Chez les patients atteints de cancer, les plaies cancéreuses ne sont que peu documentées dans la littérature. Peu fréquentes, elles sont pourtant une sorte de "témoin" de l’état de santé du malade et l’un des critères pour l’amélioration de son parcours de soins. Dans une étude parue fin novembre dans la revue américaine "Journal of Pain and Symptom Management", des chercheurs français (dont une majorité d’infirmiers) apportent des éléments de nature à tendre vers un consensus.
Dans un souci d’harmonisation des pratiques, une équipe pluriprofessionnelle de l’Institut Curie s’est intéressée à la prise en charge des plaies tumorales hémorragiques. Un enjeu thérapeutique peu abordé par la recherche, dont la prise en charge a peu évolué depuis une dizaine d’années, mais qui a un impact non-négligeable sur l’état général du patient et sur sa qualité de vie (douleurs, effet de masse, hémorragies, gêne à l’habillage, odeurs…). Sur la base des données observées chez 90 participants porteurs de plaies tumorales d’une surface supérieure ou égale à 10 cm2, l’équipe en fait un critère à part entière dans l’orientation du parcours patient (y compris le transfert anticipé en soins palliatifs) et l’amélioration du quotidien des personnes qui en souffrent.
Chiffres et résultats-clés de l’étude
Corrélation significative entre sévérité du saignement et survie
Risque accru d’aggravation du saignement en cas de 1er épisode
90 patients (dont ¾ de femmes) suivis pendant 2 ans
Survie moyenne après 1ère consultation : 5,6 mois
Episodes de saignement mineur : 38,9 %
Episodes de saignement hémorragique : 18,9 %
70,6 % des épisodes hémorragiques stabilisés par pansements hémostatiques
2,2 % de décès observés attribuables à des saignements
Au-delà des priorités pressantes
Entre 5 % et 10 % : c’est la prévalence des plaies tumorales toutes localisations confondues en cas de cancer métastatique, les plus fréquentes étant observées au niveau des seins, de la sphère ORL, le pli de l’aine ou le creux axillaire, l’appareil génital, le dos, et enfin le tronc ou l’abdomen. Une incidence finalement assez faible qui rend compliquée la réalisation d’études sur le sujet, souvent par manque de patients
, commente Marguerite Nicodème, premier auteur de l’étude et infirmière en pratique avancée (oncologie – onco-hématologie) au sein de l’Institut Curie à Paris. Par ailleurs, la vie quotidienne des patients atteints de cancer est altérée par d’autres symptômes majeurs, le plus fréquent chez les patients atteints de plaie tumorale étant la douleur. Voilà pourquoi les plaies sont généralement reléguées derrière les priorités les plus pressantes sur le plan de l’investigation
.
L’étude montre clairement que ces saignements sont significativement associés à un mauvais pronostic pour le patient
Des plaies corrélées au pronostic
Pourtant, les plaies tumorales sont la résultante du processus cancéreux ainsi que des traitements entrepris et de la réponse du patient à ces thérapeutiques. A la croissance aussi anarchique que celle des tumeurs elles-mêmes, ces plaies peuvent êtres des métastases cutanées des tumeurs initiales ou bien encore correspondent à une récidive du cancer. Hémorragiques ou non, elles saignent facilement car elles sont hypervascularisées ; et l’étude montre clairement que ces saignements sont significativement associés à un mauvais pronostic pour le patient. Les patients savent bien cela, et ils savent aussi qu’une aggravation de leur plaie montre une évolution défavorable de leur maladie
, reconnaît Marguerite Nicodème.
Nous essayons avant tout de rassurer le patient et de lui apporter le soin le plus précis et personnalisé possible
Rassurer, personnaliser, conseiller
L’angoisse engendrée par ce type de situation donne une place particulière au soin apporté, qui vise à prendre en charge les symptômes de ces plaies comme la prévention du risque hémorragique. En lien avec les oncologues ou les services de soins palliatifs d’autres structures si nécessaire, nous essayons avant tout de rassurer le patient et de lui apporter le soin le plus précis et personnalisé possible
, insiste l’infirmière. Dans le cas où le patient retourne à domicile, nous lui donnons par exemple des conseils simples pour qu’il ne se sente ni perdu ni stressé, comme utiliser son congélateur domestique pour surgeler des petits pois à appliquer ensuite sur sa plaie pour avoir un effet vasoconstricteur en cas de saignement important. De même, nous nous coordonnons avec l’activité de l’infirmier libéral ou d’hospitalisation à domicile qui le prendra en charge en lui écrivant un courrier explicatif détaillé et en lui fournissant le matériel qu’il n’aurait pas (comme des pansements hémostatiques...)
. A l’évidence, un partage et une continuité des soins qui concourt au maintien du bien-être et du confort du patient, que les thérapeutiques agissent avec succès ou échouent.
Anne Perette-FicajaDirectrice de la rédactionanne.perette-ficaja@gpsante.fr @aperette
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