000 logements pour les infirmiers et aides-soignants aurait été évoqué par la présidente de région, Valérie Pécresse.
Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com @roxane0706
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