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Quel rôle l’infirmier peut-il jouer dans la prise en charge pluridisciplinaire de l’obésité ?

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Publié le 18/05/2022

Problème de santé mondiale, l’obésité demeure une pathologie peu comprise, réduite à son aspect nutritionnel. Pour les patients en souffrance, souvent isolés face à leur maladie, le chemin clinique s’avère compliqué, alors même qu’une prise en charge pluridisciplinaire, qui tiendrait compte de ses multiples facteurs, permettrait de personnaliser les traitements. Le personnel infirmier, par sa vision transversale, est compétent pour construire les passerelles entre les différentes spécialités et guider les malades dans leur parcours de soin.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) la qualifie de véritable épidémie. Reconnue comme maladie chronique par l’organisme depuis 1997, l’obésité touche aujourd’hui l’ensemble de la planète. Associée à de nombreuses complications (diabète de type 2, problèmes cardiovasculaires, apnée du sommeil…), elle pâtit paradoxalement d’une véritable méconnaissance de ses multiples causes. En France, elle n’est d’ailleurs toujours pas officiellement considérée comme une pathologie chronique. Dans le nécessaire dispositif de prise en charge globale, quel rôle joue l’infirmier ?

 

Selon l’Organisation Mondiale de la santé,
•    Il y a obésité sévère lorsque l’IMC* est égal ou supérieur à 30.
•    Il y a obésité morbide lorsque l’IMC est égal ou supérieur à 40.
•    En 2016, 1,9 milliard d’adultes dans le monde souffraient de surpoids, dont 650 millions d’obésité.
•    La même année, 340 millions d’enfants et d’adolescents de 5 à 19 ans étaient en surpoids ou obèses.
Selon l’INSERM, en 2019 l’obésité concernait 17% des adultes en France, ce chiffre s’élevant chez les enfants à 16% pour les garçons et 18% pour les filles.

 

Des parcours de soin compliqués et peu adaptés

La cause première de cette méconnaissance relève d’un manque de formation chez les personnels soignants. Les médecins libéraux, en première ligne dès lors qu’il s’agit d’identifier les premiers signes de la maladie, ne disposent en effet pas des outils nécessaires à son suivi. Ils sont très peu formés, relève Mélanie Delozé, gestionnaire du centre Obésanté de Montpellier, spécialisé dans le traitement de l’obésité. Sur les neuf ans d’étude de médecine, seules deux heures sont consacrées à l’obésité, et elles concernent uniquement le volet nutritionnel. Un constat que partage Marie-Laure Coupeau, infirmière Asalée attachée à la maison de santé de la Mouscane, à Montech (Tarn-et-Garonne), et étudiante en deuxième année de Master en pratique avancée, exerçant auprès de généralistes sensibilisés au sujet : on sait que l’obésité favorise un certain nombre de pathologies, donc les médecins parlent de l’importance de la prendre en charge. En revanche, je le vois dans ma formation actuelle, s’y former demande de s’intéresser volontairement à la littérature existante.

Enfin, quelqu’un me disait que j’étais malade

En découlent pour les malades des parcours de soin compliqués, souvent peu ou pas adaptés à leur situation personnelle, qui ne prennent en considération que l’aspect nutritionnel de la maladie et qui peuvent, dans les cas extrêmes, mettre leur santé en danger. Atteinte d’obésité depuis l’adolescence, Catherine Fabre, présidente de l’association Histoire de Poids, connaît bien les difficultés auxquelles ils sont confrontés : multiplications des régimes et des avis contraires qui l’ont conduite à développer une hépatite à la suite d’un régime trop protéiné, pratique du sport intensive – jusqu’à 7 heures par jour – mais peu concluante, passages à l’hôpital et en maison de diététique… 40 ans d’une lutte épuisante avant qu’on ne reconnaisse sa maladie. L’équipe de l’hôpital de Montpellier m’a sauvé la vie. Enfin, quelqu’un me disait que j’étais malade, que ce n’était pas de ma faute si je grossissais, relate-t-elle.

 

La nécessité d’une approche pluridisciplinaire

Multifactorielle, l’obésité est souvent prise en charge trop tard, son traitement se réduisant alors à celui de l’obésité sévère et morbide en recourant à la chirurgie bariatrique (sleeve, by pass et anneau gastrique). Aujourd’hui en France, il y a le 3eme recours, qui est bien mis en place et qui fonctionne très bien. Mais c’est déjà trop tard !, explique Mélanie Delozé. Pour être adéquat, le traitement de l’obésité devrait en réalité s’appuyer sur une approche pluridisciplinaire, globale, qui réunirait les généralistes, les spécialistes et les infirmiers, à-même de prendre en compte l’ensemble de ses facteurs. Elle serait d’autant plus pertinente qu’elle faciliterait la détection des risques chez les patients qui n’en souffrent pas encore. C’est à partir de cette réflexion que s’est ouvert au début du mois de février le centre de soins de proximité Obésanté, initiative lancée par la Ligue contre l’Obésité. Son objectif : dépister les premiers signes de la maladie, en assurer la prévention quand c’est encore possible, et accompagner et soutenir les patients déjà atteints pour leur éviter une aggravation de la pathologie et un passage par la case chirurgie.  Il s’agit de faire un point global sur la pathologie et d’essayer d’en trouver les causes. Dans toute pathologie, il n’y a pas que la maladie. Il faut aussi prendre en compte l’environnement familial, professionnel, social, explique Mélanie Delozé.

L’infirmier au cœur du chemin clinique

Mais une telle démarche doit impérativement passer par l’écoute des malades. En tant qu’infirmière Asalée, Marie-Laure Coupeau place cette réflexion au cœur de sa pratique. Assurant le suivi de patients souffrant de pathologies chroniques associées à l’obésité, elle insiste sur l’importance de nouer un lien de confiance préalable à toute forme de chemin clinique. Il faut dans un premier temps créer un lien avec le patient quand on le rencontre, témoigne-t-elle. L’important, c’est de favoriser le dialogue. Là où je travaille, les consultations durent entre 45 minutes et une heure, donc on a le temps de créer un climat de confiance.

Ce dont on a vraiment besoin dans ce type de pathologie, c’est de faire le lien entre toutes les parties prenantes (médecin généraliste, infirmier psychologue, diététicien…)

Charge alors à l’infirmier de guider le patient dans son parcours de soin, notamment en l’adressant aux spécialistes appropriés en fonction des facteurs de risque identifiés lors de ces consultations. On essaie par exemple de détecter les apnées du sommeil en médecine de ville, parce qu’on sait qu’il faut parfois un délai de trois mois avant d’obtenir un rendez-vous. Si le test est positif, alors on les envoie chez un spécialiste, relate-t-elle. L’objectif premier est d’intervenir à titre préventif et de traiter en médecine de proximité les facteurs qui peuvent l’être, afin de limiter à termes les besoins d’hospitalisation. Parce qu’il a une vision transversale de la maladie, l’infirmier, et en particulier l’IPA, est en effet en mesure d’établir les passerelles entre les différents spécialistes. De mon point de vue, l’IPA a une mission transversale qui favorise l’interdisciplinarité. L’obésité est un véritable problème transversal, et ce dont on a vraiment besoin dans ce type de pathologie, c’est de faire le lien entre toutes les parties prenantes (médecin généraliste, infirmier psychologue, diététicien…). Faire du lien entre les différentes composantes du corps soignant, mais aussi entre les patients quand c’est possible afin de rompre leur isolement, serait donc la clé pour mieux prendre en charge la pathologie. Selon moi, dans la prise en charge de l’obésité, la transversalité et la prise en charge globale du patient, la capacité à travailler avec tous les acteurs de santé et à prendre appui sur eux représentent les enjeux de notre profession d’infirmier, conclut Marie-Laure Coupeau.

*Indice de Masse Corporelle, qui s’obtient en divisant le poids en kg par la taille au carré.


Source : infirmiers.com