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PUERICULTRICE

Réformer la spécialité IPDE pour mieux prendre en charge les 1 000 premiers jours

Publié le 24/06/2021

Lors de ses Journées Nationales d’Etudes, qui se sont tenues du 16 au 18 juin 2021, l’ANPDE s’est penchée sur le rôle de l’infirmier puériculteur dans la prise en charge des 1 000 premiers jours de l’enfant. Exercice libéral, consultation puéricultrice, mais aussi réingénierie de la formation…, quelles sont les pistes envisagées pour renforcer son action ?

L'IPDE peut jouer un rôle essentiel dans la prise en charge des premiers jours de l'enfant.

Entraîner la société et les pouvoirs publics à accorder davantage de temps et d’énergie à la période dite des « 1 000 premiers jours1 » de l’enfant, c’est l’un des objectifs de la démarche initiée depuis le mois de septembre 2019 par le cabinet d’Adrien Taquet, secrétaire d’Etat en charge de l’enfance et des familles auprès d’Olivier Véran, et dans laquelle s’inscrit le rapport de la Commission des 1 000 jours. État des lieux, préconisation, et rôle des infirmiers puériculteurs dans la prise en charge de cette période : l’ANPDE (Association Nationale des Puéricultrices(teurs) Diplômé(e)s et des Étudiants) s’est penchée sur le contenu du document et ce qu’il implique pour la profession lors de ses Journées Nationales d’Etude.

Une période encore trop délaissée

Pour Philippe Romac, conseiller au cabinet d’Adrien Taquet, le rapport démontre surtout que cette période est encore un peu délaissée ou insuffisamment investie. Les parents se disent peu accompagnés et conseillés. Un constat que le secrétaire d’Etat avait déjà dressé lors d’une première restitution des conclusions du document. Et plus l’âge de l’enfant augmente, plus le nombre de consultations médicales pâtit de ce manque de visibilité. Le taux de réalisation des visites médicales est satisfaisant quand celles-ci ont lieu peu de temps après l’accouchement. Mais plus on s’en éloigne, moins il le devient, souligne ainsi Philippe Romac, qui déplore que seuls 18 à 20% des visites médicales scolaires à destination des enfants de 6 ans soient réalisés. En cause : un paysage de soins existant incomplet qu’il apparaît nécessaire de faire évoluer. En termes d’organisation, nous devons compléter le paysage, offrir davantage de possibilités aux parents et aux enfants, admet-il. Nous sommes conscients que la situation actuelle n’est pas satisfaisante. À cet égard, le rapport des 1 000 jours constitue une base de travail, qui doit permettre aux différents experts et aux pouvoirs publics d’identifier les mesures prioritaires à mettre en place à l’horizon du printemps 2022.

Un besoin d'harmonisation et de valorisation des pratiques

Dans ce contexte, les infirmiers puériculteurs peuvent se positionner sur l’ensemble des axes mentionnés dans le rapport, selon Peggy Alonso, responsable de la commission PMI de l’ANPDE, et Isabelle Paoli, déléguée régionale Poitou-Charentes de l’organisation. Suivi renforcé pendant la maternité, prévention des violences, ou encore promotion d’une alimentation adaptée et d’un environnement favorable…, autant de problématiques auxquelles le profil transversal des IPDE permet de répondre et qui les rend aptes à construire l’articulation de parcours personnalisé pour les enfants en coopération avec tout le secteur médico-social, note Isabelle Paoli. L’ANPDE préconise un certain nombre d’évolutions pour renforcer le rôle des infirmiers puériculteurs dans la prise en charge des 1 000 premiers jours de l’enfant. À commencer par l’instauration d’un référentiel national qui permettrait de formaliser un cadre pour les soins de puériculture et d’harmoniser les pratiques.

C’est de ce nouveau référentiel que pourrait ensuite découler un ensemble de transformations du métier, parmi lesquelles l’intégration de nouveaux actes de prise en charge. L’ANPDE souhaiterait voir développer plus généralement des postes IPDE en néonatologie et en hospitalisation à domicile, cite Isabelle Paoli en exemple. Il s’agirait également d’améliorer les prises en charge des enfants à l’hôpital grâce à l’éducation thérapeutique, notamment pour ceux atteints de maladies chroniques, afin de prévenir les retours en hospitalisation. À condition de prévoir une nomenclature spécifique aux infirmiers puériculteurs pour ce type d’actes. De manière générale, développer l’activité des IPDE en dehors du cadre de la PMI, et plus particulièrement en libéral pour qu’ils puissent s’impliquer dans les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS), constitue une demande forte de la profession et représente pour l’organisation l’une des pistes majeures à privilégier pour améliorer le suivi de l’enfant, sur la période des 1 000 premiers jours, mais aussi au-delà.

La consultation IPDE s’inscrit dans une démarche de prévention précoce

Vers une consultation spécialisée hors PMI ?

Le nerf de la guerre, c’est toutefois le principe de la consultation puéricultrice. Elle s’inscrit dans une démarche de prévention précoce, à vocation universaliste et qui permet une prise en soin holistique. C’est-à-dire qu’elle aborde toutes les dimensions de la santé, défend Isabelle Paoli. Elle s’appuie notamment sur l’observation de l’enfant et de ses besoins et l’analyse de sa situation, explique Peggy Alonso, pour identifier ensuite le projet infirmier à mettre en place avec l’ensemble des partenaires médico-sociaux présents sur l’ensemble du territoire. Si cette consultation se pratique déjà au sein des PMI, elle mériterait d’être étendue à d’autres cadres de prise en charge, en milieu hospitalier, mais aussi et surtout en libéral. La consultation en libéral permettrait de répondre aux besoins des familles dans un contexte de désertification médicale. Il s’agit de proposer une offre de soin spécifique aux besoins de chaque enfant et de sa famille, relève Isabelle Paoli. Il y a un véritable intérêt à codifier les consultations puéricultrices, abonde de son côté Brigitte Prévost-Meslet, la présidente de l’ANPDE, car elles désengorgent les urgences en apportant des réponses aux questions sur les besoins primaires des enfants (sommeil, alimentation…). Une vision que défend le récent rapport de l’IGAS sur la pédiatrie et l’organisation des soins de l’enfant, qui préconise de développer l’exercice des infirmières puéricultrices en ville au-delà des PMI, avec la réalisation de consultations autonomes, en lien étroit avec un médecin.

Par ailleurs, plusieurs expérimentations existent dans le milieu hospitalier. A Orléans , le service de néonatologie propose une consultation puéricultrice, à destination des nouveau-nés mais aussi des familles qui rencontrent des problématiques spécifiques à la sortie de la maternité. Et le principe semble d’autant plus pertinent que ces moments d’échanges avec les parents contribueraient à faire des IPDE de vrais référents santé, dont la mise en place est préconisée par le rapport des 1 000 jours.

L’exercice de nouvelles missions tant à l’hôpital qu’en ville suppose une profonde réforme de la formation

Des prérequis indispensables

S’il reconnaît l’intérêt des propositions de l’ANPDE, Philippe Romac tient néanmoins à rappeler qu’elles supposent un certain nombre de prérequis, le principal étant la réingénierie de la formation IPDE, qui n’a pas été remaniée depuis 1983, et sa masterisation, réclamée par la profession. Le récent rapport de l’IGAS ne dit d’ailleurs pas autre chose : l’exercice de nouvelles missions tant à l’hôpital qu’en ville suppose une profonde réforme de la formation des puéricultrices. Celle-ci devra permettre l’adaptation du référentiel et l’intégration de nouvelles compétences. La formation doit également être allongée, mastérisée et intégrée à l’université. Mais la pandémie de Covid-19 et les échéances électorales ont réduit la fenêtre d’action du gouvernement sur la question, plaide le conseiller d’Adrien Taquet, et ce d’autant plus que le Ségur de la santé mobilise déjà les équipes sur d’autres sujets. Ce n’est pas pour autant que l’on ne souhaite pas y investir notre énergie, précise-t-il. Mais le chemin va être long, car il faut convaincre, expliquer.

Du temps, c’est aussi ce qu’exigera le processus d’une ouverture vers le financement de l’exercice libéral. Du temps, et une mobilisation de l’ensemble de la profession. Ce qui est important, c’est de construire une méthode [qui permet l’instauration de l’exercice libéral]. Et cela passe par une profession qui se met en ordre de bataille, qui soumet des propositions, prévient Philippe Romac. En attendant, le cabinet d’Adrien Taquet a d’ores et déjà déposé un projet de loi relatif à la protection des enfants suite à un précédent rapport sur la situation de la PMI, qui prévoit entre autres d’en renforcer les services et qui sera débattu à l’Assemblée nationale le 6 juillet 2021. Dans la ligne de mire également, le futur document de l’IGAS sur la pratique avancée, qui pourrait contribuer à la réflexion sur les changements à apporter au métier d’infirmier puériculteur. Reste que la fin de la mandature actuelle approche et qu’elle limite les marges de manœuvre. Nous n’avons aucun intérêt à travailler sur des sujets qui ne peuvent pas se traduire ensuite par une mise en œuvre, assure-t-il pourtant. Des décisions seront bien prises pour en jalonner la progression. Nous ne prendrons pas de décisions que nous ne serons pas capables d’assumer.

1 Période qui s'étend de la quatrième semaine de grossesse aux deux ans de l'enfant.

Journaliste audrey.parvais@gpsante.fr


Source : infirmiers.com