Les IFSI (instituts de Formation en Soins Infirmiers) se préparent et s’organisent en vue de mettre en place le nouveau programme de formation des études d’infirmières. Les derniers textes de la de Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins (DHOS) sont en train de sortir pour une application en septembre 2009.
Mais quels sont les réels changements à venir ?
Les infirmières auront toujours besoin de connaître l‘anatomophysiologie, les principales pathologies, leurs causes, leurs traitements pour soigner des patients. Elles auront toujours besoin de s’exercer au raisonnement clinique et à la démarche de soins, pour prendre en charge et accompagner le patient et sa famille. Elles auront toujours besoin d’approcher la psychologie, la sociologie, l’anthropologie pour comprendre et aider le patient aussi bien en milieu hospitalier qu’à domicile. Elles auront toujours besoin de découvrir comment fonctionnent les réseaux de soins et la santé publique. Elles auront toujours besoin d’aller en stage pour se confronter à la réalité des patients et apprendre de leurs aînées l’exercice délicat de la relation soignant/soigné et les techniques de soins.
En effet, le cœur du métier reste le même, alors où sont les changements ?
Ils ne sont pas superficiels, un œil extérieur à la profession ne les remarquera pas d’emblée.
Les changements sont profonds, ils se répartissent sur 3 axes :
- sur la discipline infirmière,
- sur l’adéquation entre la formation théorique et les terrains de stage
- sur la finalité de la formation.
Les changements qui concernent la discipline infirmière.
Une université, quelle que soit son orientation, a toujours comme mission d’enseigner une science. Parler d’enseignement universitaire (L.M.D.) pour les infirmières, c’est reconnaître que les soins infirmiers sont une science qui, comme toutes les sciences, est fondée sur une discipline qui lui est propre. Comme le défini Toulmin (1972) cité par Nadeau (1999) « une discipline scientifique implique toujours à la fois ses concepts et les humains qui les emploient, à la fois son objet d’étude, son champ ou son domaine, et les ambitions intellectuelles qui rassemblent ceux et celles qui œuvrent à l’intérieur de la discipline en question. » (1)
En licence, les concepts et les théories doivent être enseignés dorénavant comme des unités scientifiques, avec leurs attributs et leur capacité de transférabilité. La finalité, pour les étudiants est qu’ils comprennent comment un concept est opérant dans la pratique et comment il permet de structurer des soins. Il ne s’agit plus simplement d’enseigner des définitions, mais une base disciplinaire.
En stage les étudiants, avec les pratiques réflexives, et en particulier la théorisation de la pratique (et non pas seulement l’analyse), doivent être aidés par les tuteurs de stage ou par les enseignants pour identifier, à travers les manifestations du patient et son comportement, les attributs du concept en jeu. Qu’il s’agisse d’un concept issu des sciences médicales (dépistage de la phlébite) ou d’un concept issu des sciences humaines (l’anxiété).
Une autre exigence importante est la place de la recherche dans l’enseignement. Les médecins qui viennent faire des cours en IFSI sur des pathologies, appuient leurs données sur des conférences de consensus, des recherches publiées. Et pour les sciences infirmières, sur quelles recherches se basent les enseignants pour parler de l’adaptabilité des diagnostics infirmiers à notre contexte français ? Ou encore pour aider les étudiants à comprendre l’intérêt de prendre en compte la culture comme indicateur prévalent dans l’éducation thérapeutique des patients ? Ces recherches existent, mais actuellement, elles ne sont pas exploitées dans l’enseignement.
La profession infirmière, sous l’impulsion de la Haute Autorité de Santé (HAS) est en train d’entrer dans le système Evidence Based Nursing (EBN). L’enseignement des soins devra se faire à partir des données probantes, toutes basées sur des recherches.
Les changements qui concernent l’approche disciplinaire sont importants car ils touchent autant la reconnaissance de la science infirmière comme discipline universitaire, que l’identité même de la profession.
Les changements sur l’adéquation entre la formation théorique et les terrains de stage
Vouloir gommer à tout prix les divergences entre la théorie et la pratique, irait à l’encontre des bénéfices que vise la pédagogie par alternance. Les étudiants apprennent par chocs sociocognitifs et construisent leurs savoirs sur cette base là.
Cependant, quand l’écart est trop grand, il n’y a plus d’apprentissage possible car l’étudiant ne reconnaît pas dans ce qui lui est enseigné, ce qu’il voit sur le terrain. De plus, cet enseignement ne les prépare pas bien à leur future fonction.
L’enseignement théorique se fait classiquement dans un mode déductif. La théorie est enseignée et les étudiants l’appliquent sur le terrain. Dans la pédagogie de la compétence, l’enseignement se fait aussi sur un mode inductif, du terrain vers la théorie. C’est l’intérêt des unités d’intégration, que se soient l’analyse et/ou la théorisation des pratiques, et l’apprentissage par situations clés (emblématiques ou types).
Les services hospitaliers et extrahospitaliers ont beaucoup évolué et continuent à évoluer. Les soins y sont d’emblée plus standardisés (plans de soins guides, protocoles, chemins cliniques…).
Cette standardisation, pour beaucoup d’enseignants, semble aller à l’encontre des valeurs véhiculées par la profession autour du « prendre soins ». Il n’en est rien. L’infirmière est d’autant plus à l’aise pour adapter les soins à un patient particulier qu’elle en maîtrise parfaitement la base standardisée.
Les situations clés sont calquées sur la construction des chemins cliniques : Elles sont standardisées, peu contextualisées, centrées sur des savoirs fondamentaux. Elles ont comme objectif d’apporter à l’étudiant un savoir solide, intégré, transférable et non plus seulement des connaissances.
L’apprentissage en stage se trouve valorisé, mais pour développer ses savoirs à partir des unités d’intégration, l’étudiant a besoin d’accompagnement pédagogique qui sort du champ de ce que peuvent faire les praticiens, centrés sur la transmissions des savoirs. Il s’agit véritablement de pédagogie où la méta cognition joue un rôle majeur. Cette fonction peut être exercée par des tuteurs de stage ou par des enseignants de l’IFSI qui sont présents en stage.
Les changements sur la finalité de la formation
Les pratiques infirmières ont beaucoup évoluées ces 20 dernières années. Aucune infirmière aujourd’hui ne maîtrise toutes les connaissances et techniques de soins. Et pourtant, compte tenu des difficiles conditions de travail, on demande aux infirmières d’être polyvalentes. Sommes-nous dans un paradoxe ?
Non, car ce nouveau programme, centré sur les compétences, met l’accent sur des éléments essentiels qui prennent en comptent ces données : la maîtrise des savoirs fondamentaux qui forment le socle de l’exercice professionnel, le développement des savoirs méthodologiques (procéduraux) qui sont la base de la transférabilité, le décryptage des organisations qui donne des repères pour se situer dans les services de soins.
Les méthodes pédagogiques actives donnent aux étudiants une plus grande place dans le dispositif de leur propre formation et devraient leur donner des habitudes de questionnement, de recherche de compréhension.
Les étudiants doivent comprendre qu’à la sortie de l’IFSI et tout au long de leur vie professionnelle quelque soit leur lieu d’exercice, ils devront continuer à se former.
La réforme, et les changements qu’elle entraîne, modifient le rôle des enseignants en leur octroyant une dimension pédagogique réelle, celle d’enseignant en premier cycle universitaire.
Conclusion
Les changements prévus viennent s’inscrire dans un enseignement déjà existant et performant. C’est à partir de ce qui est fait dans chaque IFSI que doit se réfléchir la reforme. On ne part pas de rien. Bien qu’aucun recensement n’ait été fait par la DHOS avant la mise en place des groupes de travail, il est intéressant de constater qu’un grand nombre d’IFSI ont, de façon plus ou moins empirique, et depuis déjà de nombreuses années, centré leur pédagogie sur les compétences et innové dans bien des domaines.
Alors, plutôt que de parler de réforme il conviendrait mieux de parler d’évolution, évolution vers plus de scientificité des soins, évolution dans les liens entre pratiques et théorie, et évolution de la fonction de formateur vers un statut de pédagogue.
Monique Formarier,
formateur ARSI (Association de Recherche en Soins infirmiers)
http://www.arsi.asso.fr/
Note1:
Nadeau (R) Vocabulaire technique et analytique de l’épistémologie. Ed PUF, Paris, 1999 (1- p167), (2- p349)
Résumé :
La réforme des études d’infirmières prévue en septembre 2009, n’est pas seulement une réforme sur la forme, elle touche des éléments importants qui concernent à la fois la discipline infirmière, avec une approche plus scientifique des contenus à enseigner, à la fois le rapprochement entre théorie et pratique et aussi les finalités de la formation. L’objectif étant de former des infirmières qui maîtrisent bien les fondamentaux de leur profession, qui savent s’adapter et continuer à apprendre tout au long de leur vie professionnelle. Un certain nombre d’IFSI sont déjà orientés dans cette voie.
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