Écrire, écrire, d’autant plus, écrire sa pratique professionnelle : pourquoi ? Comment ? Vous étudiants et infirmiers (note 1) ne vous êtes-vous pas posés cette question en lisant le titre de notre article ? Légitime, dirons-nous ! Pour être honnête, nous aussi nous nous sommes posés cette question. Évaluation, cours, travail de fin d’études, sciences humaines, travaux de groupe, travaux dirigés, intervenants, cours magistraux…. En voilà des mots qui nous évoquent l’écriture professionnelle, tout du moins au cours de la formation.
Pour ce qui est de la profession on s’identifie plutôt à coup de transmissions ciblées, de Données, Actions, Résultats, enfin résumons : le D.A.R! On pense aussi aux fameux dossiers de soins qui nous sont si chers, ou encore à la traçabilité tant espérée. Ce module « Ecriture de la pratique professionnelle » parlons en! Que d’appréhensions !! Qu’allons nous écrire et surtout comment ? Quelles étaient nos représentations de l'écriture et tout particulièrement celles de l'écriture professionnelle jusqu'à ce que nous vivions ce mystérieux module? Allez! Jetons-nous à l'eau…on était tous dans le même bateau…
Les premiers écrits, de nature ludique, nous ont familiarisé avec l’écriture et nous ont donné la possibilité de voir la réaction du groupe à leur lecture. L’écoute attentive, le respect, l’absence de jugement ont permis l’instauration d’un climat de confiance et ont rassuré les personnes se sentant en danger. De plus, ce climat de confiance a favorisé l'expression d'événements marquants de nos vies à la fois professionnelles et personnelles. En effet, lors de la première séance d’écriture de la pratique professionnelle, à notre grande surprise, chacun a extériorisé des situations qui l'ont interpellées, l’écriture s’étant inconsciemment imposée comme libératrice.
« […] Mardi matin, j’arrive dans la salle de soins et, au moment des transmissions, on m’apprend que M. R. vient de décéder. L’aide soignante me demande si je pouvais, dans la matinée, l’accompagner au funérarium pour y déposer le corps. C’est une grande appréhension pour moi et j’ai peur. […] L’aide soignante vient me chercher. Le corps est emballé ans le sac blanc réglementaire. Nous traversons les couloirs sombres et froids des sous sols pour emmener le corps de M. R. jusqu’à l’entrée du funérarium. A partir de là tout a changé pour moi. L’endroit était froid et lugubre. Un homme nous reçoit. Il nous demande de l’aider et il retourne le corps brutalement pour le coucher sur un autre brancard. Puis, il ouvre une grande porte grise et me dit : « Voilà le frigo commun où on met tous les sacs ». C’est alors que l’aide-soignante me dit en riant : « Imagine ! S’ils n’étaient pas dans des sacs, ils se souilleraient tous les uns, les autres ». Dans mon for intérieur j’ai pensé que j’étais déjà au bord des larmes et je trouvais sa réflexion très déplacée. Tous ces corps les uns sur les autres, espacés de quelques centimètres dans cet immense frigo sombre me font me sentir mal. Cette phrase qu’elle vient de me dire tourne en boucle dans ma tête. Je ne m’étais jamais sentie aussi mal. Cette image que je m’étais faite de cet endroit ne ressemblait en rien à ce que je voyais actuellement. Mes jambes flageolaient, je transpirais, j’avais chaud. Je retenais mes larmes comme je le pouvais, sûrement de trop je crois. Beaucoup de colère régnait en moi. Je ne pouvais pas imaginer qu’on puisse traiter le corps d’une personne de cette manière […].»
Que d’émotions ! Ce besoin d’extérioriser ne s’imposerait-il pas aussi aux soignants s’ils en avaient l’occasion ? Aussi l’écriture de la pratique professionnelle s’est avérée à nos yeux comme un moyen d'écrire le rôle propre, de nous auto-évaluer, de nous remettre en question, et de nous permettre de prendre du recul sur un fait marquant. Bien évidement, ces notions d’auto-analyse nécessitent quelque part l’avis des autres, ce dernier étant gage d’une écoute constructive et sans jugement. Le concept d’écoute renvoie à la volonté de chaque "écrivain en herbe" de partager son écrit et donc par la même son ressenti. Être écouté… quel bonheur ! Cela fait tellement de bien de partager et de se sentir compris. Les autres aussi sont humains! S’écouter et partager nous permet aussi d’échanger sur notre savoir, notre savoir être, notre savoir faire. Bref! D'échanger sur nos compétences. Ah! Les compétences, on n’a pas fini d’en entendre parler… On nous les transmets, on se les transmets, on les transmets et on les transmettra encore…Vous voyez où on veut en venir ? Cela nous paraît aussi très important d’écrire la pratique professionnelle afin de laisser une trace de notre rôle propre. Justement… Le rôle propre….Il se fait rare dans les écrits! Très peu d'infirmiers mettent en mots et publient. Et pour ne rien arranger… est-ce que, comme nous, vous avez remarqué toutes ces séries américaines où les infirmiers sont quasi inexistants? Le grand public connaît-il le rôle propre infirmier ? N’y-a-t-il pas là un enjeu certain à écrire la pratique professionnelle par l’intermédiaire de publication par exemple ? Nous ne savons pas quel est votre point de vue, mais cela nous paraît plutôt important. Et puis, pour être honnête, dans votre pratique professionnelle quotidienne, avez-vous la possibilité de donner vos impressions, de coucher votre ressenti, en d’autres mots, de laisser place à votre subjectivité dans vos écrits ?
Subjectivité…subjectif… quoi?! Mais qu’est ce qu'être subjectif ? Nous connaissions ce mot mais en avions nous réellement compris l'essence? Pour nous la subjectivité c'est un positionnement professionnel et personnel. Au fils des jours, nous avons constaté que celle ci est présente en chacun de nous, influencée par nos sentiments, nos émotions et notre éducation. Lors de l'écriture de nos textes sur la pratique infirmière, à l'aide d'un déclencheur de type "Tout allait bien jusqu'au moment où…" nous nous sommes aperçus que chacun détient ses propres représentations, ses propres vérités. Nous pouvons être plusieurs à regarder dans la même direction et voir quelque chose de différent. Cette réflexion nous a amené à comprendre la nécessité de déconstruire nos évidences et de nous ouvrir vers d'autres possibles. Ainsi, une interrogation s'est imposée à nous: la vérité est-elle unique? La vérité est-elle floue? Ce questionnement a fait l'objet d'un débat. En effet, lors de nos échanges, nous avons dû nous adapter à l’autre, apprendre à écouter, à accepter la divergence d’opinion ce qui nous a conduit sur le chemin de la tolérance. Nous avons pu faire le lien avec notre pratique professionnelle ; tolérance, écoute, ouverture d’esprit ont pris un véritable sens dans la relation soignant / soigné. Lors de la restitution de nos écrits dans le groupe, nous avons tous trouvé notre place avec chacun un rôle à tenir, une fois en tant qu’acteur et une fois en tant que spectateur. Soudainement la ressemblance nous a paru frappante entre le groupe constitué et une équipe soignante. Nous avons appris à vivre avec la perception des autres sans pour autant remettre en cause la dynamique du groupe. Allez ! Osons le dire, la dynamique de l'équipe!
Cette expérience singulière fut riche en émotions. Elle nous a appris sur nous-mêmes et sur les autres. Grâce à un climat de confiance et de respect mutuel, telle une chrysalide devenant un papillon, nous nous sommes épanouis sur le plan humain d'autant plus que cette expérience ne restera pas éphémère mais belle et bien gravée éternellement dans nos mémoires… Et voilà! Nous sommes même devenus poètes! Néanmoins, une interrogation persiste: cette expérience a été bénéfique pour nous tous et, nous avons dès lors bien mesuré la nécessité d'écrire sa pratique, alors comment permettre aux soignants de passer de la seringue à la plume ?
Les auteurs
BACCI Christelle – CHEVALLIER Mathilde – FAUCHOT Stéphanie – FLEYS olivier – LAMBINET Anaïs – LEPEZEL Laura – LICINI Damien – LIGONY Sonia – MAFFIOLINI Adeline – MASBATIN Annabelle – MOHR Bérengère – PRUD'HOMME Charlène – RICHARD Florian – RICHARD Mélanie – VACCARO Jérémy – VALAT Sébastien
Avec la collaboration de : M. DI TUCCI Jean Paul, Cadre de santé formateur
Résumé
Dans le cadre d'un module optionnel, un travail d’analyse et de réflexion sur l'écriture de la pratique professionnelle a été réalisé par un groupe d'étudiants en soins infirmiers de deuxième année à l'Institut de Formation en Soins Infirmiers de Verdun (55100).
On entendra par "étudiant" et "infirmier", "étudiante" et "infirmière". retour.
REFONTE DE LA FORMATION
L'idée d'un tronc commun en master hérisse les infirmiers spécialisés
ÉTUDES
D’infirmier à médecin : pourquoi et comment ils ont franchi le pas
VIE ÉTUDIANTE
FNESI'GAME : l'appli qui aide les étudiants infirmiers à réviser
PRÉVENTION
Des ateliers pour préserver la santé des étudiants en santé