L’oxygénothérapie hyperbare (OHB) est une thérapeutique très spécifique, irremplaçable dans certaines pathologies, et fort utile dans d’autres, parfois en urgence. Sa mise en œuvre nécessite des moyens techniques tout à fait particuliers, tant sur le plan matériel que sur celui du personnel.
L’oxygénothérapie hyperbare est une technique médicale qui consiste à administrer à des patients de l’oxygène pur ou mélangé à des gaz vecteurs (hélium, azote, gaz carbonique) à une pression partielle supérieure à la pression atmosphérique. Elle permet une réversibilité physique des effets délétères grâce à une compression des volumes gazeux, une augmentation de l’oxygène dissous et l’absence d’inhalation d’azote. Il existe plusieurs centres en France.
Historique
Dès 1662, l’idée d’une application thérapeutique d’un séjour en pression sèche revient au londonien le Dr Henshaw, qui faisait respirer de l’air comprimé à ses patients à l’intérieur d’une chambre appelée « domicilium ». On sait peu de choses sur les résultats obtenus car à l’époque cela n’intéressait personne. En 1959, une première approche vraiment scientifique de l’oxygénothérapie hyperbare se fait avec Boerema en chirurgie cardiaque et Brummel Kamp dans le traitement de la gangrène gazeuse en 1961. A compter de cette date, de nombreux auteurs, en France et à l’étranger, s’intéressent à cette nouvelle thérapeutique pleine de promesses. Citons Barthelemy à Toulon, Goulon à Garches, le Pr Larcan à Nancy, Mantz à Strasbourg, Ohresser à Marseille, Voisin et Wattel à Lille, Lareng à Toulouse, Du Caillar à Montpellier, et bien d’autres réanimateurs encore qui ont permis de définir les indications de cette thérapeutique avec une évaluation objective des résultats.
Mécanismes d’actions
Les mécanismes physiologiques expliquant l'intérêt de l'oxygénothérapie hyperbare reposent sur 2 grandes lois : les lois de Mariotte et de Henry qui permettent de comprendre pourquoi il va y avoir une augmentation de l'oxygénation des tissus.
- Loi de Mariotte
PV = CONSTANTE (à température constante)
P : pression V : volume
Exemple : une seringue remplie d'air. Quand on pousse le piston (embout bouché), la pression P de l'air augmente et le volume V de l'air diminue. Intéressant, notamment lors d‘embolies gazeuses, si on augmente la pression dans la chambre hyperbare le volume de la bulle va diminuer et les signes cliniques vont régresser.
- Loi de Henry
Q = a P
Q : quantité de gaz dissout
a : constante des gaz parfaits
P : pression
Ceci permettant de comprendre pourquoi il va y avoir une augmentation de l'O2 dissoute dans le sang.
Exemple : seringue remplie d'eau + air. Quand on pousse sur le piston (embout bouché) la pression P dans la seringue augmente et la quantité d'air dissoute dans l'eau va augmenter. Si vous lâchez brusquement le piston vous pourrez voir l'eau devenir bulleuse un court moment (le même mécanisme se produit lors d'un accident de décompression chez un plongeur qui ne respecte pas les paliers de décompression).
Schéma récapitulatif des phénomènes provoqués par l'inhalation d'oxygène à une pression supérieure à la pression atmosphérique
Indications de l’ hyperbarie médicale
- Pathologies aiguës : accidents de décompression, intoxications au monoxyde de carbone, embolies gazeuses, infections nécrosantes des parties molles à germes anaérobies…
- Pathologies chroniques : ostéoradionécrose, lésions des pieds chez les diabétiques, ulcères artériels et cicatrisations retardées, surdité brusque, greffes musculocutanées, écrasement de membre post trauma, anoxie cérébrale (ACR, pendaison), syndrome de reperfusion post chir vasculaire…
Le choix du protocole de plongée va être dicté par l'indication. Certaines indications comme l'embolie gazeuse nécessitent une plongée rapide et profonde.
Déroulement d’une séance
Il y a une phase de compression correspondant à une entrée d'air dans le caisson qui est fermé hermétiquement. Le patient conscient qui vient pour une série de plusieurs plongées respire l'air ambiant. Lorsque suffisamment d'air est entré dans le caisson pour atteindre la pression souhaitée, le patient va mettre un masque permettant d'inhaler 100% d'oxygène. Ce masque possède un extracteur permettant d'évacuer les gaz expirés hors du caisson, afin de conserver l'air à l'intérieur du caisson à 21% d'oxygène. La pression va rester constante pendant tout le palier. Lorsque le temps d'inhalation prescrit est atteint, les patients retirent les masques à O2 et la phase de décompression peut débuter. Cette phase sera coupée par les paliers de sécurité nécessaires. Le patient respire de l’oxygène pur à l’intérieur du caisson et une pression supérieure à celle de l’atmosphère lui est appliquée. L’augmentation de la pression à l’intérieur des cloisons étanches impose des aménagements. En effet, les appareils de mesure habituels ne supporteraient pas une telle pression. Voilà pourquoi seuls les capteurs sont à l’intérieur et les moniteurs restent à l’extérieur.
Un exemple de séance fréquemment utilisé dans les indications chroniques :
L’utilisation d’oxygène sous pression fait du caisson hyperbare un lieu à risque et des précautions sont à prendre avant de s’y installer. Évidemment toutes flammes, étincelles, cigarettes sont proscrites et un réseau de sécurité incendie est à commande extérieure et intérieure. La concentration interne en oxygène est constamment vérifiée par un oxymètre afin de ne pas dépasser 25 % d’oxygène et ainsi éviter le risque d’incendie. Des couvertures anti feu sont à disposition et tous ces dispositifs doivent être vérifiés avant chaque séance. Seul le patient est hyper oxygéné grâce à un masque. La compression des gaz soumet les personnes à l’intérieur à des fortes variations de températures. Lors de la descente, les gaz se compriment et l’atmosphère s’échauffe. Lors de la remontée, c’est l’inverse. Une dernière précaution peut prêter à sourire cependant elle est essentielle : avant de passer la porte hermétique du caisson, chacun doit vérifier l’étiquette de ses vêtements, afin de limiter les risques d’inflammation, seul le « 100% coton » est autorisé.
Surveillance lors d’une séance
- Éducation, information du patient : manœuvre de Vasalva, déroulement de la séance (protocole choisi), règles de sécurité… ;
- Accompagnement du patient pendant la séance si besoin (première séance, claustrophobie, intubé-ventilé, enfants…) ;
- Prise en charge du patient suivant son état de santé (respirateur, scope, P02 transcutanée, drainage, perfusion…) ;
- Prise des constantes, respirateur, douleur, conscience (risque de convulsions) ;
- Fraction d'02 dans la chambre hyperbare ;
- Pression et temps : respectant le protocole de plongée.
Formation à l’utilisation du caisson
Les infirmiers candidats sont soumis à un examen médical draconien avant d’aller en formation pour apprendre les spécificités de ces prises en charge. A l’issue de ce stage, un examen sanctionne l’obtention du certificat d’aptitude à l’hyperbarie. Une mention s’y ajoute, en l’occurrence mention C pour l’hyperbarie sèche médicale, ainsi qu’une classe correspondant à la pression maximale pour laquelle la personne a été formée. Pour prétendre à un tel poste, l’infirmier diplômé d’Etat doit être titulaire du Certificat d'Aptitude à l'Hyperbarie, qui sanctionne une formation de deux semaines en institut national de plongée professionnelle. Il faut avoir une condition physique irréprochable. Un suivi médical spécifique est mis en place : bilan d’aptitude initiale (EEG, radiographies des grosses articulations, consultation ORL) et visites annuelles.
L’infirmier hyperbariste a ses rôles distribués à l’extérieur et l’intérieur du caisson, avant, pendant et après une séance d’oxygénothérapie hyperbare. Il assure la surveillance clinique et psychologique des patients : paramètres hémodynamiques, apaisement de l’angoisse par rapport à la taille du caisson, le bruit, les différences de températures à la compression et à la décompression. Il explique le risque de barotraumatisme du tympan et les gestes de prévention à effectuer en phase de compression du caisson. Il peut accompagner les patients pour leurs premières séances, surveiller la survenue d’une crise épileptique liée à l’hyperoxie. Il reste dans le caisson pendant toute la séance pour les patients admis en urgence ou présentant du matériel spécifique, notamment s’ils sont perfusés, sondés, intubés, ventilés… Les contraintes physiques étant les même que pour la plongée sous-marine, il ne peut pas effectuer plus de deux accompagnements par vingt-quatre heures, sauf urgence et sur autorisation du médecin responsable de l’unité de soins. L’infirmier hyperbariste est aussi capable de manipuler le caisson, participe à la matériovigilance et réalise certaines tâches administratives.
Aymeric LAPP IDE en Réanimation Médicale Polyvalente au CHU NANCY alertofeu@voila.fr
Miguel HOUART Infirmier Formateur IFSI Cochin-la-Rochefoucauld
Joaquim ROMERO Infirmier SAU Cochin
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