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AU COEUR DU METIER

Parce que toute violence envers un soignant est condamnable !

Publié le 29/05/2020
merci, street art paris ardif

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A travers le monde et depuis le début de la pandémie de COVID-19, la violence faite aux infirmières et aux autres agents de santé est jugée par le Conseil International des Infirmières (CII) comme "très préoccupante". Pour Howard Catton, directeur de l'instance mondiale, "il est urgent d'appeller les pouvoirs publics à agir vite contre les actes de violence et de maltraitance pour protéger les infirmières en première ligne". Dans un article qu'il co-signe, publié dans The Lancet, il formule, pour ce faire, "des recommandations concrètes".

DR - Ardif - Elles et ils ont été applaudis, remerciés pour leur engagement exemplaire durant la pandémie mais les violences, les incivilités à leur encontre ont également été constatées, voire augmentées.

La violence ne doit en aucun cas être considérée comme faisant partie du travail d'un soignant, quel qu'il soit, et où qu'il exerce. Si l'actualité réactive régulièrement le sujet par des agressions dans les services d'urgence , ou en psychiatrie, particulièrement exposés, le secteur libéral, on le sait, n'échappe pas à la règle. En France, l’Observatoire National des Violences en Milieu de Santé (ONVS) publie, chaque été, son rapport annuel qui recense les actes portant atteinte à l’intégrité des personnels de santé. En 2019, malheureusement, les remontées du terrain étaient alarmistes , et les statistiques qui en découlaient peu rassurantes. Résultat : un sentiment d’insécurité plus que compréhensible pour les soignants, que ce soient en milieu hospitalier ou à domicile.

Les infirmières sont ostracisées, maltraitées et même agressées physiquement parce qu’elles ont été en contact direct avec des patients atteints de COVID-19. Il va sans dire que de telles agressions sont totalement inacceptables, en toutes circonstances.

La pandémie a aggravé la situation

Les choses se sont encore dégradées depuis le début de la pandémie, nous l'avons observé nous mêmes au regard des nombreuses agressions (vols) et graves incivilités à l'encontre des personnels soignants qui ont été rapportées ici et là. Le dernier communiqué du Conseil International des Infirmières (CII) ne dit pas autre chose, rappelant que ces dernières semaines, il a reçu de son réseau d’associations nationales d’infirmières des informations très préoccupantes sur la hausse de la violence visant spécifiquement les infirmières et les autres agents de santé en première ligne dans la lutte contre la pandémie de COVID-19. Le directeur général du CII, Howard Catton, a co-écrit un article avec des collègues de Physicians for Human Rights et de l’Association médicale mondiale sur le sujet, publié dans The Lancet le 20 mai dernier

Il faut condamner des actes de violence dans n’importe quel contexte. Mais le fait que ces travailleurs de santé répondent actuellement à une crise qui affecte profondément toutes les sociétés rend ces actes  encore plus abominables.

Les auteurs de cet article rappelent que les médecins, infirmiers/ères, et d’autres travailleurs de santé ont été applaudis dans plusieurs pays comme étant des héros pour leur travail pendant la pandémie COVID-19. Pourtant leurs efforts et contributions ne sont pas appréciés de tout le monde. Depuis le début de la pandémie, on trouve dans la presse des récits de personnes travaillant dans la santé qui font face aux attaques lors des trajets entre leur domicile et leur lieu de travail. Au Mexique, des infirmiers/ères, et des médecins ont été victimes de lancements d’œuf ou ont été attaqués physiquement. Aux Philippines, un infirmier aurait été attaqué par des hommes qui lui ont jeté de l’eau de Javel sur le visage, détériorant sa vision. A travers l’Inde, on parle de travailleurs de santé qui sont battus, lapidés, menacés et chassés de chez eux, quand on ne leur crache pas dessus. Ce sont quelques exemples parmi beaucoup à travers de nombreux pays, Etats-Unis et Australie inclus. Et de souligner que quels que soient les motifs de telles agressions et de cette violence – et il est raisonnable de penser qu’elles sont le résultat d’informations mensongères et de l’ignorance –, les infirmières se trouvent exposées à un risque accru au moment où leurs collectivités ont plus que jamais besoin d’elles.

Une infirmière du Mexique a déclaré qu’autour d’elle, on l’avait rejetée, à l’instar de ses collègues. Elle a déclaré que de nombreuses personnes au Mexique pensaient que la COVID-19 était un canular ou craignaient que les infirmières ne propagent l’infection dans leur collectivité. Ses collègues ont été aspergées d’eau de javel ou on leur a jeté du café brûlant en allant ou en revenant du travail.

Howard Catton le dénonce avec force : les incapacités gouvernementales dans certains pays de fournir et gérer les ressources nécessaires pendant cette pandémie font que les travailleurs de santé risquent leurs vies tous les jours en soignant les patients de COVID-19 sans équipement individuel protecteur adéquat , ni mesures de sécurité sur leur lieu de travail. En conséquence, des milliers de travailleurs de santé à travers le monde ont contracté le SARS–CoV-2, certains en sont morts, hélas , et sont donc considérés eux-mêmes comme des personnes dangereuses  pour la santé publique. Cette situation a engendré une violence à leur encontre dans certains lieux, seulement parce qu’ils ont accompli leur devoir professionnel. Cette réponse risque d’exacerber les cas, déjà sans précédant, de stress et burn-out, à cause du COVID-19, déjà ressentis par les travailleurs de santé et leurs familles pendant cette pandémie.

Nous appelons les pouvoirs publics à adopter une politique de tolérance zéro ; à prendre des mesures immédiates pour mettre fin à ces agressions ; et à permettre à ce personnel essentiel de se déplacer en toute quiétude et dans le respect qu’il mérite.

Quelles préconisations pour endiguer cette violence ?

L’article de The Lancet émet des recommandations à l’intention des pouvoirs publics pour réduire le nombre d’agressions contre les infirmières et veiller à ce que les auteurs de violences faites à tout agent de santé soient traités comme il se doit par les autorités compétentes.

Dans un premier temps, il faut collecter des informations sur la fréquence et le type d’attaque sur les personnels de santé, aussi bien avant que pendant la pandémie COVID-19, dans tous les pays, afin de bien comprendre l’étendue du problème, et mettre en place des types d’interventions pour prévenir et répondre aux agressions. Le Président du CII le rappelle : le soutien global de tous les états membres et leurs communautés est essentiel pour bâtir un système de surveillance robuste. Des données nationales doivent être collectées par les Ministères de Santé, ou les organisations de sécurité sanitaire. Il faut développer ou améliorer des outils pour analyser, partager et publier massivement ces informations

Il faut également prévenir ces attaques contre le personnel de santé et les condamner lorsqu’elles se produisent. Pour ce faire, les gouvernements d’Etat et les autorités locales doivent créer des partenariats avec la société civile, des associations  communautaires ainsi que les organes médiatiques pour mettre en lumière le problème des agressions sur le personnel soignant, et s’engager avec les différentes communautés pour la prévention. 

Aider à combattre les informations mensongères et trompeuses sur la COVID-19 est une action toute aussi importante. L’étendue des désinformations et des fausses informations sur COVID-19, parmi lesquelles les théories complotistes, ont en effet largement contribué à la diabolisation de certains groupes tels les travailleurs soignants. Les gouvernements, organisations internationales collaboratives et réseaux sociaux doivent continuer à améliorer et élargir des campagnes d’information publique pour continuer à informer et éduquer le public et corriger les fausses informations. Et Howard Catton de préciser que face au niveau élevé de méfiance dans plusieurs communautés, il faut aussi l’engagement actif des acteurs clés de confiance, et l’organisation de campagnes d’information, faute de quoi le succès n’est pas garanti.

Il y a nécessité à inciter les autorités locales et nationales à prendre des mesures fortes contre les auteurs d’agressions. Il faut pour cela des réponses rapides de la part des systèmes policiers et judiciaires contre les actes de violence envers le personnel soignant et que les auteurs de tels crimes répondent de leurs actes et que leur responsabilité soit entièrement reconnue

Quid des mesures de sécurité sanitaire mises en place par les autorités de santé pour protéger les agents de santé dans le cadre des budgets d’urgence alloués à la COVID-19. Compte tenu des failles observées durant la pandémie, et qui ont exposé les professionnels de santé, on a besoin dès maintenant d’investissements pour la protection du personnel soignant et les établissements de santé.

Enfin, l'unité des professionnels de santé - associations professionnelles, sociétés et organisations de toutes les spécialités et toutes les disciplines - est indispensable pour que tout acte à l'encontre des soignants (discrimination, intimidation, incivilité et violence) soit dénoncé, unanimement, et condamné immédiatement.

En conclusion, l'article du Lancet l'affirme : comme pour les taux d’infection à la COVID-19 parmi les agents de santé, il est essentiel que nous disposions de données sur toutes ces agressions, qu’elles soient physiques ou psychologiques, car sans cela, nous ne pouvons pas élaborer de stratégie pertinente pour les prévenir. Ces agressions sont injustes et condamnables, et au moment où il manque six millions d’infirmières et où il faut créer plus d'attractivité pour la profession, ce sont des signaux très négatifs qui sont envoyés.

Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com