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Soignants et vaccination anti COVID-19 : quid du principe d’exemplarité ?

Publié le 06/01/2021
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Dans un climat de défiance généralisée contre la vaccination en France, les professionnels de santé ont un rôle à jouer pour lutter contre le "vaccinoscepticisme", rappelle l'Organisation Mondiale de la Santé. Notamment en montrant l'exemple, analyse-t-elle dans un rapport du 15 octobre 2020. Pourtant on le sait, les doutes n'épargnent pas les soignants, parfois même opposés à la vaccination. Comment, dès lors, concilier intimes convictions et métier infirmier, alors que les autorités sanitaires comme l'Ordre comptent désormais sur les forces vives infirmières ? Alexis Bataille, aide-soignant par ailleurs étudiant en soins infirmiers, soumet son analyse du paradoxe... épineux. 

"Face à l’enjeu vaccinal, beaucoup de soignants eux-mêmes sont dubitatifs".

Du latin convincere qui veut d’abord dire prouver que, démontrer, dénoncer, le verbe convaincre est sur toutes les lèvres médiatiques à l’heure où débute timidement la campagne de vaccination COVID-19 sur notre territoire. En effet, la population française marque le pas de sa réfractivité et contracte les muscles devant l’aiguille du vaccin. Aussi, l’acteur central de la démonstration thérapeutique revient, bien entendu, aux professionnels de la santé en leur qualité d’immuables promoteurs de ce dernier bien précieux. En cela, les soignants dans leur ensemble n’ont eu de cesse de plaider pour une seule chose durant toute cette année 2020 : la santé a un prix, celui de la vie. Ils en ont été les garants. Pour autant, face à l’enjeu vaccinal, beaucoup de soignants eux-mêmes sont dubitatifs.

Partiellement paradoxale, cette réaction épidermique de la communauté soignante n’est pas nouvelle. Par exemple, chaque année, la vaccination antigrippale n’emporte pas l’adhésion franche des professionnels de santé, toutes catégories confondues, du médecin à l’agent de service. En cela, la défiance témoigne, d’une part, du fait que le soignant, en dépit du fait qu’il soit sachant, n’est pas exempt d’a priori en ce qui concerne la maîtrise de son propre état de santé. Il est Homme, sujet d’une société, au cœur de systèmes d’influences intrinsèques et extrinsèques. A ce titre, il exprime les mêmes doutes. Ce qui est plutôt rassurant, car l’on aurait tort de penser que le soignant est un sur-Homme.

Néanmoins, cela interroge. Face au sempiternel principe de prudence générale primum non nocere (d’abord ne pas nuire) s’oppose un débat soignant de fond. Celui du principe d’exemplarité.
Ainsi, avant d’être intégré à tout déploiement vaccinal, l’I.D.E se doit-il d’être toujours en cohérence avec lui-même, soit être celui qui croit ce qu’il dit et fait ce qu’il dit (Victor Hugo), ou le seul fait d’être I.D.E doit-il contraindre sa disposition naturelle en étant obligatoirement exemplaire, soit celui qui n’y croit pas mais qui le fait quand même ?
En définitive, la campagne vaccinale soulève une question déontologique et opérationnelle fondamentale : L’Homme est-il I.D.E ou l’I.D.E un Homme ?

Quid de la déontologie I.D.E à propos de la vaccination ?

Le code de déontologie infirmier affirme certains principes qui couvrent le domaine d’application de la vaccination. Le premier, bien connu, est celui du devoir d’humanité. Le code exige de l’I.D.E d’être un professionnel  […] au service de la personne et de la santé publique […]  (Art. R4312-3). Dernier domaine d’action dont on ne peut nier l’importance fondamentale en temps de pandémie. Sur ce même point, l’I.D.E a alors un devoir de concours à la santé publique dans le cadre d’une action entreprise […] par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé et de l’éducation sanitaire (Article. R4312-8). Concrètement, replacé dans le contexte actuel, c’est la participation effective des I.D.E à la campagne vaccinale.
Justement, parlons de l’objet de la vindicte. La vaccination anti-COVID19 sera un geste réalisé dans le cadre du rôle prescrit, celui-là même qui engage à la responsabilité partagée entre l’I.D.E et le prescripteur. Par conséquent, rien n’empêchera l’I.D.E vaccino-sceptique ou désireux de surseoir à une interrogation de demander […]au prescripteur un complément d’information chaque fois qu’il le juge utile, notamment s’il estime être insuffisamment éclairé (Article R.4312-42). En cela, il s’engage à respecter le principe de respect de l’intérêt du patient (Article R4312-10), notamment en refusant de lui faire […] prendre (un) risque injustifié (Article R4312-42). 

Aussi, applicable de façon générale, il est admis que l’I.D.E […] a le droit de refuser ses soins pour une raison professionnelle ou personnelle […] sous réserve de ne pas nuire au patient […] (Article R4312-12).
Si bien que la déontologie I.D.E respecte l’identité individuelle au travers de la philosophie professionnelle et n’oblige absolument pas ce dernier à faire l’exégèse de l’exemplarité. Fort de cela, malgré un désaccord personnel envers la vaccination, l’I.D.E devra cependant s’abstenir, en tout temps et en tout lieu, de […] tout acte de nature à déconsidérer celle-ci[…] En particulier, dans toute communication publique […] et devra donc faire […]preuve de prudence dans ses propos (Article 4312-9). C’est un principe d’honneur, celui de la profession.

En définitive, le regard déontologique est clair : le scepticisme individuel, pourquoi pas. Après tout, personne ne peut empêcher de penser. Mais, l’exercice de cette liberté afin de faire le prosélytisme de ce sentiment en qualité d’I.D.E, non. Néanmoins, un levier d’engagement est mis exergue. Il apparaît essentiel. Je parle de l’information et la connaissance professionnelle. Celles-ci, semble-t-il, sont deux vecteurs positifs à la réalisation par l’I.D.E d’un acte de soin en cela que ces derniers doivent être […] fondés sur les données acquises de la science et qu’ils ne […]dépassent ses connaissances […] (Article 4312-10)

En définitive, le regard déontologique est clair : le scepticisme individuel, pourquoi pas. Après tout, personne ne peut empêcher de penser. Mais, l’exercice de cette liberté afin de faire le prosélytisme de ce sentiment en qualité d’I.D.E, non. 

Information et connaissance, en avoir conscience pour un choix de conscience !

Le professionnel de la santé, parce qu’il est professionnel, suppose de disposer de compétences, soit des connaissances théoriques et des capacités pratiques dans son domaine d’emploi dédié. Par ce fait, être I.D.E admet, par exemple, de mobiliser, a minima, 10 compétences afin d’exercer pleinement sa profession. Or, la santé et les sciences infirmières ne sont pas des données inscrites dans le marbre pour l’éternité. La crise nous l’a d’autant plus prouvé, en plusieurs semaines : la méthodologie clinique, les parcours de soins, les évolutions de prise en soins et même l’utilisation du matériel de protection ont évolué de façon mouvante et désarçonnant souvent le quotidien, il faut l’admettre. Au point que, l’I.D.E […] a le devoir d’actualiser et de perfectionner ses compétences afin de […] garantir la qualité des soins qu’il dispense et la sécurité du patient (Article R.4312-46). Cela fait écho au principe intellectualiste socratique. L’illustre philosophe réfute cette idée sous-entendue que nous agissons pour notre propre perte. Il préfère plutôt dire que nul ne fait le mal volontairement mais agit plutôt par ignorance, au sens de mal ou de méconnaissance. 

Alors, expliquant concrètement que tout est une question de représentation de la notion de bien, le postulat est le suivant : nous agissons parce que nous pensons qu’une chose nous semble bonne. Tout ce qui est associé à notre représentation du mal est donc forcément de mauvais. En outre, le philosophe expose que la défiance peut être parfois aussi le fruit d’un conflit interne entre plaisir (lié à l’esprit charnel) et raison (liée au spirituel). Ce premier lui apparaissant supérieur, faute d’en connaître l’immensité des déplaisirs.

En tout état de cause, si l’on applique la maxime je pense, donc je suis, le professionnel de santé doit donc faire en sorte que la raison, les choix de santé, l’emportent sur le plaisir, la liberté, pour les individus. En bref, il doit essayer de faire prendre conscience, soit, stricto sensu, accompagner la décision de toute science…
Brièvement, je n’irais pas plus loin sur la démonstration philosophie et déontologique que par que cette seule question universelle : En tant que professionnel de la santé, notre non à la vaccination est-il toujours un choix en conscience ? Pour ainsi dire, sommes-nous en cohérence personnelle et professionnelle, plus particulièrement en exprimant sa posture d’advocacy en santé, tout en se respectant soi-même en tant qu’être individuel ? Respecter ce juste équilibre apparaît alors comme être la valeur-même du principe de l’exemplarité car il est la dynamique centrale de la congruence du professionnel de santé, terme cardinal du contrat de confiance soignant-soigné, lui-même levier d’engagement et d’adhésion de l’autre, peu importe l’orientation. Ainsi, faire ce que l’on veut, c’est surtout faire ce que l’on dit et respecter cet axiome : Que ton oui, soit oui, que ton non, soit non

Note en bas de page :

Cliquez ici pour retrouver le Code de déontologie des infirmiers

Alexis Bataille
Etudiant en soins infirmiers (2019-2022)
Aide-soignant
@AlexisBatll


Source : infirmiers.com