Pour la première fois en Europe, une enquête épidémiologique a été menée sur la séroprévalence du Covid-19 parmi les populations en grande précarité (personnes sans abri, migrantes, réfugiées ou demandeuses d’asile, mineurs non accompagnés...). Plus de la moitié des personnes incluses présentaient des anticorps de la maladie.
Baptisée "Précarité et séroprévalence de la Covid-19 en Ile-de-France", l’enquête visait à évaluer l’intensité de la circulation du virus auprès de populations en situation de grande précarité et à adapter au mieux la prévention pour les protéger. Sous l’égide de Médecins sans frontières (MSF), 818 personnes – majoritairement des hommes plutôt jeunes et en bonne santé et réparties sur quatorze sites parisiens, du Val d’Oise et de Seine - Saint-Denis – ont été suivies entre mars et juin 2020 par une équipe française*. Dans tous les sites, la séroprévalence relevée était très élevée : près de 89 % au sein des foyers de travailleurs, plus de 50 % dans les centres d’abri d’urgence et un peu moins de 28 % dans les lieux de distribution alimentaire.
#Covid_19 : « La circulation du #virus a été plus particulièrement active dans les situations où la promiscuité était la plus forte, c’est-à-dire quand la personne doit partager chambre, douches et cuisine avec plusieurs autres personnes » @Epicentre_MSF https://t.co/1mer4I7WQZ
— MSF France (@MSF_france) October 7, 2020
Promiscuité : l’ennemi public N°1
Les résultats ont certes été très variables selon les sites, les centres de distribution alimentaire et d’hébergement d’urgence étant bien moins touchés. Mais incontestablement, ils montrent que le tout premier risque est de vivre dans un lieu densément peuplé. Par exemple, partager une chambre multiplie la probabilité d’être infecté par 4,3 ; utiliser des sanitaires communs par 3,1.
Les résultats confirment que la circulation du virus a été plus particulièrement active dans les situations où la promiscuité était la plus forte, c’est-à-dire quand la personne doit partager chambre, douches et cuisine avec plusieurs autres personnes
, déplore Thomas Roederer, épidémiologiste responsable de l’étude.
Confinement contre-productif
Alors que le confinement, on le sait, a protégé les Français et cassé les chaînes de transmission du coronavirus, le phénomène inverse a été observé pour les personnes en grande précarité. Dans leur configuration quotidienne, difficile – voire impossible – de respecter les recommandations sanitaires comme la distanciation physique ou le lavage des mains. Au contraire, plus les personnes quittaient régulièrement leur lieu de résidence (aller au travail…), moins elles avaient de risque d’être infectées.
Cheffe de mission pour MSF France, Corinne Torre rappelle qu'il ne faut pas que les dispositifs d’urgence qui permettent de mettre à l’abri temporairement des personnes sans hébergement, notamment à l’approche de la période hivernale, contribuent à créer de nouveaux foyers de contamination.
Sous-évaluation
Près de 900 000 personnes vivent sans domicile fixe en France, dont environ 7 000 en Ile-de-France. Malgré la mise en place par MSF de cliniques mobiles pour assurer les actions élémentaires de prévention et de prise en charge, une part des personnes infectées est passée au travers des mailles du filet et n’a pas pu être testée, d’autant plus que la majorité des infections sont restées asymptomatiques. Malgré ses limites méthodologiques, l’enquête est claire : les dégâts de la pandémie dans les populations précaires est, pour l’heure, sous-évaluée. Comme les professionnels de santé, que l’exposition répétée au virus menace bien davantage que la population générale, les personnes en grande précarité se révèlent, elles aussi, particulièrement vulnérables.
*Médecins sans frontières, Epicentre, Institut Pasteur
Anne Perette-FicajaDirectrice de la rédactionanne.perette-ficaja@gpsante.fr @aperette
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