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Chômage infirmier : qu’en est-il vraiment ?

Publié le 15/11/2012
Chômage infirmier : qu’en est-il ?

Chômage infirmier : qu’en est-il ?

Dans un article publié à la fin du mois d’octobre et intitulé « Du chômage pour les infirmières... », l’auteur signalait un « phénomène bien étrange » : sur plusieurs forums d’Infirmiers.com, beaucoup de soignants s’inquiétaient de ne pas trouver un emploi, surtout s’ils étaient jeunes diplômés.

Étrange en effet, parce que jusqu’à présent, il était plutôt question de pénurie infirmière. Si la situation était confirmée, ce serait même une caractéristique majeure de la profession qui disparaîtrait : pour ses membres, la certitude quasi absolue de trouver un emploi, fait rare dans un marché du travail réputé pour avoir une demande plus abondante que l’offre (ce qui demande à être fortement nuancé, mais c’est un autre problème).

Comment en avoir le cœur net ? Eh bien, ça n’est pas possible : il n’y a aucune source de données, officielle ou pas, qui permette d’avoir une vue à la fois globale et détaillée de la situation. Les chiffres des effectifs de la profession infirmière ont été publiés en début d’année, avec une nouvelle méthode pour les améliorer, mais ils ne sont pas absolument fiables (parce que restant fondés sur les données du fichier ADELI, bien imparfaites). Cependant il faut d’emblée signaler que si, entre temps, une pénurie de demandes et non plus d’offres s’était constituée, ce serait un tournant brutal et qui contredirait tous les travaux prospectifs publiés sur le sujet depuis plusieurs années.

Quelques constats...

Il n’en reste pas moins que de très nombreux témoignages font état de difficultés à trouver un emploi, surtout pour les jeunes diplômés et pour les infirmier(e)s qui ont changé de région. Que se passe-t-il ? Là encore, il n’est pas possible d’avoir des certitudes. En revanche, on peut tenter un état des lieux sommaire en partant des forums, des commentaires à l’article publié et des responsables d’EMPLOI Soignant.

- Premier constat : le problème ne touche pas toutes les régions. Il est surtout manifeste au nord du pays (mais pas à Lille) et en Bretagne, et inexistant dans les régions ensoleillées, ce qui correspond à la carte de la densité professionnelle depuis de nombreuses années. Pour certaines régions (Alsace, Normandie, par exemple), les témoignages sont contradictoires.

- Deuxième constat : le problème touche essentiellement les emplois hospitaliers, bien moins les autres, et dans ces emplois, ceux des CHU (par exemple, Bordeaux). En revanche, cliniques privées et Ehpad semblent continuer à embaucher, quoique pas partout.

- Troisième constat : l’emploi intérimaire est touché de plein fouet. La chute d’activité est importante, mais pas seulement pour les métiers de la santé. C’est un phénomène classique en période d’incertitude économique : les personnels intérimaires servent de « variable d’ajustement », comme disent les économistes. En bref : l’emploi intérimaire global augmente par rapport à l’emploi total, parce que ça permet aux employeurs de gérer plus facilement leur masse salariale (surtout en France, où les accords sur la « flexibilité » ont du mal à exister) ; mais il diminue par à coups, dans les périodes où les employeurs cherchent à diminuer leurs coûts.

Quelques explications

Comment expliquer ces constats ? Là encore, nous n’avons que des hypothèses, plus ou moins fondées.

- Ce sont les gens qui ont des problèmes qui s’expriment préférentiellement sur les forums. Certaines personnes ont du mal à trouver un emploi, mais il y a un effet de loupe qui grossit considérablement ce phénomène.

- La situation est conjoncturelle :

  • la première promotion (2009-2012) issue de la réforme des études infirmières arrive sur le marché du travail, en avance par rapport aux autres années (la promotion 2008-2011 a été embauchée il n’y a que six mois) ; les établissements engageront dans quelques mois, à partir de janvier-février ;
  • certains employeurs seraient réticents à embaucher des jeunes qu’ils estiment mal formés par les nouvelles études et attendraient pour ce faire qu’ils aient une expérience professionnelle confirmée.

- Les demandeurs d’emploi, surtout s’ils sont jeunes diplômés, rechercheraient d’abord du travail en établissement hospitalier, dans des services qui les intéressent, alors que les offres d’emploi porteraient surtout sur les établissements et services orientés vers les personnes âgées, qui les intéressent beaucoup moins et pour lesquels ils ne se sentent pas formés.

- En se basant sur les rapports de la Cour des Comptes, on constate d’une part, que les difficultés financières sont très inégalement réparties d’un hôpital public à l’autre et concernent en majorité les CHU ; d’autre part, que la gestion des ressources humaines est elle aussi très variable d’un établissement à l’autre, avec des problèmes de sous-effectifs ou de sur-effectifs, et d’ailleurs, de façon surprenante, souvent indépendants de la santé financière globale de l’établissement considéré. En bref, les difficultés financières de tel ou tel hôpital peuvent expliquer tel ou tel problème de recrutement, mais il faut examiner les situations au cas par cas pour en être sûr : il peut aussi ou de plus s’agir de choix de gestion des personnels.

- Les budgets hospitaliers sont de plus en plus contraints. Le personnel représentant en moyenne 70 % de leurs dépenses de fonctionnement, les directions augmentent l’intensité du travail des personnels en place au lieu d’embaucher. Ainsi depuis plusieurs années, l’Ondam (objectif national des dépenses d’assurance maladie, voté par le Parlement) préconise de ne remplacer que neuf emplois absents sur dix. De plus, l’augmentation du nombre de personnels ralentit pour la première fois cette année.

- Contrairement à une idée répandue, la durée de la vie professionnelle des infirmières à l’hôpital public est grande. Ce qui signifie que, un hôpital qui embauche une infirmière en CDI s’engage sur le long terme dans la plupart des cas. Or l’avenir est incertain : non seulement du fait des restructurations et autres changements organisationnels, mais parce que les soins eux aussi changent, ce qui implique des modifications des méthodes de travail, donc de la gestion des personnels. Pour certaines directions, la visibilité n’étant pas optimale, la tentation est forte de gérer au jour le jour sans engager trop de professionnels pour ne pas en être encombrées plus tard. Pour d’autres, il peut s’agir de n’embaucher que dans les secteurs privilégiés (plusieurs hôpitaux se dirigent actuellement vers des activités où ils sont censés exceller, au détriment des autres). Les uns comme les autres n’engageront pas à tours de bras …

Pour ne pas conclure...

Que conclure ? Hélas ! Pas grand chose : il faut attendre pour avoir une idée plus précise de la situation. Mais un retournement de l’emploi infirmier serait franchement surprenant. S’il s’avérait exact, les infirmières perdraient une de leurs cartes majeures pour la reconnaissance de leur profession. Il est donc compréhensible qu’il y ait de l’inquiétude, même si cette carte n’a été que rarement jouée dans le passé.

  • Remerciements - Je remercie les contributeurs aux forums et les commentateurs de l’article d’Audrey Demeillez « Du chômage pour les infirmières... », en espérant vivement que l’article présent ne les déçoit pas... ainsi que Bruno Benque, Isabelle Bayle, Isabelle Bonnefoy, Antoine Huron, Didier Morisot, Christophe Pacific, Michaël Perchoc, Sabrina Ribaud, Sylvie Robillard, Pascal Vasseur, tous membres du comité de rédaction d’Infirmiers.com, pour leurs courriels précieux, et bien sûr Bernadette Fabregas, sans qui ces échanges n’auraient pas eu lieu.

Serge CANNASSE Rédacteur Infirmiers.com http://www.carnetsdesante.fr


Source : infirmiers.com