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ESI

"Il faut panser et repenser notre formation"

Publié le 18/09/2017
étudiante mal-être Fnesi

étudiante mal-être Fnesi

Infirmière dépression triste

Infirmière dépression triste

abandon études IFSI

abandon études IFSI

conduite à risque étudiants IFSI

conduite à risque étudiants IFSI

Une étude menée par la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (FNESI) auprès de 14 000 étudiants issus de 18 régions métropolitaine et outre-mer alarme sur leur état de santé physique et mentale. La moitié d'entre eux estiment que leur état de santé s’est dégradé depuis leur entrée en formation et 75% d'entre eux évoquent un état d'épuisement physique. Infirmiers.com revient sur le détail des chiffres avancés, représentatifs d'une situation très proccupante, comme l'a explicité ce matin le président de la Fnesi Clément Gautier dans la matinale de France Inter

Une enquête édifiante, voire très inquiétante, qui devrait pousser les pouvoirs publics à envisager très sérieusement une amélioration notable des conditions de formation. Il en va de la bonne santé de la profession infirmière de demain.

Le questionnaire de la Fnesi, composé de 44 questions, portait sur plusieurs points cruciaux répartis en quatre thèmes : la situation de l'étudiant, ses finances, sa santé et son vécu lors de sa formation. Les résultats obtenus dressent un tabeau inquiétant de la situation des ESI. Stress, dépression, sentiment de mal-être, mauvaise santé physique les poussent parfois à remettre en cause leur formation, à envisager de renoncer ou pire, à des tentatives de suicide. Une situation alarmante à plus d'un titre, à laquelle la Fnesi entend apporter sinon des solutions, du moins des pistes concrètes. 

De manière globale, des comportements à risque émergent chez 31,5% des ESI depuis leur entrée en formation, qu'il s'agisse de conduite en état d'ivresse, de rapports sexuels non protégés ou de consommation d'alcool et/ou de drogue. 

Santé physique et morale : un tableau peu reluisant 

Sur le plan de la santé physique pour commencer, les résultats de l’enquête sont préoccupants, relève la Fnesi et mettent en avant une dégradation de la santé physique des ESI. Ils/elles sont 50,6%  à estimer qu’elle s’est dégradée depuis leur entrée en formation. Ce chiffre atteint même les 60% chez les étudiant.e.s en 3e année. De plus, 18,8% des ESI se déclarent en mauvaise voire très mauvaise santé. Dans le détail, 40,5% d'entre eux admettent ne pas faire de sport du tout et parmi les étudiants qui font du sport, 69% constatent que cette pratique a diminué, alors même que l'on connaît les bienfaits de l'activité physique sur la santé. 

Même révélations inquiétantes sur le plan du sommeil : la quantité de sommeil est déclarée insuffisante ou très insuffisante pour 66,3% des ESI. Ils sont également 7,8% à déclarer prendre des somnifères depuis leur rentrée en formation. L'enquête de la Fnesi note également que la fréquence de l'épuisement physique est un autre élément notable de son étude. Une fois de plus, dans le mauvais sens du terme puisque 75,4% des étudiants se déclarent épuisés physiquement, dont 14,4% tout le temps. Plus généralement, ils sont 26,2% à s'estimer en mauvaise voire très mauvaise santé psychologique.  Des chiffres d'autant plus alarmants qu'ils contrastent avec les chiffres de la population étudiante globale, révélés par l'enquête EMEVIA sur l'année 2015 et qui révélaient que 94,7% des étudiants (toutes filières confondues) estimaient être plutôt en bon état de santé

La Fnesi explique entre outre s'être intéressée à la consommation de substances psychoactives et/ou tératogènes (légales ou non) parmi les ESI. Les étudiants en soins infirmiers sont ainsi 21,7% de consommateurs /trices de substances illicites, le cannabis arrivant en tête des drogues les plus consommées depuis l'entrée en formation, par 18,8% d'entre eux. De manière globale, des comportements à risque émergent chez 31,5% des ESI depuis leur entrée en formation, qu'il s'agisse de conduite en état d'ivresse, de rapports sexuels non protégés ou de consommation d'alcool et/ou de drogue

Je ne fumais presque jamais avant d'entrer en IFSI, puis j'ai augmenté progressivement ma consommation de cannabis à cause du stress presque permanent. 

Des témoignages édifiants 

La Fnesi relaie la parole anonyme de plusieurs étudiants en soins infirmiers pour étayer ses résultats. Certains parlent ainsi d'un épuisement psychologique à long terme (stress, manque d'envie, manque de confiance, etc) qui les amène à envisager de quitter la formation. D'autres décrivent des études épuisantes, où l'on prône le bien-être du patient mais où celui des ESI est oublié. Ces conditions de formation très dégradées ne sont pas sans conséquence sur la régularité de l'apprentissage. Ainsi, 55,2% des ESI déclarent avoir déjà été en arrêt maladie depuis leur entrée en formation. Un étudiant va même jusqu'à évoquer une tentative de suicide suite à un stage qui s'est mal passé. Un autre décrit une perte de poids de 10 kilos au cours de sa première année. Je ne compte plus les nouvelles douleurs que mon esprit inflige à mon corps faute de pouvoir s'exprimer de vive voix. Je craignais ma rencontre avec les patients à l'entrée en formation. Aujourd'hui, ce sont les soignants que je crains, conclut ce dernier.

Mal-être psychologique 

La Fnesi observe encore l'émergence d'un mal-être psychologique particulièrement inquiétant : 52,5% des ESI déclarent ainsi que leur santé mentale s'est dégradée depuis leur entrée en formation. Chez les 3e année, ce chiffre dépasse même les 62%. Un épuisement fréquent ou permanent qui touche près de 62% des étudiants en soins infirmiers. Premier responsable pointé du doigt : le haut degré de stress couplé à un mauvais encadrement. En effet, 78,2% des ESI se déclarent tout le temps ou souvent stressés. (Le chiffre atteint les 86% en 3e année !) Les infirmiers en devenir souffrent ainsi de crises d'angoisse (pour près de 34% d'entre eux), de dépression (pour 19% d'entre eux) ou nourrissent, même, des idées suicidaires (7,4% d'entre eux). Pour autant, les étudiants ne saisissent pas forcément l'occasion de faire la démarche d'appeler au secours. Ils ne sont que 13,8% à faire la démarche de consulter un professionnel de la santé mentale.

Clément Gautier, interviewé dans la matinale de France Inter, préconise un Observatoire sur les étudiants en santé. Ecoutez son intervention en intégralité.

Une précarité étudiante flagrante

La FNESI le relevait déjà le lundi 28 août dernier lors de la présentation d'une grande enquête sur le coût de la rentrée étudiante . En 2017, un étudiant en soins infirmiers doit débourser 7,22% de frais supplémentaires par rapport à un autre étudiant, notamment à cause de frais spécifiques à la formation en IFSI. Une situation jugée préoccupante par la Fnesi, qui ajoute à la précarité étudiante des ESI : 76,5% des étudiants en soins infirmiers estiment être obligés de travailler pour subvenir à leurs besoins financiers (65% d'emplois saisonniers et 22% de travail hebdomadaire). Or, 51,6% des ESI jugent que le fait de devoir travailler a un impact négatif sur leurs études. De façon plus général, ils sont 48% à estimer avoir une mauvaise santé financière. 

Harcèlement à l'hôpital, solitude, les raisons du mal-être sont multiples 

Les témoignages apportés à l'enquête de la Fnesi ciblent plusieurs raisons à ce mal-être général : pression continue en stage ou face à la formation, précarité ou encore fatigue. Nombre d'entre eux évoquent surtout une grande solitude, un isolement, un manque de soutien de la part du personnel encadrant durant la formation. Autre raison invoquée : le harcèlement sur les lieux de stage . Harcelée moralement pendant un stage il y a un an, cela m'a conduite à une dépression. J'ai vécu ce stage comme un réel traumatisme , témoigne par exemple une étudiante. Concrètement, 38% des ESI s'estiment jamais ou rarement soutenu psychologiquement par leur équipe pédagogique et/ou direction. Le harcèlement moral à l'hôpital, est un tabou largement ancré dans les moeurs, soulignait déjà le Dr Valérie Auslender dans son ouvrage "Omerta à l'hôpital ". La FNESI, bien sûr, ne s'en tient pas au constat. L'Association représentative des étudiants propose des solutions. La première urgence, révélée par cette enquête, est bien la prise de conscience du problème avant de pouvoir mettre en place des réponses adéquates. Le plus tôt sera le mieux.

Un mal-être certain, des solutions possibles

Face aux conditions de vie préoccupantes des ESI révélées par cette enquête, la FNESI se veut une force de propositions afin d’enrayer le phénomène. Avant tout, elle souligne que lintégration universitaire serait une solution à de nombreux problèmes. Elle permettrait notamment une reconnaissance des soins infirmiers comme une science à part entière. De même, les ESI auraient plus facilement accès aux Services Universitaire des Activités Physiques et Sportives (SUAPS) et aux services de soins gratuits des Service Universitaire de Médecine Préventive et de Promotion de la Santé (SUMPPS), ce qui améliorerait leur état de santé tant physique que psychologique. Le fait de bénéficier des services du CROUS comme les restaurants ou les logements universitaires paraît un moyen efficace pour endiguer la précarisation financière de ses étudiants. Par ailleurs, un versement un amont des frais de déplacement et des indemnités de stage mensualisées permettrait aux étudiants de mieux gérer leur budget déjà limité. D’autre part, la Fédération n’en reste pas là et demande à ce qu’un observatoire du bien-être des étudiants en santé soit mis en place afin de récolter et d’analyser aux mieux les problématiques rencontrées sur la totalité du territoire. Toujours selon la FNESI, il serait nécessaire de mener des actions de prévention adaptées face aux conduites à risques constatés dans cette population estudiantine particulière. Ainsi, il semble essentiel de développer des innovations pédagogiques afin de favoriser l’écoute des ESI. Par exemple, des groupes de paroles avec la collaboration d’un acteur extérieur leur offrirait la possibilité de s’exprimer en toute confiance, sinon un suivi individuel serait envisageable. Ces évolutions semblent d’autant plus primordiales au moment des stages qui reste parfois mal vécu par les étudiants. C’est pour que cette période délicate se passe dans les meilleures conditions que la formation des tuteurs doit être considérés comme essentielle . En outre, davantage de moyens humains optimiseraient l’encadrement des ESI. Enfin, la fédération suggère la mise en place d’une évaluation obligatoire des étudiants de leurs lieux de stage. Cette politique de formation comme l’accueil, l’encadrement ou le suivi des stagiaires devrait figurer dans la politique des centres hospitaliers, ce qui jouerait dans l’accréditation des établissements de santé par la HAS.

Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin


Source : infirmiers.com