C’est dans un contexte particulièrement marqué par le décès de Carène Mezino, infirmière de 37 ans au CHU de Reims, victime d’une agression qui a ému toute la communauté soignante, que paraissent les résultats de la dernière enquête de l’Ordre infirmier (ONI) sur le sujet des violences contre les soignants. A la suite d’une consultation à laquelle ont répondu 31 281 de ces professionnels, il ressort que deux tiers d’entre eux ont déjà été victimes de violences, contre 73% qui en ont été témoins.
Des violences subies dans 42% dans les établissements
En termes de fréquence, l’ONI évalue à 40% la part d’infirmiers qui rencontrent ces situations « plusieurs fois par an » et à 15% ceux qui les vivent « toutes les semaines ou presque ». Pour 42% d’entre eux, le dernier incident subi l’a été au sein de l’hôpital. Ce sont les insultes qui sont les plus fréquentes (à 75%), mais le taux de menaces physiques est également élevé : 45%. Viennent ensuite le dénigrement (43%), les coups (37%), les menaces de mort (16%) et les dégradations de biens personnels (10%). Les auteurs de ces violences sont plus fréquemment les patients eux-mêmes, à hauteur de 66%, suivis de leurs proches. Mais les soignants eux-mêmes et les membres du personnel et de l’administration sont également pointés du doigt : 31% des répondants en font ainsi état.
Les causes identifiées de ces violences sont multiples, entre reproches liés à la prise en charge qui arrive en tête (48%), troubles cognitifs (42%), temps d’attente jugé trop long, ou encore état d’ébriété ou consécutif à une prise de stupéfiant. Et, dans 38% des cas, les infirmiers qui sont soit victimes soit témoins de ces violences ne font aucune démarche pour les faire remonter. En résulte de lourdes conséquences pour ces professionnels, entre sentiment de colère, de peur, stress ou encore impact sur leur bien-être au travail et sur leur vie personnelle. Plus de la moitié d’entre eux ne se sentent ainsi pas en sécurité sur leur lieu de travail, avance l’Ordre ; et 26% envisagent de quitter la profession dans les 12 mois.
Des réponses qui doivent être structurelles
Ces résultats éclairent un « phénomène dramatique » pour l’ONI, qui participe à la dégradation des conditions de travail dénoncées depuis la fin de la pandémie par des soignants épuisés et qui, toutes professions confondues, tendent à fuir le secteur de la santé. « L’accompagnement et le soutien aux professionnels touchés par ces violences sont un enjeu majeur pour contribuer au bien-être des infirmiers et à l’attractivité de la profession », défend-il.
Afin de prévenir ces faits de violence et de protéger les infirmiers, il propose notamment de mettre en place un régime de sanctions renforcées contre tous ceux « qui s’en prennent à leur intégrité physique ou mentale » - une proposition de loi sur les peines planchers émanant de la droite va dans ce sens -, d’investir massivement dans le secteur de la psychiatrie, particulièrement touché par ce phénomène, de mettre en place une prise en charge globale des victimes « autant au niveau psychologique que financier », ou encore d’intégrer plus d’infirmiers dans la gouvernance des institutions, elles aussi identifiées comme étant à l’origine de certaines violences. S’y ajoutent enfin la nécessité de répondre à des causes structurelles, à commencer par le manque de personnel. Par ailleurs, l’Ordre indique avoir lancé un Observatoire de la sécurité des infirmiers « destiné à recenser les actes de violence à l’encontre des infirmiers, quel que soit leur lieu d’exercice ». Un formulaire de déclaration en ligne leur permet ainsi d’informer leur Conseil départemental et de demander assistance, si besoin. « Ces violences ne sont pas une fatalité. Au contraire, elles sont un phénomène qui découle aussi bien de comportements individuels intolérables que des dysfonctionnements de notre système de santé et qui appelle des réponses vigoureuses et adaptées », conclut Patrick Chamboredon, le président de l’ONI.
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