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Les soins infirmiers français oubliés du parlement européen ?

Publié le 28/01/2013

La volonté d’améliorer la directive européenne 2005/36 CE afin de simplifier la mobilité professionnelle en Europe peut mal tourner pour les infirmiers européens. Les acteurs du monde infirmier se mobilisent pour faire entendre la voix de nos professionnels et étudiants, et leurs désirs de reconnaissance. Les avancées obtenues dernièrement sont encourageantes pour l’avenir, même si il faut rester vigilant...

La commission européenne a publié en juin 2011 « un livre vert » afin de stimuler le débat des institutions européennes autour de l’amélioration de la directive 2005/36 CE sur la reconnaissance des qualifications. L'objectif de la proposition de la Commission est d'accroître la mobilité au sein du marché intérieur en simplifiant et en accélérant les procédures de reconnaissance des qualifications professionnelles. Il est question entre autre de la mise en place d’une carte professionnelle européenne et de l’exigence des compétences linguistiques.

Cette directive implique d’introduire une certaine lisibilité dans les diplômes des différentes professions. Il y a donc une discussion sur les mises à jour des exigences de formation minimale pour faciliter la mobilité et en particulier celle de la formation infirmière. Au départ la commission a proposé d’élever le niveau de formation générale requis pour l’entrée en formation de 10 à 12 ans dans le souci de suivre l’évolution du métier d’infirmière et de pallier à l’émergence de nouveaux besoins en santé, mais certains pays en ont décidé autrement.

En France, comment ça se passe ?

La formation en France a évolué tant au niveau du contenu que du temps de formation, mais cela fait plus de 30 ans que le niveau minimal d’entrée en formation est celui du bac. Depuis 2009, nous avons intégré un nouveau référentiel qui respecte le processus de Bologne. Ainsi, nous avons un système comprenant des diplômes facilement lisibles et comparables, des crédits (ECTS), un circuit LMD ainsi que la promotion de la mobilité.

Nous avons une formation à la fois universitaire et professionnalisante. L’étudiant construit progressivement les éléments de sa compétence à travers l’acquisition de connaissances, de savoir-faire et de savoir-être. Il est amené à devenir un praticien autonome, responsable et réflexif, c’est à dire un professionnel capable d’analyser toute situation de santé, de prendre des décisions dans les limites de son rôle et de mener des interventions seul et en équipe pluridisciplinaire.

État des lieux en Europe

Un certain nombre de pays ont introduit depuis des années l’exigence d’un niveau de 12 ans de scolarité avant d’entrer en formation comme : la Grèce, l’Islande ou la Norvège. Ces dix dernières années, un grand nombre de pays ont harmonisé leur formation infirmière grâce à la promotion des accords de Bologne. Ainsi, l’Espagne, le Portugal, l’Italie ou encore la France ont maintenant une formation infirmière universitaire. L’Irlande est un très bel exemple de la réussite de l’introduction du processus de Bologne. Ils ont créé une formation infirmière universitaire en 4 ans qui a permis de rendre le métier beaucoup plus attractif : ils ont vu augmenter leurs demandes d’entrée en formation de 25% en 1 an.
Par contre, d’autres pays comme l’Allemagne ou la Belgique ont deux niveaux de formation infirmière. L’une amenant à l’exercice d’une « infirmière technicienne » est accessible à partir de 10 ans de scolarité, l’autre plus universitaire est accessible à partir de 12 ans de scolarité.

Mais ceci n’est pas la seule différence. Lorsque nous comparons plus attentivement les champs de compétences et d’actes des différents titres d’infirmiers en Europe, nous remarquons qu’avec un « même diplôme » nous n’exerçons pas de la même manière. Il n’y a pas de notion d’autonomie chez l’infirmière allemande par exemple.

Intérêt d’une exigence minimale de 12 ans de scolarité avant l’entrée en formation infirmière en Europe

L’évolution rapide de l’environnement de soin dans le monde pousse à repenser, à refaçonner la pratique infirmière. Il est donc indispensable d’avoir un niveau suffisant en entrée de formation afin d’intégrer toutes les notions avec lesquelles une infirmière doit travailler. En effet, elle doit avoir d’un coté énormément de connaissances théoriques afin de faire face aux avancées scientifiques et technologiques, mais elle doit aussi faire preuve de réflexivité, de leadership et de réactivité afin d’assurer l’ensemble de ses responsabilités.
En outre, un bon ratio d’infirmiers en service ayant une formation universitaire contribue directement à réduire les coûts associés aux accidents et aux événements indésirables, estimés par l’OMS à 10 % des dépenses de santé d’un pays. Ceci assure aussi une amélioration de la sécurité des patients et de la qualité des soins. Enfin, dans l’optique d’améliorer la compétitivité de notre Europe il est important d’harmoniser la formation vers le haut.

Les acteurs du monde infirmier unis face au blocage d’une minorité

Pour revenir à l’actualité propre, la directive doit encore passer en réunion de la présidence irlandaise en mars et avril 2013 pour finaliser la première lecture. En amont elle est passée devant 3 commissions européennes différentes afin que chacune émettent leurs avis, remarques et changements. Des représentants des pays qui ont un système de formation à deux niveaux ne désirent pas voir leur pays mis en difficulté par ces changements. Ils ont donc rallié à leur cause un ensemble de minorités européennes afin d’obtenir suffisamment de votes dans l’objectif de ne pas augmenter cette exigence d’entrée en formation infirmière à douze ans.

Des grandes organisations européennes et nationales dont la FNESI, le Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l'espace francophone (SIDIIEF), l’European Fédération of Nursing (EFN), l’European Nursing Students Association (ENSA), European Federation of nursing educator (FINE) et bien d’autres encore, ont une position commune concernant ce sujet.

Nous avons suivi les affaires de près et avons ensuite alerté, communiqué et agi de façon commune et unie pour faire évoluer les votes en notre faveur.

Voir l’intervention à Bruxelles de l’eurodéputée française Bernadette Vergnaud le 14 janvier 2013

Quelle évolution ?

L’eurodéputée française (PS, groupe PSD) et rapporteur du texte au titre de la Commission du marché intérieur (IMCO) du Parlement, Bernadette Verganud, et son équipe ont travaillé jusqu’à la dernière minute précédent le vote de la commission européenne IMCO (marché intérieur et protection des consommateurs) afin de proposer un compromis. Celui ci a été voté ce 23 janvier 2013, donc tous les amendements précédents ont été supprimés. Ainsi même si nous ne pouvions pas retirer la notion de 10 ans de scolarité pré-requis, l’importance de 12 ans de scolarité précédant l’entrée en formation est soulignée et inscrite. Pour pouvoir quand même cadrer cette mobilité professionnelle, il a été introduit à l’intérieur de l’article 31 de la directive un ensemble de compétences comportant les notions d’autonomie et d’éducation thérapeutique.

C’est donc des avancées solides que nous avons obtenues, mais le combat ne s’arrête pas là. Cette directive doit passer encore par de nombreuses étapes avant d’être entièrement adoptée. Tout est encore possible, l’affaire est à suivre.

 En savoir plus

Karina DURAND
Vice présidente en charge des relations internationales à la FNESI
http://www.fnesi.org
international@fnesi.org


Source : infirmiers.com