Abroger et non pas simplement suspendre l’obligation vaccinale anti-Covid des soignants : c’est le sens de la proposition de loi qui a été adoptée jeudi 4 mai par les députés en première lecture, à 157 voix pour et 137 contre. Le texte, présenté par le Groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) à majorité communiste dans le cadre de sa niche parlementaire, s’inscrit dans un contexte où le gouvernement, suite à l’avis de la Haute autorité de santé, s’est prononcé pour la réintégration des soignants non vaccinés.
Un texte voté par les oppositions
Pour le gouvernement, le vote de cette proposition de loi est un échec. Début avril, la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale avait en effet fait le choix de se positionner contre la suppression de l’obligation vaccinale, lui préférant sa simple suspension afin de la conserver comme outil de lutte contre une éventuelle reprise épidémique. Les partis de l’opposition, en particulier au sein des députés d’Outre-mer, ne l’ont pas entendu de cette oreille, pour qui le décret qui doit paraître le 14 mai et qui précise notamment les modalités de réintégration des soignants non vaccinés ne va pas assez loin. « Le décret ne fera que suspendre les suspensions », laissant ainsi la possibilité au gouvernement d’y recourir à nouveau, a fait entendre Jean-Victor Castor (Guyane), auteur du texte. Ce dernier prévoit également que les agents « conservent le droit à l’avancement qu’ils possédaient avant la suspension. » Les députés de la majorité présidentielle (Renaissance, MoDem et Horizons) se sont tous prononcés contre la proposition de loi.
Consternation chez les soignants
Chez les organisations représentantes des soignants, la réponse, consternée, ne s’est pas fait attendre. « Remettre en cause la vaccination obligatoire des soignants est un désastre en termes de santé publique et de message adressé à la population », s’est agacé Daniel Guillerm, le président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI) auprès de l’AFP. Il y voit une « décision irresponsable », qui valide le discours des anti-vaccins et « hypothèque toutes les chances d’avoir une vaccination de masse de la population en cas de retour » de l’épidémie. Un discours que partage Jean-Marcel Mourgues, vice-président du Conseil national de l’Ordre des médecins, qui a exprimé son « incompréhension » face au vote des députés. « Le Covid tue plus que la grippe, avec 206 morts » en dernière semaine d’avril. « Il ne faut pas baisser la garde, même si nous ne sommes plus dans la même gravité qu’il y a trois ans », a-t-il prévenu. Arnaud Robinet, président de la Fédération hospitalière de France (FHF) a, quant à lui, dénoncé « une forme d’inconséquence » chez les députés, rappelant que la vaccination contre le Covid-19 « fonctionne et reste un élément fondamental de protection des plus fragiles comme des professionnels ».
« Le complotisme l’a emporté sur la science », a déploré le ministre de la Santé, François Braun, qui avait souhaité le retrait de l’examen du texte suite à sa décision sur la réintégration des soignants. Celui-ci va, selon lui, « affaiblir notre capacité de réponse » face au Covid-19 et envoie un « message regrettable ». « Si jamais une réinfection arrivait, nous serions désarmés », a abondé Philippe Vigier (MoDem). Les députés de gauche, eux, se sont attachés à rejeter les accusations de complotisme, Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, insistant notamment sur « le respect [qu’ils ont] pour les scientifiques, pour la vaccination ».
Des inquiétudes qui demeurent
Pour rappel, dans son avis, la HAS justifiait sa décision de lever l’obligation vaccinale par une diminution nette de la pression épidémique. Pour autant, si le nombre de décès dus au Covid dans le monde permet un retour à la normale, le comité d’urgence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) se réunissait ce jeudi 4 afin de décider du maintien ou non de l’alerte maximale, décrétée en janvier 2020, face à des incertitudes qui « persistent ».
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