Comment fonctionnent les vaccins anti-Covid ? Faut-il s’inquiéter de la rapidité de leur élaboration ? Dois-je effectuer le rappel du vaccin ? Autant de questions que les patients peuvent avoir envie de poser à leurs soignants. Pour que vous, infirmiers, vous puissiez leur apporter des réponses précises, nous avons demandé à Brigitte Autran, professeur Emerite à la Faculté de Médecine Sorbonne-Université, membre du Comité Scientifique sur les vaccins anti-covid et membre du Conseil de la stratégie vaccinale anti-covid, de faire le point sur des questions choisies.
Infirmiers.com : A quoi sert la vaccination anti-Covid ?
Brigitte Autran : Le premier objectif du vaccin anti-Covid est de protéger contre la maladie Covid. Le second est de protéger contre l’infection et donc contre la transmission du virus. Normalement les vaccins sont faits pour protéger contre l’infection et la maladie. Dans le cas de l’épidémie de Covid-19, l’urgence était telle que lorsque l’on a fait les essais cliniques du vaccin, on a établi, comme toujours, un critère primaire d’évaluation basé sur la prévention de la maladie Covid. A ce jour, nous avons donc des résultats complets et définitifs pour les vaccins ARN sur leur capacité à prévenir la maladie Covid et nous connaitrons bientôt le résultat de leurs critères secondaires, qui nous permettront de savoir si oui ou non ils permettent de prévenir aussi l’infection. J’ai évoqué le vaccin ARN mais ceci est valable pour tous les vaccins utilisés contre le Covid-19. Tous les essais cliniques ont été conçus de la même manière.
Infirmiers.com : Nous avons peu de recul sur le vaccin contre le Covid-19… dans ces conditions, faut-il s’inquiéter d’une vaccination ?
Brigitte Autran : Les essais cliniques ont été réalisés dans le respect absolu des règles de sécurité et des règles de description des effets indésirables potentiels des vaccins. A l’heure actuelle, il n’a pas été observé de signalement d’effets indésirables graves de ces vaccins . Nous avons relevé des effets type fatigue ou un peu de fièvre, mais ce sont les effets habituels de tous les vaccins qui disparaissent en moins d’une semaine. Nous avons aujourd’hui le recul nécessaire sur plus de 100 000 personnes vaccinées pour dire que tout se passe bien.
Malgré tout, lorsque l’on passe du niveau de l’essai clinique (et ce même si l’on a testé des centaines de milliers de personnes) à la population générale, on change d’échelle (on passe alors à des millions de personnes). On peut alors détecter des événements exceptionnels – mais cela, personne ne peut le prédire.
D’autre part, au cours des essais cliniques, on écarte les sujets allergiques, les sujets qui ont une pathologie grave sous-jacente parce qu’ils ne répondraient pas bien au vaccin ou parce qu’on ne peut pas leur faire courir de risque. Donc pour ces personnes-là, les essais cliniques ne donnent pas d’information, mais ça n’est pas particulier au vaccin Covid. C’est vrai pour tous les médicaments et pour tous les vaccins. On procède toujours de cette façon-là.
Pour conclure, on n’a pas plus de raisons de s’inquiéter de ce vaccin en particulier, car toutes les règles ont été respectées et que pour l’instant, tous les voyants sont au vert.
Le vaccin n’est pas un outil accessoire de la médecine, mais un outil au contraire fondamental.
Infirmiers.com : Que dois-je faire en cas d’effet indésirable ?
Brigitte Autran : En cas d’effets indésirables, le mieux est d’appeler la personne qui a vacciné (son médecin, son infirmier…) mais on peut aussi déclarer directement soi-même l’effet indésirable sur le site de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament, ou bien encore se rendre à la pharmacie pour en faire état. Il y a donc plusieurs procédures qui nous permettent soit de faire soi-même la démarche, soit de passer par un professionnel de santé. Ces données sont ensuite collectées. L’agence du médicament s’est préparée à réaliser une analyse des données de masse et s’est engagée à fournir un rapport hebdomadaire sur les effets relevés.
Infirmiers.com : Comment la recherche a-t-elle fait pour produire un vaccin aussi rapidement dans le cas précis du coronavirus ?
Brigitte Autran : Cette rapidité a été permise par des technologies nouvelles, qui n’ont pas été développées spécifiquement pour le vaccin contre le Covid-19 mais depuis une vingtaine à une trentaine d’années. Elles se fondent sur les progrès scientifiques qui permettent de détecter très rapidement le génome des agents infectieux (que ce soit une bactérie ou un virus). On est aujourd’hui capable d’extraire du génome le gène qui code (qui donne l’instruction pour) la synthèse de la partie du virus qui est la cible des défenses immunitaires. Dans le cas du Covid, la cible des défenses immunitaires protectrices s’appelle la spicule
(ces petits éléments en flèche qui font cet effet de couronne autour du coronavirus).
Grâce au génie génétique, on peut extraire facilement le gène qui donne l’information pour la synthèse de ce composant, que l’on l’introduit dans un virus inoffensif. C’est la stratégie de plusieurs vaccins appelés vecteurs vivants atténués recombinants
actuellement utilisés contre le coronavirus. C’est aussi cette technologie qui est utilisé dans de nombreux vaccins modernes et qui avait notamment permis de développer rapidement un vaccin contre Ebola. C’est donc une conquête médicale qui date de la fin du XXe siècle et des 15 premières années du XXIe siècle.
Une autre méthode existe. Plus récemment, on a utilisé cette stratégie du génie génétique pour traduire l’information génétique qui se trouve dans l’ADN du virus en ARN messager (copie qu’établissent toutes nos cellules mais aussi tous les êtres vivants). C’est un peu technique mais le code génétique est porté par l’ADN et pour que l’ADN soit transformé en protéines, il faut qu’il y ait un intermédiaire qu’on appelle l’ARN Messager. Aujourd’hui, on est capable de réaliser cette traduction de l’ADN en ARN Messager en laboratoire et donc de synthétiser de l’ARN Messager. En d’autres termes, cette stratégie utilisée dans les vaccins ARN Messager, qui est la plus simple qu’on puisse imaginer, est la plus rapide et la plus directe puisqu’on vaccine directement avec l’ARN. L’ARN va être injecté dans les cellules du muscle mais ne pénètre pas dans leur noyau (il ne s’agit pas de thérapie génique) et va donner l’instruction de produire la protéine virale contre laquelle le corps doit produire des défenses immunitaires puis est très rapidement dégradé dans l’organisme. C’est la raison pour laquelle ce vaccin a été élaboré très rapidement : il s’agit d’une stratégie très simple, qui avait déjà été élaborée pour réaliser des vaccins contre la grippe, contre le Chikungunya, contre le virus Zika… Pour autant, ces vaccins avaient été testés lors d’essais cliniques de phase 1 et 2, mais n’avaient jamais atteint le niveau 3 – tout simplement parce qu’à l’époque il n’y avait pas d’urgence- et c’est donc avec le Covid que cette stratégie est arrivée en phase 3 et qu’elle a montré son efficacité remarquable. En fait, c’est une très belle aventure scientifique et une avancée formidable de pouvoir développer rapidement un vaccin sans brûler les étapes de sécurité. Cela représente une avancée majeure.
Infirmiers.com : Un nouveau variant du coronavirus SARS-CoV-2 a été détecté : faut-il s’en inquiéter ? Devons-nous craindre d’autres mutations ?
Brigitte Autran : Oui, il y a de fortes chances pour que le virus poursuive ses mutations. Le SARS-COV 2 a été introduit il y a un an dans l’espèce humaine. Il va s’adapter, c’est-à-dire qu’il va être obligé de muter pour ne pas être détruit par nos défenses immunitaires. C’est la règle de la vie, tous les êtres vivants s’adaptent à leur milieu. Il va donc forcément muter. La question est de savoir s’il va muter de façon à échapper au vaccin. Pour l’instant ça n’est pas le cas : le variant issu d’Angleterre (qui s’est maintenant répandu dans le monde entier), n’échappe pas au vaccin. C’est-à-dire que les défenses immunitaires qui ont été développées grâce au vaccin par les gens qui ont été vaccinés leur permet également de se protéger contre ce variant-là (tout simplement parce qu’il a muté dans une région qui n’affecte pas les défenses immunitaires). Mais rien n’interdit de penser que d’autres variants peuvent survenir. Ce que l’on sait aujourd’hui, c’est qu’a priori ce virus mute moins que le virus de la grippe et du Sida par exemple. Donc oui, c’est un mécanisme normal de survie des espèces, il faut s’y attendre, et la bonne nouvelle, c’est que les stratégies modernes de développement de vaccins permettent de s’adapter très rapidement, de développer très rapidement des vaccins.
Pour l’heure, les défenses immunitaires qui ont été développées par les gens qui ont été vaccinés leur permet également de se protéger contre le variant venu d’Angleterre.
Infirmiers.com : Etre vacciné me permet-il de me passer des gestes-barrière ? M’empêche-t-il de contracter la maladie ? M’empêche-t-il de la transmettre ?
Brigitte Autran : Le vaccin empêche de développer la maladie, on ne sait pas encore s’il empêche d’être infecté, donc il faut conserver les gestes barrières.
Infirmiers.com : Combien de temps les effets de la vaccination sont-ils valables ?
Brigitte Autran : Ce que l’on peut affirmer, c’est que l’efficacité du vaccin dure au moins 3 à 6 mois (nous n’avons pas plus de recul). Ce que l’on peut faire comme hypothèse, c’est que cette réponse immunitaire semble être du même type que toutes les réponses immunitaires contre les autres vaccins et que donc, a priori, l’efficacité du vaccin contre le Covid devrait durer plus longtemps. Cela dit, tant qu’on n’en a pas la preuve, on ne peut l’affirmer. Devra-t-on se faire vacciner à nouveau, plus tard ? Même chose, nous ne pouvons pas encore répondre à cette question. Nous n’avons pas le recul nécessaire.
Infirmiers.com : Les trois injections sont-elles indispensables ?
Brigitte Autran : Oui, elles sont indispensables. Une seule injection ne protège qu’à 50% et on ne sait pour combien de temps. Une seconde injection protège de 90 à 95%, elle est de plus nécessaire pour consolider la mémoire immunitaire et donc la durabilité du vaccin donc bien sûr, il faut faire ces autres injections.
Infirmiers.com : Pourquoi certains professionnels de santé sont-ils réticents à la vaccination ?
Brigitte Autran : Leur réticence vient essentiellement d’une mauvaise information, de canaux d’information qui ne sont pas les bons (je pense notamment aux réseaux sociaux). Quand on est professionnel de santé, on doit quand même être conscient des règles de sécurité de développement des nouveaux médicaments et des nouveaux vaccins. Si on croit en l’efficacité d’un médicament pour le cœur, le foie, le rein, ou d’un antibiotique, Il n’y a pas de raison de mettre en doute davantage l’efficacité et la sécurité d’un vaccin. Un vaccin est un produit de santé comme les autres. Alors c’est vrai qu’il y a eu dans notre pays des scandales sanitaires, (il y en a d’ailleurs eu dans d’autres pays), mais les règles qui contrôlent le développement des vaccins et des médicaments se sont durcies au fil du temps, ces règles sont extrêmement dures aujourd’hui, et c’est bien. Il faut donc savoir faire confiance : à partir du moment où toutes les règles de sécurité ont été respectées, où les lois anti-corruption ont été mises en place, où les résultats des essais cliniques sont favorables, il n’y a pas de raison de s’inquiéter. Le vrai problème c’est la désinformation. Je pense aussi que dans le cursus universitaire des soignants, et même dans les enseignements post universitaire des professionnels de santé, la place accordée à l’enseignement de la vaccination n’a pas été assez importante. C’est le cas d’ailleurs de la prévention en général en France qui n’est pas assez enseignée. Le vaccin n’est pas un outil accessoire de la médecine, mais un outil au contraire fondamental. Il faut l’enseigner.
Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin
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