Le mois dernier, la Société de Réanimation de Langue Française (SRLF) était fière d’annoncer l’élection de Sylvie L’Hotellier au poste de Vice-Présidente paramédicale
. Pour cet organe scientifique né en 1971, nul doute que la nomination de l’infirmière, en exercice depuis vingt ans dans le service de médecine intensive - réanimation des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg et adhérente de longue date à la société savante, était une évidente nécessité pour porter les projets paramédicaux. A l’aune d’une mandature de deux ans, la toute nouvelle Vice-Présidente livre sa vision de la fonction et de la portée de son élection.
Infirmiers.com : Votre élection est un événement tout à fait remarquable dans le monde des sociétés savantes en France. Selon vous, quels sont les apports d’une Vice-Présidence paramédicale pour la SRLF, et, in fine, pour le patient ?
Sylvie L'Hotellier : C’est une première, c’est vrai. Aux Etats-Unis par exemple, les infirmières ont accédé à ce type de responsabilités depuis bien longtemps. Mais en France, le cheminement est plus long et se poursuit encore. Les mentalités sont plus difficiles à faire évoluer, le clivage des activités médicales et paramédicales est vivace et tend à freiner la progression. A contrario, la SRLF revendique l’interdisciplinarité et fait la part belle aux paramédicaux depuis de nombreuses années. Jusqu’en 2022, j’aurai plus particulièrement la charge des projets paramédicaux de la société. Globalement, mon objectif est de faire monter en compétences les différents personnels paramédicaux de la réanimation. En particulier et en lien avec la Fédération Nationale des Infirmiers de Réanimation (FNIR) dont je suis adhérente, je souhaiterais faire connaître et reconnaître les compétences spécifiques des soignants de réanimation et je pense qu’une réingénierie de la formation de grade Master 2 s’envisage à court ou moyen terme : on ne peut pas travailler en réanimation si on n’y est pas encadré, accompagné. L’expertise d’un infirmier de réanimation s’acquiert en plusieurs mois ; il semble naturel d’envisager une certification pour ces compétences diverses, aussi bien techniques que relationnelles. Par ailleurs, j’ai à cœur de favoriser l’évolution des aides-soignants, de faire en sorte qu’ils soient davantage représentés pour faire entendre leur voix et de favoriser la reconnaissance de leur expertise directe et de leur apport concernant les aspects concrets du soin. Dans les services, on ne travaille pas les uns sans les autres. Chacun d’entre nous le sait, il en va de l’intérêt supérieur du patient.
Si on s’intéresse à une question en particulier concernant la prise en charge des patients (et la profession en regorge), on doit s’y familiariser ; au fil des défis, ça devient de moins en moins dur, et surtout de plus en plus satisfaisant.
Infirmiers.com : Comment les collaborations pluridisciplinaires s’articulent-elles au sein de ce que la SRLF appelle elle-même « la maison de tous les professionnels de la réanimation » ?
Sylvie L'Hotellier : L’ensemble des acteurs qui interviennent dans le champ de la réanimation fonctionnent déjà ensemble, et ce tout à fait naturellement : Médecins, infirmiers, aides-soignants, kinésithérapeutes, psychologues… En réalité, nous n’avons pas à travailler sur cet aspect à la SRLF car tout est déjà en place sur nos lieux de travail. On retrouve donc cette collaboration au sein des commissions. En 2006, la SRLF a décidé d’ouvrir aux infirmiers une commission entièrement dédiée à son congrès national. Elaboration d’un programme, recherche d’intervenants, présentations de sessions… tout était déjà là, en gestation. Puis la place des infirmiers s’est faite progressivement mais sûrement. La représentation infirmière est par exemple aujourd’hui à nombre équivalent de médecins dans la commission dédiée à l’organisation des formations. Cette ouverture, pionnière d’un changement de mentalité nécessaire, a stimulé les esprits et les actes. Elle a amené les infirmiers à se familiariser avec la rigueur scientifique, à intervenir publiquement, à faire de la recherche (bibliographique, clinique…). Bien sûr, les débuts manquent parfois de fluidité, c’est difficile. Lorsqu’on termine ses études en soins infirmiers, on a tendance à se frotter les mains de savoir qu’après le TFE, toutes ces activités (jugées le plus souvent fastidieuses et rébarbatives) seront derrière nous. Mais si on s’intéresse à une question en particulier concernant la prise en charge des patients (et la profession en regorge), on doit s’y familiariser ; au fil des défis, ça devient de moins en moins dur, et surtout de plus en plus satisfaisant. La société finance d’ailleurs chaque année des bourses de recherche paramédicale dans le seul objectif d’améliorer la qualité des soins.
Pour être honnête, j’aimerais ne pas – ou ne plus – avoir à convaincre les autres acteurs concernés de l’utilité d’une telle démarche, mais également au sein du milieu professionnel.
Infirmiers.com : Plaideriez-vous pour un élargissement de ce fonctionnement dans d’autres sociétés savantes ? Si oui, que diriez-vous pour les convaincre ?
Sylvie L'Hotellier : Je crois que la question de la légitimité et de la crédibilité des paramédicaux ne se pose plus. Chaque société savante est maître de ses décisions. Pour être honnête, j’aimerais ne pas – ou ne plus – avoir à convaincre les autres acteurs concernés de l’utilité d’une telle démarche, mais également au sein du milieu professionnel. La satisfaction au travail, de même que la progression intellectuelle et professionnelle sont vertueuses : non seulement elles créent une émulation positive, mais elles encouragent par ailleurs la fidélisation des personnels en réanimation. C’est un secteur très éprouvant, qui fait peser sur les épaules des soignants de grosses responsabilités et qui est régi par de nombreux protocoles. Il n’est pas rare que les infirmiers le délaissent au bout de quelques années seulement. Pour poursuivre le sillon creusé par la SRLF et ouvrir des perspectives plus larges, disons-le : il faut vaincre certaines réticences hiérarchiques, créer les conditions nécessaires favorables à l’entreprise d’un cursus long, mettre en place des décharges horaires pour mener des activités de recherche… Au terme de mon mandat, j’espère que notre action aura eu valeur d’exemple.
Propos recueillis par Anne Perette-FicajaDirectrice des rédactions paramédicalesanne.perette-ficaja@gpsante.fr @aperette
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