Anne Bardas nous parle de sa passion pour la photographie qui constitue une grande partie de sa vie professionnelle. Parallèlement, elle exerce son métier d’infirmière. Diplômée depuis 2003, c’est aujourd’hui la Réanimation Chirurgicale du Centre Hospitalier Régional d’Orléans qui constitue une partie de son quotidien. Si la crise sanitaire a révélé son besoin d’immortaliser le travail des soignants afin "de ne jamais oublier", elle souligne cependant la chance qui est la sienne de pouvoir également s'évader en réalisant des photos sur un régistre beaucoup plus léger intéressant l'art, l'architecture ou la cuisine.
Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé prendre des photos. Je suis née dans une famille d’artistes et j’ai toujours été encouragée à exprimer ma créativité
, nous explique Anne. Si je dessine depuis toute petite, la photographie est vraiment présente dans ma vie depuis maintenant 10 ans. J’aime ce moyen d’expression. Il me permet de capter et figer des émotions, des expressions, des situations. La vie m’inspire et je peux donc passer beaucoup de temps à observer une rue, à mettre en scène un objet ou une personne pour trouver l’angle qui me paraît le plus pertinent et l’émotion qui me semble la plus juste
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Traiter les photos en noir et blanc afin d’apporter une note artistique à la violence des situations vécues. De plus, la bichromie renforce naturellement les expressions, et par voie de conséquence l’émotion qui s’en dégage
Première vague...
Lors de la première vague de Covid-19, cette crise sanitaire, éprouvante à bien des titres, lui a donné l‘envie de "figer les visages" de tous ceux qui ont œuvré dans cette lutte contre la Covid-19. Ce fut pour moi une véritable nécessité que de les photographier, à l’œuvre, actifs ou fatigués, soignants de notre réanimation, mais aussi venus d’autres services ou d’autres établissements de santé, pour nous prêter main forte. Je voulais également montrer à la face du monde qui nous étions, nous soignants, qui toute l’année, 24h/24, sommes là pour nous occuper des autres - et pas seulement en temps de crise
. Elle a sciemment choisi de traiter les photos en noir et blanc afin d’apporter une note artistique à la violence des situations vécues. De plus, la bichromie renforce naturellement les expressions et par voie de conséquence l’émotion qui s’en dégage
.
Pour prendre les photos pendant la crise sanitaire, j’arrivais avant ma prise de poste ou je partais plus tard. Manipuler l’appareil photo alors que j'étais habillée en protection COVID m'aurait mise en danger, et de toute façon le temps manquait…
Vague à l'âme...
En publiant le portrait de Romain, infirmier, l’un de ses collègues, sur son compte instagram, comme un clin d’œil à l’ensemble des soignants, Anne reçoit d’emblée un accueil très favorable. Mon projet "Les héros de mon quotidien" prenait alors forme. Ma hiérarchie et mes collègues y ont tous adhéré, naturellement. Cette série de portraits qui comporte aussi des photos de nos actes quotidiens pratiqués en réanimation s’est enrichie au fil de la crise, jour après jour, et les commentaires ont toujours été très encourageants. Au-delà de l’épuisement physique et psychologique de cette épreuve que nous avons traversée, je retiens surtout une grande leçon d’humilité face à cette première vague. Devant l’inconnu, nous étions tous égaux, il n’y avait plus réellement de hiérarchie, ni de jeunes ou "vieux" soignants dans la profession. Nous apprenions et avancions ensemble, ce qui a été très favorable en termes de cohésion d’équipe
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La spécificité de la réanimation implique de la réactivité et un fort esprit d’équipe face aux situations bouleversantes et stressantes que nous devons affronter au quotidien. Cette crise sanitaire nous l’a souvent douloureusement rappelé.
Deuxième vague...
Quelques clichés d’Anne sont actuellement exposés dans le hall du Centre Hospitalier Régional d’Orléans, permettant un accès libre au public et une prise de conscience de la dureté du soin habitée par ses acteurs. Ces clichés ont été vus par la ministre de l’autonomie, Brigitte Bourguignon et par Gabriel Attal, porte-parole du Gouvernement, lors d’une visite dans notre établissement, poursuit Anne. Je suis heureuse qu’ils aient pris le temps de regarder les visages de mes collègues et de s’imprégner de notre quotidien au travers des légendes que j’avais rédigées
.
Ces visages aujourd'hui, ce sont à nouveau les mêmes… Pour cette seconde vague que nous avions présagée depuis bien longtemps, nous n’avions pas envie. Pas envie de revivre tout ça… ces heures de travail accumulées, cette fatigue, ces situations angoissantes, violentes sur le plan psychologique… et pourtant nous n’avons pas eu le choix,
poursuit Anne. À la différence, cette fois-ci, tandis que l’autre réanimation prenait en charge exclusivement les patients COVID+, notre réanimation chirurgicale est devenue réanimation polyvalente pour ne s’occuper que des patients non covid, les oubliés des médias et de la population. Nous travaillons à un rythme infernal, faisons entrée sur entrée entre arrêts cardiaques, tentatives de suicide, accidents de la route et domestiques, pathologies cancéreuses, décompensation respiratoire… et ce avec beaucoup moins de renfort. Nous sommes fatigués
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La vie... c'est comme les vagues...
« J’avance aujourd’hui sur les deux fronts, hospitalier et photographique, dans une conjoncture incertaine puisque rythmée par la crise sanitaire », poursuit Anne. Sur le plan photographique, je travaille actuellement sur le projet d’une collectivité en prévision de "la journée de la femme 2021". Je collabore aussi avec une boutique de décoration. J’aime aussi beaucoup la rigueur de la photographie culinaire et mettre en valeur un créateur avec ses réalisations
.
En cette fin d'année, Anne est comme chacun d'entre nous, elle ne sait pas de quoi demain sera fait, elle espère et doute à la fois. J'ai parfois l'impression que plus rien ne sera comme avant et que les situations difficiles, tendues, peuvent se renouveler. Comme mes collègues infirmiers et plus largement soignants, j'appréhende déjà une troisième vague en début d'année. Combien de temps tiendrons-nous à ce rythme ? Dans ce monde de contraintes qui constitue aujourd'hui notre quotidien, j'ai cependant la chance de m'offrir des moments d'évasion grâce à mon activité de photographe. Je m'y exprime, je rêve, je me créé des espaces de liberté. Si j'ai un voeu à formuler, c'est que chacun puisse trouver dans sa vie "un petit quelque chose" qui lui fasse du bien, une petite parenthèse qui lui permet de s'oxygéner, de se régénérer : lire, danser, écrire, cuisiner, méditer... l'important est plus que jamais de prendre soin de soi.
Découvrir le travail photographique d’Anne sur Instagram : ou sur sa page facebook
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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