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AU COEUR DU METIER

"Pratique avancée en douleur chronique : mythe ou réalité ?"

Publié le 30/11/2020
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Dans le domaine de la douleur et de sa prise en charge par les professionnels de santé, la place et le rôle des infirmier(e)s qui, de longue date déjà interviennent au sein de services dédiés ou de façon transversale comme dans les services d'oncologie médicale, n'est plus à démontrer. Experts en leur domaine, acquérant au fil du temps des compétences propres ou les renforçant via des formations ou des diplômes universitaires... ils sont infirmiers cliniciens, infirmiers ressource ou infirmiers en pratique avancée... Quelle est notamment la valeur ajoutée de ces derniers en matière de douleur chronique ? Cette question a fait l'objet d'une session 100% infirmière intitulée "Pratique avancée en douleur chronique : mythe ou réalité ?" lors du Congrès de la Société française d'Etude et de Traitement de la Douleur (SFETD) tenue en distanciel le 20 novembre dernier.

"Appliquer la reconnaissance d'une pratique avancée à l'exercice de l'Infirmier Ressource Douleur au sein des structures spécialisées douleurs chroniques (SDC)" est défendu par la SFETD.

IPA versus IRD : quelle valeur pour un acronyme ?

Jean-Michel Gautier, IADE, cadre de santé et Doctorant en Sciences Politiques (Montpellier) a posé la question : faut-il un domaine d'intervention spécifique en douleur chronique pour l'infirmier de pratique avancée (IPA) ou simplement intégrer la douleur chronique dans la liste des pathologies chroniques stabilisées établie par arrêté ? Question qui en découle naturellement : quid du profil professionnel de l'IPA face à celui de l'Infirmier Ressource Douleur (IRD) ?

Si l'on regarde les référentiels d'activités et de compétences de chacun, on voit d'emblée de nombreuses similitudes, souligne Jean-Michel Gautier. Je m'intéresse de longue date à cette question, avant même d'ailleurs la création de l'IPA en France. En effet, à l'occasion d'un voyage d'études au Québec en 2010, avec des représentants de la commission infirmière de la SFETD, nous avons rencontré des collègues québécoises et appréhendé la pratique avancée au Québec. Notre constat était que le profil des IRD français s’apparentait au profil infirmier en pratique avancée. Ces IRD seraient entre 300 et 400 aujourd'hui en exercice au sein des structures douleur chronique (cf. encadré ci dessous). Rappelons que pour ce faire, ils sont spécifiquement formés depuis la création de ces postes dans le cadre du programme de lutte contre la douleur, titulaires a minima du Diplôme Universitaire de prise en charge de la douleur et de leur expérience professionnelle construite dans un contexte de coopération et d'interdisciplinarité. Leur reconnaître une pratique avancée pourrait être une réponse aux besoins considérables actuels d’accès aux structures douleur chronique. Cela pourrait se faire notamment par la voie de la VAE (validation des acquis de l'expérience). En tant qu'IPA, ils acquerront alors la compétence à prescrire, et donc plus d'autonomie dans leurs fonctions ainsi valorisées.

Les bénéfices de la pratique avancée en douleur chronique : libérer du temps médical, augmenter la file active de patients, réduire le temps d'attente pour accéder aux structures de prise en charge et reconnaître et valoriser l'expertise clinique de l'IRD

Dans la continuité de ses arguments, Jean-Michel Gautier souligne cependant qu'il est peu probable que la douleur, thème transversal à bien des disciplines médicales, fasse l'objet d'un domaine d'intervention spécifique de l'IPA. En revanche, intégrer la douleur chronique dans le domaine pathologies chroniques stabilisées pourrait être une solution pour avancer sur le sujet et ainsi répondre aux enjeux de santé de demain.

Pour continuer à militer sur le sujet, à l'issue de son congrès 2020, avec douze organisations, la Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur (SFETD) appelle les pouvoirs publics à renforcer l'engagement pris en faveur d’une meilleure prise en charge de la douleur en France, alertant sur les conséquences d’une aggravation de la situation en lien avec la crise sanitaire actuelle. Conjointement est présentée une feuille de route comprenant 22 pistes d’actions concrètes à mettre en œuvre dès 2021. Parmi elles, la proposition 10, qui consiste à "appliquer la reconnaissance d'une pratique avancée à l'exercice de l'Infirmier Ressource Douleur au sein des structures spécialisées douleurs chroniques (SDC)". Un dossier qu'il faudra suivre de près en 2021...

Infirmier Ressource Douleur (IRD) : quelles compétences ?

La SFETD, par la Commission Professionnelle Infirmière en son sein, a mis à jour en septembre dernier le document "Infirmier ressource douleur : référentiel d'activités et de compétences." Il s'agissait d’appréhender les activités, les décrire et les classer, puis de faire des hypothèses sur la nature des savoirs mobilisés pour les conduire (savoirs théoriques,  procéduraux, expérientiels et savoir-faire). Le référentiel d'activités de l'IRD se décline ainsi en six points :

  • Observation, recueil et interprétation des données dans le cadre de la prise en charge d’un patient douloureux
  • Prescription infirmière, réalisation d’actes techniques
  • Conception,  mise  en  œuvre  et  évaluation  d’actions  d’éducation thérapeutique et d’éducation à la santé
  • Participation à l’organisation du parcours de soins et de santé du patient douloureux
  • Mise en œuvre d’actions d’évaluation et d’amélioration des pratiques professionnelles en exerçant un leadership clinique
  • Contribution à la recherche

La pratique avancée en Oncologie, une réalité à l'institut Curie

Ester Molina Beltran, IPA dans le Département d'Oncologie médicale à l'Institut Curie (Paris), nommée en 2020 (cf. encadré ci-dessous), a fait vivre par son exposé le coeur de sa pratique, notamment auprès de femmes avec un cancer du sein adjuvant et en hôpital de jour pour leur traitement de chimiothérapie. Mon rôle dans cette "consultation infirmière" est d'apporter mon regard clinique et les appréciations et conseils qui en découlent aux patientes. Cela va de l'évaluation initiale lors de la première entrevue : état de la cicatrice, du PAC, symptômes, gènes ressenties, douleur... En intercure, il s'agira toujours d'évaluer l'état général de la patiente avec une adaptation des prescriptions si nécessaire, de proposer des programmes d'éducation thérapeutique en fonction des besoins mis en évidence, et bien entendu d'orienter, afin que la prise en soins soit la plus exhaustive possible, vers d'autres professionnels de l'Institut (kinésithérapeute, psychologue, gynécologue, assistante sociale...). Mon passé d'infirmière référente douleur (IRD) est mis à profit tout au long de ces consultations. En effet, il s'agit de repérer très précocément des douleurs neuropathiques, handicapantes et souvent rebelles, induites par la chirurgie ou la chimiothérapie, et inscrire la patiente vers un ciruit douleur à l'Institut. Il est essentiel d'éviter la chronisisation de la douleur dont on sait combien elle impacte très négativement la qualité de vie de celles qui en souffrent.

A Paris, l'Institut Curie enrichit ses équipes soignantes par 5 nominations d'IPA

La profession d’IPA est officiellement reconnue et légalement cadrée en France depuis 2018. A l’interface des exercices infirmiers et médicaux, elle accorde aux soignants des missions élargies et apporte aux équipes des établissements de santé comme l’Institut Curie des expertises spécifiques et complémentaires "précieuses" pour améliorer la prise en charge, le suivi et le parcours de soins des patients... « La pratique avancée nous permet de gagner en expertise et en autonomie tout en travaillant en équipe pluridisciplinaire », déclare Marguerite Nicodème, IPA à l’Unité de recherche plaies et cicatrisation de l’Hôpital à Paris. Claire Llambrich-Molines, quant à elle, met en œuvre une grande partie des missions cliniques de la pratique avancée en oncologie thoracique : « je réalise entre autre des consultations avec auscultation, interprétation des bilans sanguins, diagnostic, renouvellement des ordonnances, prescription des immunothérapies et suivi de la réponse au traitement ». Nicolas Garant, lui, travaille en hôpital de jour en hématologie adulte. Il bénéficie d’une longue expérience de coordination et de pratique avancée sur le site de SaintCloud : « L’IPA peut avoir une vision globale et anticipatrice du parcours de soins du patient qui contribue à sa sécurisation. Nous jouons donc un rôle important dans la prise en charge, complémentaire au médecin ». En 2020, deux infirmières ont rejoint l’équipe des IPA de l’Institut Curie : Isabelle Da Costa et Ester Molina-Beltran dans le Département d'Oncologie médicale.

Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com