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FORMATION INITIALE

Réforme des études en sciences infirmières, où en est-on ?

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Publié le 25/07/2023

L’expérimentation de la formation commune aux étudiants paramédicaux et médicaux, reposant sur un partenariat entre universités et IFSI, livre son premier bilan. Des freins, notamment en termes d’harmonisation des modalités, restent à lever.

soignants, étudiants, hôpital

Pour l’expérimentation liée à l’universitarisation de la formation en sciences infirmières, l’heure est au bilan. Mise en place en 20191, elle concerne une quinzaine de formations infirmières ainsi que cinq formations aux spécialités et une dédiée aux cadres de santé, construites en commun avec les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) et les universités. L’objectif : renforcer les échanges entre les formations de santé, avec la mise en place d’enseignements communs et l’accès à la formation par la recherche.

Neuf partenariats ont été signés en 2021, puis à nouveau six en 2022, a rappelé Astrid Romano, vice-Présidente - Formation des cadres de santé, spécialités et pratique avancée du Comité d’entente des formations infirmières et cadres (Cefiec)2. « Il y a deux voies d’accès », a-t-elle poursuivi. « La voie licence avec un accès santé (LAS), et le dispositif Parcours Accès Santé Spécifique (PASS)». Les étudiants choisissant cette dernière suivent une formation en sciences infirmières comportant un stage et une période d’intégration durant l’été. L’expérimentation implique ainsi étudiants médicaux et paramédicaux, dans une volonté d’encourager l’interprofessionnalité.

PASS/LAS, deux voies pour favoriser l’interprofessionnalité
La réforme des études de santé a entériné en 2020, outre la suppression du numerus clausus, le remplacement de la Première année commune aux études de santé (PACES) par le dispositif PASS/L.AS. Pour rappel,
- le PASS permet de suivre une année post-bac avec une majeure en santé et une mineure dans une autre discipline (en économie gestion, par exemple). Elle permet ensuite d’accéder aux études de médecine, maïeutique, odontologie, ou pharmacie (MMOP). Un étudiant en PASS peut également accéder à une deuxième année en LAS. À noter que le PASS est proposé uniquement par les universités comportant une unité de formation et de recherche (UFR) en santé.
- la LAS, à l’inverse, s’articule autour d’une mineure santé, dont la validation est indispensable pour poursuivre en filière MMOP, et d’une majeure d’une autre discipline. Elle conduit à l’obtention d’une licence. L'étudiant ayant validé sa première année de LAS peut présenter sa candidature aux épreuves de sélection pour accéder aux formations MMOP.
Les étudiants paramédicaux, eux, peuvent également se présenter leur candidature à ces formations, à condition d’avoir suivi un module de préparation aux épreuves et un module de découverte des métiers de la santé.

Une formation par la recherche

Les objectifs finaux de ce dispositif sont d’ailleurs nombreux. Il s’agit en effet également de « mutualiser les enseignements, de favoriser la formation par la recherche, pour amener les professionnels à trouver des données probantes le plus rapidement possible », a rappelé sa collègue Marielle Boissart, vice-présidente formation infirmière initiale du CEFIEC. Il doit aussi favoriser une harmonisation des pratiques, ainsi qu’une transformation des référentiels de la formation, en réponse à l’évolution des besoins de santé de la population – une question particulièrement d’actualité alors que François Braun, le ministre de la Santé, s’est donné un an pour refonder le métier d’infirmier.

Revue de littérature et transfert de connaissances

L’acquisition des compétences, elle, doit se faire de manière graduelle, avec comme finalité pour les étudiants d’être en capacité de réaliser une revue de la littérature scientifique, qui participe ensuite, dans un cercle vertueux, à la diffusion des connaissances pratiques. « Avec ces expérimentations, on va booster la recherche, car l’idée est de transférer des connaissances pratiques via la littérature et développer chez les étudiants une appétence à la recherche, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui », a poursuivi David Naudin, adjoint du directeur d'un institut de formation des cadres de santé (IFCS) de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Enfin, dernier avantage – et non des moindres – attendu : une « reconnaissance académique » pour les étudiants en sciences infirmières, défend Marielle Boissart.

Des ajustements qui restent à réaliser

Pour autant, le dispositif se heurte encore à un certain nombre de freins. A commencer par l’absence de convention cadre nationale sur les modalités financières, qui induit une réelle disparité en fonction des instituts de formation et des universités. Autre problématique : la pluralité des acteurs – comités de pilotage, collège des directeurs, comités pédagogiques au niveau des IFSI et des universités – qui complexifie la gouvernance du dispositif mais aussi la constitution des enseignements. La mise en commun de plusieurs référentiels de formation s’avère également délicate, avec des mouvements entre unités d’enseignement qui compliquent la mutation des étudiants entre IFSI.

À Rennes, la LAS a été imposée aux étudiants. Certains ont découvert le dispositif le jour de la rentrée.

Inégalités des droits d’inscription

Et côté étudiants, on relève également des difficultés qui n’ont pas été suffisamment anticipées. Les disparités territoriales, entre autres, sont à l’origine d’inégalités en termes de droits des étudiants. « C’est encore quelque chose d’assez aléatoire », a reconnu Marielle Boissart, qui a insisté sur la nécessité d’assurer « l’accès à l’entièreté de ces droits » pour chaque étudiant. Même constat quand il s’agit des coûts de formation. Sur certains territoires, des étudiants sont contraints de s’acquitter deux fois des frais d’inscription. « À Rennes, faire payer deux fois les étudiants aurait été pour nous un point de non-retour . Nous avons beaucoup négocié avec l'université. Sans cela, nous aurions refusé de mettre en place la double licence. »

Charge de travail inadaptée

Se posent enfin les questions de charge de travail et, surtout, d’informations données aux étudiants. À Rennes, le dispositif a induit « une grosse pression » sur eux, et ils « ont dû travailler plus pour compenser », face à des attendus de formation (en médecine notamment) qui ne correspondent pas toujours avec ceux de la formation infirmière, a témoigné Bryan Groussard, étudiant à l’IFSI de Rennes qui a intégré une PASS en première année. Et l’adaptation est d’autant plus difficile que les étudiants sont peu voire pas informés en amont de la démarche. « À Rennes, la LAS a été imposée aux étudiants », a-t-il expliqué. « Certains ont découvert le dispositif le jour de la rentrée. » « Les établissements ne sont pas non plus toujours très bien informés », a également observé David Naudin.

Des pistes identifiées pour améliorer le dispositif

Il s’est voulu toutefois rassurant. « Nous sommes en pleine expérimentation. Il y a donc des choses qui vont changer », a-t-il nuancé. Et des leviers ont déjà été identifiés pour améliorer le dispositif. Il faut d’une part que « l’association des étudiants [soit] plus grande. On doit co-construire les parcours avec eux.» Un travail de communication est également à faire pour « expliquer l’intérêt de ces expérimentations », a-t-il jugé. « Croiser les cultures entre les différents savoir », « créer des passerelles » entre les IFSI et la seconde année de la filière MMOP (médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie), ainsi que « des départements universitaires en sciences infirmières ou soins de rééducation et de réadaptation » à même de mener une politique territoriale coordonnée et cohérente, ou encore « constituer un vivier d’enseignants chercheurs » sont autant d’autres pistes envisagées pour lever ces limitations, a listé Marielle Boissart. Enfin, « il faut évaluer les expérimentations pour en mesurer l’efficacité », a martèle David Naudin. « La question, c’est comment on peut être force de proposition pour imposer une logique, des pistes de réflexion. Il y a beaucoup de choses qui fonctionnent, et beaucoup de choses qui ne fonctionnent pas, sur lesquelles nous allons devoir nous pencher »

1Par la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé du 24 juillet 2019

2Lors de la conférence « Expérimentations, quel avenir pour la formation en sciences infirmière », qui s’est tenue lors du Salon infirmier (organisé du 23 au 25 mai 2023).


Source : infirmiers.com