Ichiko est infirmière à domicile. Douce, impliquée au-delà de son travail (elle s’occupe des membres d’une famille, de la grand-mère malade aux petites-filles qu’elle aide à réviser le soir), elle est très appréciée de ses employeurs. Tout bascule le jour où la cadette disparaît et que l’infirmière se retrouve soupçonnée de complicité dans cette affaire. Est-elle folle ? Une machiavélique manipulatrice ? Une victime ? Le film, haletant jusqu’au bout, ne permettra pas au spectateur de trancher, révélant à la place la duplicité de l’héroïne et l’absurdité du monde.
C’est un film déroutant, du début à la fin. Une femme, une infirmière dévouée, se met, à la lumière d’un événement médiatisé, à révéler peu à peu une part plus sombre de sa personnalité. L’attitude trouble de cette professionnelle d’apparence sans histoire se met à interroger. Enfoncé dans le siège (rouge) de la salle obscure, on se met à douter : cache-t-elle un lourd secret ? Est-elle possédée ? Est-elle la malheureuse victime d’un emballement médiatique ?
Kôji Fukada, réalisateur japonais de 40 ans, vient du théâtre et du cinéma d’animation. Pour le grand écran, il s’essaye à différents genres. On lui doit notamment le film d’animation La Grenadière
, adaptation de la nouvelle d’Honoré de Balzac, une chronique estivale avec Au revoir l’été
, le drame Sayonara
, ou encore le thriller psychologique Harmonium
(prix du jury Un certain regard
à Cannes). C’est de nouveau à un thriller psychologique qu’il s’attaque cette fois avec L’infirmière
.
Le mystère rapidement s’épaissit alors que l’employée modèle entame une lente descente aux enfers. L’atmosphère change. Les regards sur elle changent. Le nôtre aussi, qui cherche en vain une vérité solide sur laquelle s’appuyer, se reposer. Le réalisateur ne le permettra pas. Peu à peu l’infirmière perd tout, son travail, sa propre famille (un homme et l’enfant de cet homme), sa réputation. Alors que la logique voudrait qu’elle crie à l’injustice qui d’abord apparaît évidente, sa passivité exaspère et déroute. Ichiko apprend à ses dépens que la position sociale, l’estime de soi et les liens humains sont comme les différents étages d’un bâtiment construit sur un sol sablonneux
, écrit le réalisateur dans sa note d’intention. Ichiko, mise au ban de la société, s’enfonce dans les ténèbres du soupçon. En proie à des hallucinations, ou à des rêves étranges qui se confondent avec la réalité (le réalisateur a voulu filmer le rêve exactement comme il filme la vie quotidienne pour brouiller les pistes), l’héroïne s’isole et se laisse aspirer.
(Avec l’actrice principale), nous avons fait des recherches en allant dans un poste de soins infirmiers, comme celui que vous voyez dans le film. Nous sommes tous les deux allés faire des recherches, mais en plus, elle est allée avec une infirmière assister une patiente atteinte du cancer, le réalisateur Kôji Fukada.
Inconfort
Mais alors que l’on attend, tendu vers l’issue finale, une réponse à nos questions, il nous faudra plutôt accepter la réalité mouvante et inconfortable car le réalisateur a choisi de ne pas nous contenter. C’est le doute, l’implacabilité de ce monde et l’absurde qui triompheront – comme les véritables sujets du film- portés par le jeu subtil de l’actrice principale (Mariko Tsutsui). Dans ce film et à travers le personnage d’Ichiko, je voulais parler de la force et de la détermination des hommes qui poursuivent leur vie malgré l’absurdité de l’existence
, nous dit Koji Fukada. Son long-métrage, construit autour de deux temporalités qui coexistent, apparaît comme une réflexion sur la duplicité, sur le pouvoir néfaste des médias et du tribunal public (des questions très actuelles), et sur l’insondabilité de l’âme humaine.
Découvrez la bande-annonce du film, sur les écrans le 5 août
L’infirmière, un film de KÅÂji Fukada, (1 h 44), sortie sur les écrans : le 5 août.
Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin
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