Les mutilations sexuelles féminines (MSF) recouvrent toutes les interventions incluant l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou toute autre lésion des organes génitaux féminins qui sont pratiqués pour des raisons non médicales. Comment réagir en tant qu'infirmier face à une femme concernée ? Deux étudiantes en soins infirmiers apportent des éléments de réponse.
Dans le monde, plus de 200 millions de femmes sont victimes de mutilations sexuelles, et 3 millions de femmes et de fillettes par an risquent d’être soumises à ces pratiques. A ce jour, 29 pays pratiquent encore l’excision et plus de 85 % des femmes dans certains pays comme le Mali, l'Égypte, la Somalie et la Guinée sont excisées. Sur notre territoire, on compte environ 125 000 femmes excisées, selon une estimation réalisée à partir des dernières enquêtes disponibles qui intègrent les risques observés en contexte migratoire. En tant que soignant, que faire lors d'une prise en soins ?
Une position française vieille de 40 ans
En 2003, l’ONU a instauré la Journée internationale de la tolérance zéro à l’égard des MSF, organisée ensuite chaque année le 6 février. Les mutilations sexuelles féminines sont incontestablement une violence faite aux femmes et une violation des droits fondamentaux des femmes et des filles. Dans un contexte de flux migratoire en provenance d’Afrique, la France est confrontée à la réalité de l’excision. Pour de nombreuses femmes, cette pratique provient d’un héritage culturel. Pour atteindre l’objectif d’éradiquer les mutilations sexuelles féminines, il est important, en tant que professionnel de santé, de se former, de dépister et de mener des actions de prévention. La France a été le premier pays occidental à pénaliser la pratique des mutilations sexuelles féminines en 1979 : L’article 227-24-1 du code pénal punit de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende le fait d’inciter une mineure à subir une mutilation sexuelle. Les professionnels de santé confrontés à un constat d’excision sur mineur sont tenus, sous peine de sanctions, d’un informer les autorités judiciaires ou administratives : c'est une obligation de signalement imposée par l’article 434-3 du code pénal.
Donner la parole à la patiente et prendre ses dires en considération
Rôle infirmier dans la prise en charge, la prévention et le dépistage
La prise en charge est multidisciplinaire : gynécologique, antalgique, chirurgicale, sexologique et psychologique. Elle repose sur des éléments tout à fait identifiés :
- reconnaître les facteurs sociaux et culturels des patientes ;
- connaître l’histoire de vie et du vécu de la patiente, le vocabulaire qui prend en compte les valeurs culturelles des différentes communautés ;
- avoir une attention particulière à la personne ;
- dépister ces pratiques ;
- promouvoir la prévention auprès des mères envers leur fille ;
- orienter si nécessaire selon les besoins de la patiente ;
- consigner les MSF dans le dossier médical de la patiente (femme, fille ou fillette) et faire un compte rendu d’entretien détaillé.
L’objectif de l’entretien est de donner la parole à la patiente et de prendre ses dires en considération. Pour cela, l’infirmière doit être capable de lui offrir une disponibilité, une écoute et une réassurance lors d’un entretien "simple". Toutes les femmes n’ont pas connaissance ou conscience d’avoir subi une excision. Le langage doit être adapté à la compréhension de la patiente.
Type I : Ablation partielle ou totale du clitoris et/ou du prépuce (clitoridectomie).
Type II : Ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres (excision).
Type III : Rétrécissement de l’orifice vaginal avec recouvrement par l’ablation et l’accolement des petites lèvres et/ou des grandes lèvres, avec ou sans excision du clitoris (infibulation).
Type IV : Toutes les autres interventions nocives pratiquées sur les organes génitaux féminins à des fins non thérapeutiques, tels que la ponction, le percement, l’incision, la scarification et la cautérisation.
Recommandations et formations
Au-delà des mutilations elles-mêmes et de l'obligation de signalement les femmes touchées peuvent connaître certaines complications, parfois sévères. Des décès par hémorragie, des septicémies, des infections aigues internes et externes de l’appareil génito-urinaire, des douleurs intenses, des lésions traumatiques des organes voisins, des troubles urinaires, des fractures des membres (humérus, fémur, clavicules) en lien avec la contention et les mouvements de défense de la personne. Des complications uro-gynécologiques à moyen et long terme, des conséquences psychologiques, des conséquences sexuelles tout le long de leur vie. C'est pourquoi en 2019, un plan d’action visant à éradiquer les MSF a été mis en place par la secrétaire d’État en charge de l’Égalité femmes-hommes et de la Lutte contre les discriminations : grâce à lui, il s'agit de sensibiliser tous les professionnels, soutenir les expériences de chirurgie réparatrice, améliorer la transmission des informations et organiser le signalement systématique des victimes, mais aussi de sensibiliser les étrangers primo-arrivants sur le cadre législatif français, et plus largement de sensibiliser tous les professionnels. La HAS a publié les recommandations de bonnes pratiques concernant la prise en charge des mutilations sexuelles féminines par les professionnels de santé de premier recours. Pour pallier par la formation l'éventuel manque de connaissances sur le sujet, l’association "Excision, parlons-en !" et 16 associations européennes spécialisées dans la lutte contre les MSF ont lancé, en 2017, une plateforme de formation en ligne sur ces pratiques. L’objectif de cette formation, disponible gratuitement, est de former les professionnels en contact avec des femmes et des filles excisées ou à risque de l'être.
Pour aller plus loin :
GAMS (Groupe pour l’abolition des Mutilations Sexuelles), CAMS (Commission pour l’Abolition des Mutilations Sexuelles), Gynécologie sans frontière, Femmes solidaires, Excision, parlons-en !, Combattre l’excision, Denis Mukwege, l'homme qui répare les femmes
Anne Huguet-Limodin et Céline Aranjo
Etudiantes en Soins Infirmiers
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