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"Si on élargit les compétences des infirmiers, on aura une hausse de l'efficience du système de soin"

Publié le 19/10/2020

Ce matin a eu lieu une matinale de l'Ordre National des Infirmiers (Oni) sur un sujet, hélas, récurrent mais qui est devenu particulièrement brûlant dans le contexte de la crise de la Covid : l'extension des compétences des infirmiers. Alors que le sytème de soins est encore mis à rude épreuve avec la deuxième vague épidémique et que les soignants, à bout, ont récémment battu le pavé , revaloriser les métiers du "prendre soin" n'a jamais été aussi urgent.

Patrick Chamboredon évoque lors de la dernière matinale de l'Oni l'intérêt majeur d'étendre les compétences des infirmiers.

Si cela fait des années que la chaîne de soins se dégrade, la crise sanitaire a nettement mis en lumière ses failles. Comme l'a souligné Patrick Chamboredon, Président de l'Ordre infirmier, à l'ouverture de la matinale de l'Ordre qui s'est déroulée ce 19 octobre sur les réseaux, le manque d'attractivité des métiers du soin est palpable. Celui-ci a cité, pour l'exemple, les résultats du dernier sondage réalisé récemment par l'Ordre : 37% des adhérents veulent quitter la profession dans les 5 ans. Selon lui, le problème est en partie financier, mais pas que... Tout ne peut pas se combler par une revalorisation uniquement salariale !

Pour Guy Vallancien, chirurgien et universitaire, il est nécessaire de reprendre toute la chaîne de soins et de revaloriser les compétences .Ce sont les infirmiers qui vont dans les maisons. Il faut évoluer comme au Canada, par exemple, où ils sont le premier maillon de la prise en charge, assure-t-il. Il est primordial d'étendre les actes des infirmiers, et les Français y sont largement favorables. En effet, selon un enquête réalisée par la Convention on Health Analysis and Management (CHAM) que le praticien préside, 82% de la population aimeraient que les infirmiers puissent prescrire des analyses biologiques ou d'imagerie, les trois quarts approuvent l'idée qu'ils puissent effectuer des traitements médicaux, et plus de la moitié accepte la possibilité que les infirmiers puissent faire de petites sutures. Il existe un besoin mais aussi une acceptation de ce besoin. D'ailleurs, des expérimentations sont en cours et elles fonctionnent comme celle à Alès baptisée "Equilibres " : On y voit des couples médecins/infirmiers, où c'est le soignant qui fait les visites en première ligne et recourt ensuite au praticien. Et cela fonctionne!, argumente-t-il. Le médecin met également en exergue le fait que cette profession a souffert, au contraire, d'une dévalorisation de son rôle propre. On utilise de plus en plus d'infirmiers bouche-trous. On emploie des pools de soignants pour combler les vides.

Un point de vue partagé par Nicolas Bouzou, économiste et essayiste. Des méta-analyses et des revues de la littérature récentes prouvent qu'élargir les compétences infirmières augmente l'efficience du système de soins. On observe aussi une diminution de la durée d'hospitalisation et de leur nombre. Ce n'est pas seulement une question de corporatisme, cela serait bénéfique pour tout le monde. Selon lui, réajuster le rôle des infirmiers est prépondérant, ne serait-ce que pour pallier la désertification médicale!

Des méta-analyses et des revues de la littérature récentes prouvent que d'élargir les compétences infirmières augmente l'efficience du système de soin.

Les principaux freins

Cependant, le véritabe problème se trouve dans les textes. Le décret de compétence n'a pas été mis à jour depuis 2004 ! Or il faut obligatoirement en passer par là. Pour l'instant les textes sont plutôt bloquants, insiste le Président de l'Oni. Pourtant, il y a eu beaucoup de tentatives par le gouvernement pour moderniser le système de santé. Ma Santé 2022, le Ségur de la Santé... elles ont toutes râté le coche, explique Guy Vallancien. Elles regroupaient de bonnes idées au départ, mais il y a des désaccords entre les différentes professions de santé, ce qui empêche d'avancer. Il faut aller plus loin et embarquer la totalité des acteurs, scande-t-il en donnant l'exemple des IPA, qui mériteraient plus d'autonomie - mais les médecins s'y opposent. Sur le terrain, les acteurs travaillent ensemble, mais au niveau institutionnel, ce n'est pas le cas.

Un point de vue que Nicolas Bouzou partage en partie, mais tient à modérer. Ma santé 2022 n'était pas une mauvaise idée, mais il est compliqué de la décliner pour en faire des mesures concrètes. La coordination entre tous les professionnels de santé, clairement, ne fonctionne pas bien. Le système fonctionne verticalement, en silos. Il est logique que si on élargit les compétences sans changer le système, le résultat sera déceptif. 

Autre problèmatique évoquée: le manque de représentation des infirmiers dans les textes. Le mot "infirmier" apparait peu dans le nouveau PLFSS . D'ailleurs de manière générale, les infirmiers sont peu cités. Pour Patrick Chamboredon, il est essentiel que davantage d'infirmiers fassent de la représentation et soient plus nombreux parmi les décideurs politiques afin de permettre une valorisation juste de la profession. En ce moment, celle-ci est d'autant plus primordiale. Les soignants doivent avoir les mains suffisamment libres pour lutter contre la crise sanitaire efficacement. Le Président de l'Ordre pense que l'extension de certaines compétences est prioritaire, notamment concernant la vaccination ou le télésoin, lequel demeure très contraignant alors qu'il permet un suivi personnalisé.

Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com  @roxane0706


Source : infirmiers.com