De manière générale, les chiffres montrent que les enfants et les adolescents sont peu touchés par l’infection au Sars-cov-2. Pourtant à partir de fin avril, les services pédiatriques de certains Etats, notamment la France, le Royaume-Uni ou les USA ont signalé des cas d’enfants hospitalisés qui présentaient des symptômes évocateurs de la maladie de Kawasaki. Ces manifestations aujourd’hui qualifiées de "pseudo-Kawasaki" interrogent. Une équipe de pédiatres de l’hôpital Necker vient de publier une étude sur le sujet.
Si le nouveau coronavirus reste très majoritairement bénin pour les enfants et les adolescents par rapport aux graves complications qui peuvent survenir chez l’adulte, depuis fin avril des pédiatres européens et nord-américains alertent sur des cas d’enfants hospitalisés avec des symptômes de vascularites se rapprochant de la maladie de Kawasaki . Celle-ci se caractérise par une inflammation de la paroi des vaisseaux sanguins, particulièrement ceux du cœur (les artères coronaires). Elle touche principalement les jeunes enfants avant l’âge de 5 ans. En plein cœur de l’épidémie, l’émergence de ces signes cliniques évoquant cette pathologie inflammatoire relativement rare laisse supposer un lien potentiel avec le Sars-Cov-2. En effet, en Europe, 9 enfants sur 100 000 déclarent la maladie chaque année, avec un pic annuel saisonnier, selon l’Inserm.
Face à ces interrogations, Santé publique France a mis en place une surveillance afin de comptabiliser les cas suspects. Les résultats sont fréquemment publiés lors de bulletins épidémiologiques hebdomadaires. Le dernier en date révèle qu’actuellement, la France comptabilise 194 signalements de syndromes inflammatoires multi-systémiques survenus depuis le 1er mars. L’âge moyen des enfants est de 7 ans. Pour le moment 86 d’entre eux ont nécessité une hospitalisation en service de réanimation et un seul est décédé.
Au vu de ces observations, une équipe de pédiatres de l’hôpital Necker a cherché des réponses à ces manifestations de pseudo-Kawasaki
. D’après leurs travaux, 21 enfants âgés entre 3,7 et 16,6 ans ont participé à l’étude. En ce qui concerne les potentiels facteurs génétiques, douze d’entre eux, soit 57% avaient un parent ou grand-parent originaire d’Afrique sub-saharienne ou des Caraïbes. Au niveau des signes cliniques, à peine plus de la moitié (11 patients) présentaient l’ensemble des critères diagnostics typiques de la maladie de Kawasaki. C’est pour cela, que les experts parlent à présent de cas de pseudo-Kawasaki
. Plus précisément, 57% avaient un syndrome de choc, 76% une myocardite et 81% ont dû être pris en charge en soins intensifs. Autre point à soulever : tous les enfants présentaient des symptômes gastro-intestinaux, survenus avant le début des principales manifestations de la maladie de Kawasaki. Ceux-ci consistaient en des douleurs abdominales aiguës, souvent associées à des vomissements et de la diarrhée.
90% des enfants présentaient selon les tests sérologiques des anticorps contre le Sars-Cov-2
Une corrélation apparemment établie
Dans cette étude, l'association temporelle entre le début de la pandémie de covid-19 en France et les résultats des tests (RT-PCR et anticorps IgG) pour le SARS-CoV-2 chez nos patients atteints de la maladie de Kawasaki suggère un lien de causalité
, soulignent les praticiens.
En effet, un seul patient présentait des symptômes évocateurs de la Covid 19. Pourtant, si les résultats des tests RT-PCR étaient positifs chez huit patients, des anticorps IgG contre le nouveau coronavirus ont été détectés chez 19 d’entre eux, soit 90% des participants aux travaux. En ce qui concerne les deux exceptions, ils avaient également des tests négatifs via la technique de RT-PCR. Ainsi, ces données suggèrent bel et bien que chez la plupart de ces enfants le développement de la maladie de Kawasaki est susceptible d’être la conséquence d’une réaction immunologique suite à une infection virale.
D’ailleurs, des associations entre la maladie de kawasaki et des infections virales respiratoires ont déjà été suspectées par les chercheurs, en particulier avec les rhinovirus et les entérovirus. D’autres agents viraux ont également été soupçonnés dont des coronavirus humains ! Néanmoins, pour l’instant, les spécialistes n’ont pas pu spécifier si des caractéristiques cliniques divergeaient ou non chez les patients atteints selon si tel ou tel virus était impliqué.
Des recherches génétiques et immunologiques nécessaires
Les experts ont toutefois constaté des signes inhabituels lors de cette étude. Par exemple, la forte représentation d’enfants avec des ascendances d’origine subsaharienne qui peut laisser entrevoir une potentielle prédisposition génétique. D’ailleurs, d’après l’Inserm, des facteurs génétiques joueraient aussi un rôle majeur pour expliquer la vulnérabilité de certains enfants à la maladie
. Ils remarquent aussi la prépondérance des symptômes gastro-intestinaux présents chez l’ensemble de leur échantillon au début de la maladie ou encore la fréquence élevée des myocardites.
En outre, les auteurs se demandent pourquoi aucun signalement de pseudo-Kawasaki n’a été rapporté sur le continent asiatique, alors que c’est là dont est partie la pandémie et que l’incidence de la maladie de Kawasaki est la plus importante. Effectivement, elle touche environ 1 enfant sur 6000 en France et aux États-Unis et 1 sur 12 000 au Royaume-Uni alors qu’au Japon le chiffre grimpe à 1 sur 1000. L’incidence est 2,5 fois plus élevée chez les patients d’origine asiatique que chez les patients d’origine caucasienne, ce qui suggère une prédisposition génétique
, explique le Groupe français d’étude des vascularités (GFEV). De même, seuls trois patients décrits dans les travaux de l’hôpital Necker avaient des ascendants originaires d’Asie. Selon les praticiens, des recherches génétiques et immunologiques complémentaires sont essentielles pour approfondir ces observations.
En ce qui concerne les jeunes patients de l’étude, ils ont tous reçu un traitement à base d’immunoglobulines par intraveineuse et 10 d’entre eux ont également pris des corticoïdes. Tous ont vu leur état s’améliorer et sont tous rentrés à domicile après 5 à 7 jours d’hospitalisation. Ce dénouement correspond aux statistiques, la grande majorité des patients guérissent rapidement et ne conservent aucune séquelle. La mortalité reste très faible. Selon le docteur Xavier Pothet, elle est évaluée à 0,017%. Si on rapproche ce taux de la fréquence très faible, on ne la voit donc pas très souvent
. Il estime donc qu’il ne faut pas s’inquiéter
.
Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com @roxane0706
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