En juin 2017, Edwige Degans, alors étudiante en soins infirmiers à l'Institut de Formation en Soins Infirmiers du centre hospitalier de Dax – Université de Bordeaux - promotion 2014-2017 - a soutenu avec succès son travail de fin d'études sur la thématique suivante : « Les soignants et la toilette mortuaire : la fin d'une histoire ? ». Elle souhaite aujourd’hui le partager avec la communauté d’Infirmiers.com et nous l'en remercions.
Voilà comment Edwige nous explique le choix de sa question de recherche. «J’ai choisi cette situation de départ car elle m’a particulièrement touchée et a bouleversée de façon positive ma vision du soin. Cette situation se déroule lors de la deuxième partie de mon stage de semestre 4. Nous sommes un lundi, dans un service de médecine d’un hôpital. Nous sommes en train de distribuer les médicaments avec l’infirmière présente de matin, sur ce secteur. Une aide-soignante vient alors nous trouver. Elle nous annonce qu’une patiente est décédée. Il s’agit de Mme G, 56 ans, entrée dans le service le vendredi soir, pour altération de l’état général suite à la chimiothérapie qui lui a été administrée quelques jours plus tôt. Cette dame était atteinte d’un cancer pulmonaire et avait de multiples métastases. A son arrivée le vendredi soir, elle présentait des signes d'agitation et d'inconfort. Elle avait passé la journée aux urgences. Elle avait été transférée dans le service vers 18h. Un antalgique de pallier III en pousse-seringue avait été mis en place.
Ce mémoire ne cherche pas à résoudre un éventuel problème avec la mort, mais surtout à comprendre ce qui se joue dans les services au moment du décès des patients.
Elle était inconsciente et aucune communication verbale n’avait pu être établie lors de cette entrée et durant tout son séjour. La famille n’était pas présente dans les premières heures mais était arrivée après. Le médecin du service avait, alors, tenu à préparer cette dernière, ainsi que l'équipe, à un décès proche. Je dois aussi préciser que je connaissais cette dame d’un précédent stage effectué quelques semaines plus tôt en service d’oncologie. Lors de cette précédente expérience, je m’étais occupé de Mme G., alors, consciente, cohérente et autonome et j'avais pu établir, avec elle, une relation de confiance. La retrouver ainsi quelques semaines plus tard me surprenais. Suite à l’information donnée par l’aide-soignante, l’infirmière et moi décidons d'entrer dans la chambre, l’oxygène ainsi que tous les dispositifs médicaux sont éteints par l’infirmière. Quant à moi, je me dirige vers la patiente, je lui remets son bras près de son corps et, en lui caressant la main, je lui murmure à l’oreille : « Bonne route ! ». L’infirmière m’invite à sortir de la chambre, elle me dit alors que nous nous occuperons de la dame plus tard et que nous allons finir le tour des médicaments. Ce que nous faisons.
J’ai donc voulu traiter de la mort et de ce que les soignants qui y sont confrontés ressentent, de ce qui peut les mettre en difficulté et de ce qu’ils mettent en place pour y remédier.
Entre temps, une infirmière qui a pour horaires 8h/16h arrive, elle nous signale qu’elle va commencer à s’occuper de la dame et que nous pourrons la rejoindre quand nous aurons terminé.
Je retrouve donc plus tard cette infirmière dans la chambre de Mme G. Elle vient de finir d’enlever tous les dispositifs médicaux (sonde urinaire et aiguille de Huber). Elle s’apprête à commencer la toilette mortuaire afin d’habiller la dame et ainsi la rendre présentable aux yeux de la famille.
Nous commençons donc la toilette mortuaire en silence. Une aide-soignante entre alors dans la chambre et nous continuons ce soin à trois. Puis une seconde aide-soignante accompagnée de l’infirmière du matin nous rejoignent. Nous sommes alors cinq soignants dans la pièce, mais trouvons tous notre place. Chacune s’occupe de quelque chose, sortir les habits, faire l’inventaire, laver, sécher…
Arrivent encore une autre aide-soignante accompagnée d’une élève aide-soignante, nous sommes maintenant sept soignants. L’équipe se réunissant ainsi autour de Mme G. , le soin se poursuit, chacune s’activant à une tâche, en discutant mais avec tout de même un regard bienveillant et des mots respectueux pour cette dame. Quand tout est terminé, nous rangeons le matériel et laissons la chambre débarrassée, le moins médicalisée possible avec, au milieu, Mme G., dans son lit, couverte jusqu’au milieu de la poitrine par un drap blanc. Elle est habillée d’une tunique mauve et a un visage apaisé.
En quoi certains facteurs influencent-ils les réactions du personnel soignant lors d’une prise en charge de décès ?
Pendant ce soin ultime, je remarque que chacune d’entre nous a eu subtilement un geste, une attitude, une parole tendre pour cette dame. Pour l’une, il s’agissait de la recoiffer, pour l’autre de lui mettre un peu de parfum, une autre soignante lui caressait la main, tandis que sa collègue lui effleurait le visage. Chacune rendant alors à sa manière un dernier hommage à cette personne. Moi-même je répétais régulièrement qu’elle était belle. Nous quittons la chambre et je me rappelle avoir lancé un dernier regard sur le corps de Madame G.. Avant de fermer la porte, je me souviens avoir eu ce sentiment, qu’une fois la porte close, quelque chose aurait changé. Comme si, une fois le seuil franchi, la patiente était vraiment décédée. J’ai pris conscience que cette toilette était en fait le dernier soin que nous faisions pour elle. Par la suite, les procédures se sont enchainées avec l’annonce du décès à la famille et son accueil dans le service. Nous avons reçus, dans un premier temps, dans le bureau infirmier, puis nous l'avons accompagnée auprès de Mme G., pour qu'elle puisse se recueillir une dernière fois. L’infirmière m'a laissé participer à toutes ces démarches. Beaucoup d’émotions et d’empathie émergeaient de nos attitudes lors de cet entretien avec la famille. Plusieurs fois, j’ai cru devoir quitter la pièce pensant que j’allais me laisser submerger par mes émotions suite à ce décès et face à cette famille anéantie. J’ai également ressenti cette souffrance chez l’infirmière, mais ni l’une ni l’autre n’avons laissé les émotions nous envahir et nous avons guidé la famille de Madame G. dans les dernières démarches à accomplir. Est venu ensuite pour moi le temps de repartir m’occuper des autres patients. Je me rappelle avoir souri, ri et plaisanté, les soins continuant, la vie continuant...
Cette situation a naturellement construit ma question de recherche : « En quoi les émotions des soignants influencent-elles la prise en charge post-mortem d'un patient ? »
Lire le TFE – « Les soignants et la toilette mortuaire : la fin d'une histoire ? » (PDF)
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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