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CROYANCES

Toilette funéraire : rôle et place des infirmiers selon les croyances

Publié le 15/03/2021
Toilette funéraire

Toilette funéraire

Prendre en charge le défunt et sa famille, respecter leurs rites et leurs croyances : les professionnels de santé sont parfois démunis devant ces situations. Faisons le point pour les faciliter autant que possible car accomplis à la mémoire du défunt, indépendamment de toutes croyances, les rites funéraires – dont la toilette funéraire – favorisant le travail de deuil des vivants.

Un infirmier assisté d’un aide-soignant du service prépare le défunt avant sa présentation aux proches

Se trouver confronté au décès d’un patient fait partie des situations rencontrées tout au long de la carrière d’un soignant. Pour se préparer à accomplir les soins prodigués au défunt, toilette en particulier, connaître les usages et autres rituels permet de respecter au mieux les souhaits et croyances éventuelles des disparus et de leurs familles. Voici quelques clés utiles.

Premières démarches au moment du décès

Le médecin du service ou de garde est appelé pour constater le décès (après quoi les soins mortuaires peuvent débuter selon un protocole établi par l’établissement) et remplir les formalités administratives d’usage. Dès lors, le décès est noté sur le cahier de rapport et un membre de l’équipe soignante prévient les proches du défunt. On recherche dans le dossier une opposition à une autopsie, un don du corps à la science ou un contrat obsèques, dont le cadre de santé est informé si l’un d’eux est mentionné. Pour rappel, toute personne en fin de vie doit être en chambre seule (1). Néanmoins, si le défunt est décédé en chambre double, des mesures sont prises pour respecter l’intimité des endeuillés comme celle du patient hospitalisé. Le transfert du corps vers la chambre mortuaire de l’hôpital est organisé par l’équipe soignante ; vers le funérarium privé ou le domicile par l’équipe médicale, l’administrateur et les pompes funèbres choisies par la famille. Les personnels de la chambre mortuaire sont informés du culte éventuel du défunt. L’inventaire des effets personnels du défunt est établi. Un document d’information sur les démarches à effectuer dans l’établissement (formalités administratives relatives au séjour, informations sur la chambre mortuaire...) et à l’extérieur (déclaration du décès, organisation des obsèques...) est remis à la famille.

IDE/AS : un binôme de première ligne

Un infirmier assisté d’un aide-soignant du service prépare le défunt avant sa présentation aux proches. Dans la mesure du possible, les dernières volontés du défunt et/ou de la famille sont respectées. Le plus souvent, les dispositifs médicaux sont ôtés, la bouche et les yeux fermés (2), le rasage évité (3), les bijoux enlevés et répertoriés sur le registre d’inventaire (4), les prothèses dentaires nettoyées et remises en place (5), les traces de sparadrap ôtées, les plaies suturées, les pansements renouvelés, un change complet mis (l’obstruction des orifices naturels n’est plus pratiquée), une chemise à usage unique enfilée, le corps mis en décubitus dorsal les bras le long du corps, le bracelet d’identité noué. Le corps aura été lavé à l’eau et au savon seulement si nécessaire.

La veillée funèbre, huis-clos familial

Le défunt sera ensuite présenté à la famille dans une chambre rangée et aérée, le lit est refait, les matériels médicaux évacués. Le corps est recouvert (ou non) d’un drap, y compris (ou non) le visage, selon indication des proches. Des chaises sont prévues pour les endeuillés, qui se recueillent et prient autour de la dépouille. Les objets de culte peuvent être autorisés, mais l’allumage de bougies et de bâtons d’encens est prohibé pour des raisons de sécurité, de même que les fleurs, les plantes et les offrandes pour respecter les conditions d’hygiène. Les personnels doivent faire en sorte que la tenue de la veillée ne dérange ni le fonctionnement du service ni le repos des patients. Aux heures d’ouverture de la chambre mortuaire, ils peuvent proposer à la famille de tenir cette veillée dans une salle de présentation ; en dehors de ces horaires, la tenue de la veillée peut se faire dans l’enceinte de l’établissement avec autorisation préalable de l’administrateur de garde. Dix heures maximum après le décès (6), le défunt repose en chambre mortuaire de l’hôpital (sauf s’il a été transporté en chambre funéraire privée ou au domicile). Avant sa mise en bière, les personnels de la chambre mortuaire lui pratiquent un complément de toilette et l’habillent avec le vestiaire remis par la famille. Celle-ci peut confier ces gestes à l’opérateur de son choix (7). La législation française n’ayant aucune exigence à propos de la toilette funéraire, celles ritualisées par le judaïsme et l’islam sont autorisées et effectuées en chambre mortuaire avant la levée du corps.

Que savoir des toilettes rituelles ?

Le judaïsme. La tahara (purification en Hébreu) est confiée à deux membres bénévoles de la Hévra Kadicha (sainte assemblée en Araméen) (8)) du même sexe que le défunt pour le débarrasser de toute impureté avant sa présentation devant le tribunal céleste. Certains interdits sont posés (pas de toilette le shabbat (9) et les jours de fêtes, absence des proches par respect pour le défunt dénudé...) et des rituels stricts respectés : le corps lavé au gant à l’eau et au savon, de la tête aux pieds, le côté droit puis le côté gauche, vidé de ses sécrétions avant d’être purifié par un rinçage continu avant d’être séché. Les cheveux sont coiffés. Les ongles sont coupés et nettoyés. Les bras sont mis le long du corps, les mains ouvertes. Le corps n’est ni habillé, ni paré d’accessoires car, comme il est venu au monde, il doit en repartir. Il est enveloppé dans un linceul blanc en lin ou en coton, identique pour tous afin de marquer l’égalité de chacun devant la mort. Si les hommes (10) sont enterrés avec leur châle de prière, aucun autre objet de culte ou personnel n’est accepté pour quiconque. Le corps est déposé par les deux bénévoles dans le cercueil (11) sur le dos, bras le long du corps. À partir de ce moment, le corps du défunt n’est plus touché.

Le christianisme. Aucune prescription particulière n’étant donnée pour la toilette du défunt, elle est assurée par les soignants ou les opérateurs funéraires. Les proches peuvent y participer (sauf maladie contagieuse). Par exemple, les Tziganes lavent leurs morts avec de l’eau salée pour aider l’âme à traverser les mers avant de rejoindre le Paradis ; les Antillais laissent une fenêtre de la pièce entrouverte pendant la toilette pour permettre à l’âme de rejoindre le Créateur ; moines et moniales orthodoxes sont lavés par deux membres de leur confrérie avec une éponge imbibée d’huile bénite, etc. Si les premiers chrétiens enveloppaient le corps des défunts dans un linceul à l’instar de Jésus, le port de vêtements et de chaussures (selon les usages coutumiers) est autorisé depuis le XVIIIe siècle, de même que le maquillage, les bijoux, prothèses, objets de culte et effets personnels. Cette pratique a pris la relève sur la tradition religieuse, nombreux étant ceux qui ont du mal à imaginer l’âme dépourvue de son enveloppe charnelle se présenter devant Saint-Pierre. Après habillement, les mains peuvent être jointes ou posées sur l’abdomen (pas avant). Il n’est pas rare que les familles d’origine d’Afrique, de Madagascar, d’Europe de l’Est ou Tziganes désirent effectuer la toilette de leur défunt en guise d’hommage. Il est préconisé de ne jamais les laisser seules pour parer à toute difficulté éventuelle. Leur participation est interdite en cas de maladie contagieuse.

L’islam. Le corps du musulman est lavé par deux bénévoles pieux ou membres de leur famille, du même sexe que le défunt (12), avant la mise en bière. Un proche assiste à la toilette, sa présence atteste que le corps a été purifié avant de se présenter à son Créateur. Les yeux et la bouche sont fermés, bijoux (même l’alliance) et prothèses amovibles sont ôtés. Le défunt est dévêtu. On le couvre d’une serviette du nombril à la moitié de la cuisse si c’est un homme, de la poitrine aux genoux si c’est une femme pour préserver sa pudeur. On presse son ventre et son bas-ventre pour le vider de ses sécrétions. On lave les parties intimes, puis le reste du corps avant de lui faire ses ablutions comme pour la prière (le corps est lavé de haut en bas trois fois, d’abord la partie droite, puis la partie gauche). Pour une femme, on dénoue ses cheveux, on les lave avant de les tresser. Le corps est séché, les parties touchant le sol sont parfumées lors de la prière (front, nez, paume des mains, genoux, plante des pieds), avant d’être enveloppé dans un linceul blanc, en lin ou en coton, sans couture, identique pour tous afin de marquer l’égalité des Hommes devant la mort. Ceux qui ont fait leur pèlerinage à La Mecque sont enveloppés nus dans l’irham, vêtement blanc en coton sans couture porté pendant leur périple. Dans le cercueil, le corps est couché sur le dos, les bras le long du corps, par les bénévoles.

Le bouddhisme. La toilette mortuaire est assurée par les soignants et les proches. Elle se fait à l’eau et au savon dans une économie de gestes et de mobilisations, lents et non agressifs, sans excès de lumière ou de bruit inopportun (y compris la parole). On évite tout geste invasif inutile (piqûre, injection, suture). Le parfum est utilisé sur autorisation de la famille. Le défunt est revêtu d’un habit (blanc ou noir selon le pays d’origine) et recouvert d’un drap (pour certains). La tête est maintenue droite, les bras le long du corps, les paumes tournées vers le bas ou les mains posées sur l’abdomen. Pendant la veillée, les pieds du défunt sont tournés vers l’ouest (direction de la mort).

Notes

  1. Décret du 14 janvier 1974.
  2. Pas de papier collant pour maintenir les paupières fermées (traces indélébiles).
  3. Le passage d’un rasoir mécanique ou électrique laisse des microcoupures sur la peau.
  4. Si impossible d’ôter bague ou bracelet, le noter sur registre d’inventaire et fiche de liaison avec la chambre mortuaire.
  5. Si impossible, les déposer dans une boîte à dentier et la faire parvenir avec le corps en chambre mortuaire, le noter sur le registre d’inventaire. Suivre les indications de la famille pour le remettre ou non en place. 
  6. Décret no 97-1039 du 14 novembre 1997 (et non 2 heures).
  7. Si pour les soins effectués sur un défunt aucun supplément n’est réclamé par l’institution publique, ceux effectués par un opérateur funéraire sont payants. Ils sont réglés sur facture après devis (obligatoire) par la famille.
  8. Ou Société du dernier devoir.
  9. Du vendredi de la tombée de la nuit au samedi après l’apparition des trois premières étoiles.
  10. Majorité religieuse à 13 ans pour les garçons, 12 ans pour les filles.
  11. Si le cercueil est interdit par le judaïsme et l’islam, il reste obligatoire en France pour tous.
  12. Des exceptions prévues pour les conjoints et les enfants.

Pour en savoir plus

Les soignants face au décès, Isabelle Lévy, Estem, 2009.

Isabelle Levy, conférencière - consultante spécialisée en cultures et croyances face à la santé, elle est l’auteur de nombreux ouvrages autour de cette thématique. @LEVYIsabelle2


Source : infirmiers.com